L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé au début du mois d’août le bilan d’un projet pilote lancé en 2014 pour accélérer l’autorisation de mise sur le marché des médicaments couvrant les « besoins médicaux non satisfaits ». Ces traitements concernent des cancers rares, la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies dégénératives, mais également des maladies infectieuses, détaille l’institution chargée d’autoriser la mise sur le marché des nouveaux médicaments dans l’Union européenne (UE).
Utiliser les données des médicaments après leur mise sur le marché
La nouvelle méthodologie de l’EMA s’inspire des autorisations de mise sur le marché conditionnelles, appliquées depuis 2006 et utilisées pour les besoins médicaux non satisfaits sur la base de données moins complètes que ce qui est normalement requis. Les données doivent avant tout indiquer que les bénéfices l’emportent sur les risques. L’Agence s’appuie également sur les mesures de pharmacovigilance prises en 2012, soit la compréhension et la prévention des effets indésirables. Ensuite, l’EMA compare les données cliniques utilisées pour l’approbation des médicaments avec celles obtenues lorsque le traitement est sur le marché. L’institution ajoute qu’elle porte une grande attention à la collaboration et à l’entente entre les parties prenantes (régulateurs, patients, professionnels de santé, organismes d’évaluation des technologies de la santé).
Manque de « transparence »
Si ce modèle proposé par l’institution européenne pour la mise sur le marché des médicaments dits innovants n’est encore qu’en phase de préparation, il fait face à un flot de critiques. Dernières en date, celles de l’Institut scientifique allemand pour la qualité et l’efficacité dans la santé (IQWiG). Dans un communiqué publié la semaine dernière, celui-ci fait part de ses « inquiétudes »:
« Ni l’industrie, ni l’Agence européenne des médicaments ne disposent d’un concept pour savoir comment les données recueillies après l’approbation d’un médicament sur le marché peuvent être utilisée afin de permettre de tirer des conclusions fiables sur les avantages et les inconvénients d’un traitement. »
L’IQWiG estime plus généralement que la majeure partie du plan de l’Agence européenne des médicaments est confus, et manque de « transparence ».
« L’EMA justifie ce manque d’informations par le le caractère confidentiel des consultations et le secret des affaires. Mais au vu de l’importance de ce projet pilote pour le développement des médicaments […] la dissimulation du contenu et des résultats semble inacceptable »
Enfin, l’institut scientifique juge que le rapport de l’EMA publié en août ne donne pas d’informations détaillée sur les tests effectués pour plusieurs traitement dans le cadre de ce projet pilote.
Critiques des associations de consommateurs
L’organisation des consommateurs européens (BEUC) a également pris part aux critiques. Dans un document publié en juillet, elle s’interroge sur la sécurité des patients et fustige le manque de transparence dans le développement et l’application de ce programme. Elle évoque également le manque de clarté concernant la valeur ajoutée d’une telle méthode comparée à celles en vigueur actuellement..
Enfin, en mai, un groupe de scientifiques a également évoqué les incertitudes dans une lettre demandant une définition précise des « traitements innovants ». Le groupe se veut plus nuancé et évoque de possibles « bénéfices pour la sociétés ». Il a d’ailleurs formulé plusieurs proposition pour améliorer le programme proposé par l’EMA.
Le projet de l’Agence européenne des médicaments, une aubaine pour l’industrie pharmaceutique
L’industrie du médicament se montre quant à elle enthousiaste. Ainsi la fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques, qui regroupe une quarantaine de laboratoires pharmaceutiques et plus de trente associations nationale, défend ardemment le projet. Fin 2015, elle assurait que le programme de l’Agence européenne des médicaments « n’allait pas conduire à une baisse des normes en matière d’efficacité et de sécurité du médicament, ni à un accès plus rapide aux traitement au détriment de la sécurité des patients ».
Il faut dire qu’une accélération de la mise sur le marché des médicaments dits innovants serait une aubaine pour l’industrie pharmaceutiques. Plus un médicament arrive tôt sur le marché, plus l’exclusivité de ce dernier est longue. Vendu pendant une période plus importante avant l’expiration du brevet et l’arrivée de la concurrence de génériques ou de biosimilaires, il est susceptible de générer un chiffre d’affaires plus important sur le long terme.