Cette question a rarement été abordée avec des résultats objectifs. Deux articles ont apporté des données :
- Dans BMJ le 27 octobre 2017, avec le titre : Payments by US pharmaceutical and medical device manufacturers to US medical journal editors: retrospective observational study. Une équipe canadienne a analysé 52 revues prestigieuses américaines (deux par spécialité), et identifié les rédacteurs éligibles à des paiements industriels listés dans la base de donnée américaine sur la transparence. Il s’agit donc de rédacteurs ayant une activité professionnelle médicale. Par exemple, de grands rédacteurs salariés de la revue sans exercice professionnel ne sont pas dans la base. Bonnes méthodes : ils ont analysé les données de 713 rédacteurs en 2014 ; 50,6 % (361) des rédacteurs avaient reçu des payements dits généraux (eg. consulting fees, speaker’s bureaus,reimbursement for meals and travel), et 19,5 % (139) avaient reçu des payements pour des recherches (eg, coordinating patient enrolment in a study). Voici les résultats qui apparaissent dans le résumé :
Le paiement général médian était de 11 $ (8 £; 9 €) (fourchette interquartile de 0 $ à 2923 $) et le paiement médian pour la recherche était de 0 $ (0 $ à 0 $). Le paiement général moyen était de 28 136 $ (écart-type de 415 045 $) et le paiement moyen pour la recherche était de 37 963 $ (écart-type de 175 239 $). Les paiements généraux médians les plus élevés ont été reçus par les rédacteurs en chef de revues en endocrinologie (7207 $, 0 $ à 85 816 $), en cardiologie (2664 $, 0 à 12 912 $), en gastro-entérologie (696 $, 0 à 20 002 $), en rhumatologie (515 $, 0 à 14 280 $) et en urologie (480 $, 90 à 669 $). Pour les revues de médecine générale à impact élevé, les paiements médians étaient de 0 $ (0 à 14 $). Un examen des 52 sites Web des revues a révélé que les politiques sur les conflits d’intérêts des éditeurs étaient facilement accessibles (c-à-d. en cinq minutes) pour 17/52 (32,7 %) des revues.
La discussion de cet article est intéressante, avec notamment la question : pourquoi l’oncologie ne sort pas ? Un éditorial de V Barbour accompagne cet article et a pour titre Competing interest in journal editors’, avec un sous-titre clair : Les conflits financiers sont fréquents et doivent être déclarés et gérés.
- Un preprint a été déposé le 20 octobre 2017 sur PeerJ avec le titre « Industry Payments to Physician Journal Editors« . Les 3 auteurs américains avaient présenté ces données au congrès du Peer Review en septembre 2017 à Chicago. Il s’agit aussi d’une analyse sur des données uniquement américaines, à partir de la même base de donnée sur la transparence, et entre le 1 août 2013 et le 31 décembre 2016. Les résultats dans le résumé sont présentés ainsi :
Pour 35 revues, 333 (74,5 %) des 447 rédacteurs en chef de « premier rang » répondaient aux critères d’inclusion en tant que médecins rédacteurs établis aux États-Unis. De ce nombre, 212 (63,7 %) ont reçu des paiements associés à l’industrie au cours de la période visée par l’étude. Au cours d’une année moyenne pendant la période de l’étude, 141 (42,3 %) des médecins rédacteurs ont reçu des paiements versés à eux-mêmes (plutôt qu’ à leur établissement), 120 (36,0 %) ont reçu des paiements > 50 $; 66 (19,8 %) ont reçu des paiements > 5 000 $ (le seuil désigné par les National Institutes of Health comme intérêt financier important); et 51 (15,3 %) ont reçu des paiements > 10 000 $. Le paiement annuel moyen des « paiements généraux totaux » était de 55 157 $ (écart-type 561 885, extrêmes de 10 à 10 981 153) avec une médiane de 3 512 $. Les paiements médians généraux de l’industrie aux médecins rédacteurs étaient généralement plus élevés que ceux de tous les médecins de leur spécialité.
Pour RIchard Smith, ancien rédacteur du BMJ, les revues biomédicales étaient le bras armé de l’industrie pharmaceutique. Il l’a exprimé dans son livre de 2006 : « The trouble with Medical Journals« .