La crédibilité de l’Anses questionnée par son propre conseil scientifique

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Dans un rapport sur l’Agence nationale de sécurité sanitaire, les experts indépendants s’inquiètent du « décalage entre science et expertise » au sein de l’institution et préconisent une réforme de son fonctionnement.

Par Stéphane Mandard

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Devant les locaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), en juillet 2015.
Devant les locaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), en juillet 2015. MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Pas de communiqué de presse, aucune trace en « une » de son site Internet : le rapport a été mis en ligne en toute discrétion, vendredi 10 mars, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Et pour cause, le document de 139 pages, que Le Monde a consulté, porte sur la « crédibilité de l’expertise scientifique » menée par l’agence, et ses conclusions ne sont pas flatteuses.

Glyphosate, néonicotinoïdes, fongicides SDHI : ces dernières années, dans plusieurs dossiers sensibles, les avis rendus par l’autorité sanitaire ont été au centre de vives polémiques. Au point que le conseil scientifique de l’Anses – composé d’une trentaine de scientifiques, la plupart indépendants de l’agence – a jugé nécessaire de mandater un groupe de travail pour analyser la situation et faire des recommandations. « Cette situation pourrait, si elle n’est pas gérée attentivement, menacer la crédibilité de l’agence », alerte le groupe de travail, créé à l’automne 2020 et dirigé par Pierre-Benoît Joly, président du centre Inrae Occitanie-Toulouse.

L’expertise est au cœur de « trois grandes tensions », relève le rapport. La première tient à « la nécessité de prendre en compte les connaissances scientifiques les plus avancées ». « Le décalage entre science et expertise constitue l’un des facteurs les plus importants d’érosion de la crédibilité et l’Anses ne parvient pas toujours à réduire cette tension », écrivent les membres du conseil scientifique. Deuxième tension répertoriée : « l’urgence de rendre certains avis », conduisant à déroger aux règles usuelles de l’expertise pour, in fine, rendre des « résultats fragiles ».

La troisième tension identifiée par les rapporteurs est institutionnelle. Depuis 2015, l’Anses est chargée non seulement d’évaluer les risques liés à certains produits (pesticides, biocides, médicaments vétérinaires), mais aussi de leur régulation. Elle encadre leurs usages, accorde ou non les autorisations de mise sur le marché ou édicte leur retrait. Avant 2015, c’est la direction générale de l’alimentation, au ministère de l’agriculture, qui était chargée de cette mission. Pour les rapporteurs, ce mélange des genres imposé à l’agence contribue à « l’érosion de sa crédibilité ».

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