Pénuries de médicament : « On peut parler de faillite », estime l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament après la publication d’un rapport sénatorial
Après la publication d’un rapport très critique du Sénat sur la politique du médicament en France, Pauline Londeix, cofondatrice de l’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament estime qu’il « n’y a personne pour réellement conduire la politique pharmaceutique de la France ».
Article rédigé parFrance Info
Radio France
Publié le 06/07/2023 16:48
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« On peut parler de faillite. Nous aussi, on constate qu’il n’y a malheureusement plus de pilote dans l’avion et que c’est absolument dramatique« , a réagi jeudi 6 juillet sur franceinfo Pauline Londeix, cofondatrice de l’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, après la publication d’un rapport du Sénat sur les pénuries de médicaments en France. Après cinq mois d’enquête et plus de cinquante auditions d’acteurs de la santé, les sénateurs dressent un constat « alarmant » sur la question des médicaments en France. « Les conséquences de l’analyse réalisée par cette commission d’enquête recoupent tout le travail qu’on a pu faire« , au niveau de l’observatoire, explique Pauline Londeix.
franceinfo : Vous aussi, vous avez conclu à la faillite la politique du médicament en France ?
Pauline Londeix : Absolument, car malheureusement, les conséquences de l’analyse réalisée par cette commission d’enquête recoupent vraiment tout le travail qu’on a pu faire et tout ce qu’on a pu analyser. Et en effet, on peut parler de faillite. Nous aussi, on constate qu’il n’y a malheureusement plus de pilote dans l’avion et que c’est absolument dramatique. Je crois que vraiment ce qu’il faut retenir de cette commission d’enquête, c’est que ce constat sans appel, ce n’est pas uniquement notre organisation qui le fait, ce n’est pas uniquement la société civile, ce sont les sénateurs de différents bords politiques qui ont mené 50 auditions, qui ont travaillé pendant six mois et qui arrivent aux mêmes conclusions.
L’État a-t-il les moyens de changer les choses ?
Absolument, l’Etat a les moyens de reprendre la main sur les politiques du médicament. Nous, c’est ce qu’on dit depuis des années. C’est-à-dire qu’au-delà des questions qui apparaissent très complexes, en réalité, il y a une question très simple, c’est le droit fondamental à la santé, quels sont les médicaments dont nous avons besoin et comment pouvons-nous les produire sur notre territoire ou en concertation avec d’autres pays européens ou même d’autres continents. Certains pays, je pense au Brésil, ont réussi à le faire. Et donc si le Brésil y parvient, on peut imaginer qu’un pays comme la France ou un continent comme l’Europe peuvent y parvenir.
Est-ce qu’on en prend le chemin ?
Notre constat, c’est qu’on est très loin d’en prendre le chemin. On est plutôt dans la dynamique inverse, c’est-à-dire de laisser les firmes faire absolument ce qu’elles veulent. Je crois que le rapport de la commission d’enquête a réellement insisté sur l’absence de conditionnalité aux aides publiques que les firmes multinationales reçoivent.
« On donne des aides publiques pour la recherche et le développement pour la production mais il n’y a pas de contreparties qui sont demandées à ces firmes. C’est réellement un problème. »Pauline Londeix
à franceinfo
Les sénateurs se prononcent en faveur d’un secrétariat général aux médicaments. Ça changerait quoi ?
Ça nous paraît vraiment intéressant parce qu’on a l’impression qu’il n’y a personne pour réellement conduire la politique pharmaceutique de la France au niveau public, ce qui est vraiment problématique. Donc, qu’il y ait à un moment donné une coordination, un secrétariat, ça nous paraît très intéressant. En revanche, il faudra faire attention à la composition de ce secrétariat parce que les liens d’intérêts et les conflits d’intérêts dans toutes les missions interministérielles qui ont été mises en place, nous paraissent vraiment problématiques. Il faut également faire attention aux recours aux cabinets de conseil privés parce que ça aussi, ça conduit à des recommandations et des actions de la part de l’État qui ne sont pas forcément adéquates avec ce dont on a besoin pour mener les politiques pharmaceutiques en France.