Levothyrox : le laboratoire Merck mis en examen pour « tromperie aggravée » et placé sous contrôle judiciaire

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/19/levothyrox-la-filiale-francaise-du-laboratoire-merck-annonce-sa-mise-en-examen-pour-tromperie-aggravee_6146421_3224.html

Cette mise en examen fait suite à l’audition du président de la filiale française de Merck, mardi, au pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille, a confirmé le parquet.

Le Monde Publié hier à 08h03, mis à jour hier à 15h43

Temps de Lecture 3 min.

  • Ajouter aux favoris Ajouter à vos sélections Pour ajouter l’article à vos sélections
    identifiez-vousCréer un compteVous possédez déjà un compte ?
    Se connecter
  • Partager sur Facebook Partager sur Facebook
  • Envoyer par e-mail Envoyer par e-mail
  • Partager sur Messenger Partager sur Messenger
  • Partager sur Whatsapp Partager sur Whatsapp
  • Plus d’options Plus d’options
    • Plus d’options
    • Twitter
    • Linkedin
    • Copier le lien

Nouveau chapitre du feuilleton pharmaco-judiciaire du Levothyrox. C’est par voix de communiqué que la filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand Merck a annoncé, mercredi 19 octobre, sa mise en examen pour « tromperie aggravée » dans l’affaire du changement de formule du médicament Levothyrox. Une information confirmée par le parquet de Marseille et accueillie avec satisfaction par les avocats et représentants des associations de victimes.

La mise en examen du groupe fait suite à l’audition du président de la société Merck Santé, mardi toute la journée, au pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille. Selon l’entreprise, elle est liée aux « modalités d’information mises en place au moment de la transition de l’ancienne à la nouvelle formule en 2017 », pour ce médicament prescrit contre l’hypothyroïdie.

Le parquet a fait savoir que la « juge d’instruction [avait] ordonné le placement [de] la société Merck Santé SASU sous contrôle judiciaire », à la suite de l’annonce de sa mise en examen. Dans le cadre de ce contrôle judiciaire, la filiale française de Merck doit verser une caution de 4,3 millions d’euros, à régler en deux versements (en décembre et en janvier) se décomposant comme suit : 4 millions pour garantir le paiement d’amendes et la réparation des dommages causés par l’infraction et 300 000 euros pour garantir sa représentation en justice et les actes de procédure. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Levothyrox : mise en examen et caution de 4,3 millions d’euros pour le laboratoire Merck

Par ailleurs, Merck doit constituer des sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits des victimes, en constituant une sûreté sous la forme d’une garantie bancaire de 7 millions d’euros.

31 000 patients concernés par des maux de tête ou des insomnies

« La juge a écarté les infractions les plus graves – blessures et homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui –, pour ne retenir que des manquements dans le plan de communication », a souligné l’avocat de Merck au pénal, Me Mario Stasi. Et l’avocat de rappeler que « Merck a coconstruit ce plan de communication avec différents partenaires, des experts, en dialogue avec des associations de patients, et sous l’autorité de l’agence du médicament qui l’a approuvé ».

« La qualité du médicament n’est pas en cause. C’est un bon médicament, meilleur que l’ancien », a-t-il assuré, estimant que le dossier se soldait par « un débat technique sur la communication ». La nouvelle composition du médicament, modifiant certains de ses excipients afin d’apporter davantage de stabilité au produit, a été incriminée, entre mars 2017 et avril 2018, par quelque 31 000 patients souffrant notamment de maux de tête, d’insomnies ou de vertiges.

« Cette mise en examen ne concerne en aucun cas la qualité de la nouvelle formule du Levothyrox », a aussi assuré le laboratoire, mardi, soulignant vouloir « apporter toute précision nécessaire afin de faire établir qu’aucune infraction pénale, de quelque nature que ce soit, n’a été commise ». Une enquête pénale pour « tromperie aggravée », « homicide et blessures involontaires » avait été ouverte en 2018. Lire aussi Article réservé à nos abonnés Levothyrox : les experts judiciaires éreintent Merck et les autorités sanitaires

« Il ne faut pas que ce soit une mise en examen bidon »

La décision a été saluée par Marie-Odile Bertella-Geffroy, avocate représentant quelque 3 000 patients du Levothyrox : « Cela fait plusieurs années que l’on attendait cette mise en examen. On se disait que cela n’arriverait jamais. Mes clients n’y croyaient plus. Enfin cela bouge », a-t-elle réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP). « C’est une victoire d’étape, dans l’attente du procès voulu par les victimes », a estimé Me David-Olivier Kaminski, représentant quelque 200 victimes, pour qui le laboratoire « a fait comme s’il ne s’était rien passé en ignorant la douleur des victimes ».

« Le chef de tromperie aggravé, c’est déjà pas mal. Merck n’aurait jamais dû introduire une nouvelle formule (…) sans alternative. Ils savaient qu’ils prenaient le risque de déséquilibrer des patients », a réagi Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde. C’est « un bon début », mais « il ne faut pas que ce soit une mise en examen bidon », a martelé Chantal L’Hoir, de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), pour qui, « contrairement à ce que Merck continue de prétendre, (…) c’est bien cette nouvelle formule [du Levothyrox] qui a été directement responsable de ce scandale sanitaire ».

En juin 2019, l’ANSM, l’Agence nationale française contrôlant la sécurité des médicaments, avait mené une étude sur plus de deux millions de patients et conclu que le passage à la nouvelle formule du Levothyrox n’avait pas engendré de « problèmes de santé graves ». Cette agence est aujourd’hui visée par une action collective de quelque 1 100 plaignants pour « défaut de vigilance » et « défaut d’anticipation ».

Déjà condamnée en 2020 à indemniser plus de 3 300 patients

Dans le volet civil du dossier, la Cour de cassation avait rejeté en mars le pourvoi du groupe, condamné en 2020 à indemniser plus de 3 300 utilisateurs ayant souffert d’effets secondaires à la suite du changement de formule.

Dans son arrêt, la plus haute juridiction française avait estimé que « lorsque la composition d’un médicament change et que cette évolution de formule n’est pas signalée explicitement dans la notice, le fabricant et l’exploitant peuvent se voir reprocher un défaut d’information », pouvant « causer un préjudice moral ».

En France, moins de 100 000 patients sont aujourd’hui traités avec l’ancienne formule, importée en France depuis la fin de 2017 sous le nom d’Euthyrox. La distribution de l’ancienne formule, qui devait s’arrêter en 2020, a été prolongée à plusieurs reprises et se poursuivra au moins jusqu’à la fin de 2022. Lire aussi Article réservé à nos abonnés Levothyrox : pourquoi Merck a fait du zèle dans l’évaluation de la nouvelle formule

Vous aimerez aussi...