Levothyrox: de nouveaux chiffres et des questions en suspens

Par AFP le 30.01.2018 à 19h35

Le nombre de signalements d’effets indésirables attribués à la nouvelle formule du Levothyrox est de 17.310 à la date du 30 novembre, soit 0,75% des patients traités avec ce médicament pour la thyroïde AFP/ARCHIVES – JACQUES DEMARTHON

Des effets indésirables pour 17.000 patients, soit 0,75% du total, un mystère pour une partie d’entre eux et aucun lien établi avec des décès: un rapport très attendu sur le Levothyrox a été publié mardi, sans dissiper toutes les questions.

Selon ce rapport de pharmacovigilance remis à l’Agence du médicament (ANSM), le nombre de signalements d’effets indésirables attribués à la nouvelle formule du Levothyrox est de 17.310 à la date du 30 novembre. Soit 0,75% des quelque 2,3 millions de patients traités avec ce médicament pour la thyroïde.

Pour la période du 15 septembre au 30 novembre 2017, 12.248 cas ont été signalés (90,4% de femmes). Ils s’ajoutent aux 5.062 cas d’un premier rapport publié en octobre, qui portait sur la période du 27 mars au 15 septembre.

Le nouveau rapport reprend l’essentiel des conclusions du premier.

D’abord, les effets indésirables rapportés sont identiques à ceux déjà connus avec l’ancienne formule de ce médicament des laboratoires Merck. Aucun n’est spécifique à la nouvelle, introduite sur le marché fin mars 2017. Les plus fréquents: fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux.

Mais « le nombre de signalements d’effets indésirables avec Levothyrox nouvelle formule est inédit », selon l’ANSM.

Leur « fréquence de signalement » est « totalement inattendue », souligne le document, qui relève « un effet amplificateur du portail de signalement [mis en ligne pour que les patients concernés fassent leur déclaration] et des réseaux sociaux ».

Entre la mise en oeuvre de l’enquête et le 9 janvier, 19 cas de décès ont également été enregistrés dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV). Mais « il n’y a pas de lien établi » entre ces décès et la nouvelle formule, a indiqué à l’AFP Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l’ANSM.

Par ailleurs, ce rapport met en évidence un élément inexpliqué déjà présent dans le premier: les effets indésirables chez des patients qui ne souffrent pas d’un déséquilibre thyroïdien.

– ‘Pas plus avancé’ –

Parmi les patients qui ont déclaré des effets indésirables et dont on connaît le bilan thyroïdien, 33% sont atteints par un déséquilibre qui peut expliquer ces effets. Mais les 67% restants ont un taux de TSH dans les normes. La TSH est une hormone dont on mesure le taux pour déterminer si le patient souffre d’hypo ou d’hyperthyroïdie.

Enfin, les effets indésirables sont identiques, que les patients concernés soient en hypothyroïdie, en hyperthyroïdie ou aient des TSH dans les normes, « sans qu’aucun facteur explicatif ne puisse être avancé ».

Le rapport préconise la mise en place d’un groupe de travail pour analyser ces données.

« Les chiffres qui expliquent les symptômes qu’ont les gens sont très complets, mais on n’est pas plus avancé sur les raisons », a commenté à l’AFP Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde, reçue par l’ANSM.

Chantal L’Hoir, présidente de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), juge ce rapport « catastrophique »: « La question capitale qui reste sans réponse c’est +Pourquoi ce changement de formule+? ».

La nouvelle formule a été réclamée par l’ANSM à Merck en 2012 afin de rendre le produit plus stable dans le temps. Le changement ne porte pas sur le principe actif mais sur d’autres substances, les excipients.

Le Parisien a exhumé mardi un document de 2012 selon lequel 23 cas de déséquilibres thyroïdiens avaient été observés chez des utilisateurs du Levothyrox entre 2009 et 2011. Ce faible nombre « laisse perplexe sur la décision de changer de formule », a estimé le président du collectif France Assos Santé, Alain-Michel Ceretti, cité par le quotidien.

Ce n’est qu’un « un élément parmi d’autres », a nuancé Mme Ratignier-Carbonneil: « De multiples arguments ont amené l’agence à prendre cette décision, dont des contrôles en laboratoire, pour parvenir à une formule de meilleure qualité et plus stable ».

Après sa mise sur le marché, certains patients se sont rapidement plaints d’effets secondaires. Face à leur colère, les autorités de santé ont dû mettre en place des alternatives, alors que le Levothyrox était en situation de quasi-monopole.

Des patients mécontents ont entamé plusieurs procédures en justice.

Vous aimerez aussi...