Vers une nouvelle réglementation européenne pour introduire les nanoparticules dans l’alimentation ?
7 mai 2018
En 2011, le Parlement Européen votait contre les nanoparticules dans les nouveaux aliments. Fin 2013, la Commission Européenne soumet une nouvelle proposition pour introduire les nanoparticules dans l’alimentation sur le marché du vieux continent…
Les nanoparticules, l’Eldorado de l’industrie agro-alimentaire
Les nanotechnologies sont le rêve des lobbies de l’agro-alimentaire et le cauchemar des associations de défense des consommateurs, des médecins, des écologistes, des scientifiques…
Si les industriels de l’alimentation en sont si friands, c’est que les nanoparticules permettent d’améliorer le goût, l’odeur, la couleur, la substance, la conservation des aliments… pour créer une nourriture « intelligente » adaptée aux goûts des consommateurs. Mais surtout, les nanoparticules représentent un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars dans le monde.
De grandes multinationales comme Nestlé, Kraft, Heinz et Unilever investissent dans les nano-aliments du futur. L’Anses indique que plus de 300 nano-aliments ont déjà été répertoriés.
Dans son rapport « Évaluation des risques liés aux nanomatériaux », l’Anses rappelle qu’aujourd’hui peu d’études existent pour déterminer les risques de l’ingestion de nanoparticules sur la santé humaine. Mais selon Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’Anses :
« Il existe cependant actuellement suffisamment de données scientifiques pour pointer les risques de certains d’entre eux. Dans dix ans, il sera trop tard pour se poser la question de leur encadrement. »
Les nanoparticules dans l’alimentation, un risque pour la santé ?
Des études ont démontré que des nanomatériaux peuvent :
franchir la barrière intestinale et se diffuser dans l’organisme,
s’accumuler ensuite dans certains organes (tube digestif, foie, rate, mais aussi estomac, reins, poumons, testicules, cerveau), dans le sang et à l’intérieur des cellules,
y causer des perturbations voire des effets toxiques.
« En ce qui concerne les effets sur l’homme, ils restent encore largement méconnus en raison de l’absence d’études épidémiologiques. Ces technologies sont en effet très récentes, elles ne sont apparues sur le marché que depuis une dizaine d’années seulement. Mais si leur taille infinitésimale est un atout pour l’industrie, pour la santé de l’homme, elle pourrait plutôt représenter un danger. En effet, cette propriété leur permet de franchir les barrières physiologiques, comme la peau ou les muqueuses, qui constituent les protections naturelles du corps ou le placenta qui permet l’échange sanguin entre la mère et le fœtus. »
L’Anses préconise donc la prudence :
« – un encadrement réglementaire renforcé des nanomatériaux manufacturés au niveau européen,
– d’inscrire les nanomatériaux dans le cadre du règlement européen CLP (classification, étiquetage et emballage) sur les substances chimiques dangereuses. »
Vers une nouvelle réglementation européenne pour introduire les nanoparticules dans l’alimentation.
Accélérer l’entrée des nanoparticules dans l’alimentation des Européens
En 20011, le Parlement Européen avait voté contre l’introduction de nanoparticules dans les nouveaux aliments en Europe. En décembre 2013, la Commission Européenne a proposé une nouvelle réglementation concernant les nanoparticules dans l’alimentation pour 2015. L’objectif final est d’accélérer les autorisations sur le marché européen des nanoparticules pour un meilleur retour sur investissement.
L’ILSI, un lobby international qui regroupe les 400 plus grandes multinationales de l’agro-industrie comme PepsiCo, Monsanto, Unilever, BASF, Bayer, Nestlé 4 ou encore Syngenta explique :
« Il y a une potentiel énormes pour les nanotechnologies pour créer de nouveaux matériaux et de nouveaux composés dans de nombreux domaines. Des milliards de dollars sont investis dans la recherche pour comprendre les possibilités et les limites de ces nouvelles technologies ».
Vers plus de transparence sur l’utilisation des nanoparticules
Point positif, même si certaines entreprises crient au gouffre financier et administratif (lire l’article Nanomatériaux : les PME en quête d’information sur le site usinenouvelle.com), la France est le premier pays à obliger ces dernières et les laboratoires à déclarer des « substances à l’état nanoparticulaire » fabriquées, importées ou mises sur le marché français depuis le 1er janvier 2013.
Plusieurs pays européens se sont lancés dans la même voix.
Du mois de mai au mois d’août 2014, la Commission Européenne a lancé une consultation pour la réalisation d’un registre européen qui permettrait de connaître les produits qui contiennent des nanomatériaux.
Les nanoparticules sont des nouvelles technologies qui font miroiter les entreprises. Elles se retrouvent dans plusieurs domaines : automobile, cosmétique, textile, alimentation…
Malgré les efforts pour plus de transparence, aujourd’hui elles circulent déjà sur le marché européen. L’incertitude sur leur dangerosité est bien réelle. Les études sont encore trop peu nombreuses. Les consommateurs, les employés exposés aux poussières et l’environnement sont loin d’être protégés par manque d’information, de réglementation et de contrôle. Les nanoparticules sont simplement déclarées, mais il n’existe aucune autorisation de mise sur le marché faite au préalable. Leur commercialisation est donc illimitée et active.
En 2011, une étude du CEA démontre que les nanoparticules de dioxyde de titane peuvent à forte dose traverser, la barrière hémato-encéphalique, une protection essentielle à notre cerveau.
En 2011, le professeur Jürg Tschopp, chercheur du Département de biochimie de l’Université de Lausanne affirmait : « Avec le dioxyde de titane, on se retrouve dans la même situation qu’avec l’amiante il y a 40 ans.
L’amiante et le nano-TiO2 sont vraiment similaires et ont la même puissance
Nos données suggèrent que le nano-TiO2 devrait être utilisé avec une plus grande prudence qu’il ne l’est actuellement.
De meilleures précautions doivent être prises pour limiter son ingestion, dans l’industrie comme dans la vie quotidienne.
Nous disposons maintenant de données scientifiques de bonne qualité et désormais, c’est une question politique.
Il y a déjà des commissions dans plusieurs pays qui réfléchissent à des mesures. »