Lévothyrox : « On ne veut pas d’argent, on veut juste avoir le choix du traitement »
Date : 28/11/2017 | Mise à jour : 29/11/2017 09:40
La tension était palpable, ce lundi 27 novembre, à la Maison de la Providence du Puy, où Justice et Partage a organisé une réunion informative auprès des patients sous Lévothyrox.
Environ 200 personnes – très majoritairement des femmes – ont assisté à la réunion d’information sur le Lévothyrox, proposée par l’association Justice et Partage, en partenariat avec le parquet du TGI du Puy-en-Velay, l’ordre des avocats, l’orde des médecins et le docteur Bourquard, endocrinologue aujourd’hui à la retraite.
Il faut rappeler que près de 15000 signalements de patients victimes d’effets indésirables, ont été reçus par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. L’ANSM avait elle-même demandé à l’industriel Merck de faire en sorte d’améliorer la stabilité de la lévothyroxine (l’hormone de substitution thyroïdienne). Objectif : garantir ainsi une teneur en substance active plus constante d’un lot à l’autre ou au sein d’un même lot dans le temps.
Cela a été chose faite en mars 2017 mais avec les conséquences que l’on connaît.
«Une colère légitime»
Pour le Dr Christian Bourquard, « les gens ont l’impression d’avoir éte baladés, leur colère est légitime. C’est sûr qu’il n’y a pas eu d’information, ni pour le corps médical, ni pour les patients. Il faut savoir que les laboratoires modifient leurs excipients (les produits qui entourent le principe actif, ndlr) sans prévenir le corps médical. Sauf que le Lévothyrox est un traitement au long cours, donc les effets secondaires durent plusieurs mois, voire toute la vie, donc je comprends la colère, la souffrance, j’y compatis. Mais comment expliquer ces symptomes ? Je ne peux pas répondre à cette question.»
«L’enquête a été confiée au TGI de Marseille»
Comme une enquête pour « tromperie aggravée, atteinte involontaire à l’intégrité physique et mise en danger de la vie d’autrui », a été ouverte suite à de nombreuses plaintes, il s’agissait pour les partenaires qui ont animé cette réunion ponote d’apporter quelques éclairages.
Tout d’abord d’un point de vue médical, notamment par l’endocrinologue ponot Christian Bourquard, puis juridique avec le procureur de la République Nicolas Rigot-Muller : « pour le volet pénal, l’enquête a été confiée au Pôle de Santé Publique du TGI de Marseille, ce dernier étant compétent pour le Rhône et Lyon, lieu du siège français du laboratoire allemand qui produit le Lévothyrox, a précisé le magistrat, un formulaire de dépôt de plainte a été élaboré pour uniformiser le traitement de ces procédures, je vérifierai si les plaintes déposées sont complètes avant d’être transférées au TGI de Marseille.»
Moins de dix plaintes déposées en Haute-Loire
Pour l’heure, il y aurait moins de dix plaintes déposées sur la Haute-Loire.
D’autres actions, notamment « de groupe » sont en train d’être lancées au civil, comme à Lyon, mais « c’est une voie pas facile, car il va falloir prouver que Merck est responsable, considère le bâtonnier Serge Poncy, et comme la demande de changement de formule émanait de l’ANSM… »
Sa consœur du barreau du Puy, l’avocate Aurélie Chambon, conseille quant à elle clairement de « garder la mesure, quant à ces actions de groupes qui sont lancées, pour l’action pénale, ça ne coûte rien de déposer plainte, mais pour les actions de groupe les cabinets d’avocats qui en sont à l’origine demandent des honoraires. Il vaut mieux être prudent et voir la tournure que prendront ces actions de groupe avant de se risquer à participer.»
Suite à cet article, le Dr Christian Bourquard déplore l’ « emballement des réseaux sociaux« . Il précise que les effets secondaires concernent environ 5 patients traités pour 1000, « ce qui signifie que 99,5% ne se plaignent de rien ». Et de souligner que « le souci partagé par les autorités médicales est qu’il n’y a pas d’explication sauf déséquilibre passager du bilan thyroïdien, c’est-à-dire nécessité d’adapter la dose du médicament« .
Beaucoup de frustration parmi les personnes présentes
Tout au long de la réunion, les personnes du public n’ont eu de cesse d’intervenir, souvent avec passion. À tel point que Jean-Louis Miramand, président de Justice et Partage qui animait la tribune, a eu du mal à canaliser le ton très offensif de l’assistance. Il faut dire que l’on ressentait énormément de frustration parmi les personnes présentes, dont beaucoup racontent vivre un enfer depuis le changement de formule.
On sent également dans la salle un certain agacement compte tenu du mur d’incertitudes qui s’est dressé devant ces personnes dépendantes d’un traitement. Et ce malgré les efforts d’intervenants bien peu prompts à spéculer sur les tournures que pourrait prendre cette affaire, tant dans son approche médicale que pénale ou civile.
La solution d’aller s’approvisionner en Espagne
« Nous on veut pas d’argent d’indemnités, on veut juste avoir le choix du traitement », a-t-on notamment pu entendre.
Un public abasourdi de voir évoquer la solution d’aller en Espagne, avec son ordonnance, pour obtenir l’ancienne formule dans une pharmacie, de l’autre côté des Pyrénées, comme on va acheter des cigarettes ou de l’acool…
Chantal (63 ans, Blavozy) évoque un médecin traitant qui lui enjoint de « se débrouiller avec le pharmacien… Si on est lâchée même par son médecin !»
Mais de pharmaciens, il n’y en a pas eu pour affronter la foudre du public, eux qui auraient, pour beaucoup, oublié d’informer leur clients. Difficile de savoir d’ailleurs si cette absence a été une précaution des organisateurs.
Justice et Partage assure la veille informative
« Moi ma pharmacienne m’a conseillé de vite faire une prise de sang pour contrôler mon taux de TSH (hormone stimulant la thyroïde, Ndlr), évoquant justement ce changement de formule, tempère Anne (48 ans, Le Puy) une autre personne sous Lévothyrox, c’est en revanche mon médecin qui n’a semble-t-il pas été mis au fait de cette modification.»
Des pharmaciens directement et positivement impactés par une modification de formule du Lévothyrox, si toutefois celle-ci s’était passée sans encombre, puisque la demande de l’ANSM permettait notamment d’en rallonger le temps de stockage.
Catherine (62 ans, Aiguilhe), une autre participante à cette réunion, se dit quant à elle « déçue que cette initiative ne débouche pas sur une action de groupe, je pensais vraiment que Justice et Partage prendrait cela en main.»
L’association n’a pas cette compétence, mais s’engage à informer les participants à cette réunion des avancées de cette affaire qui n’a pas fini de faire couler, de l’encre certes, mais aussi trop de larmes.