Levothyrox : est-on face à un nouveau scandale sanitaire ?

Levothyrox : est-on face à un nouveau scandale sanitaire ?
Le packaging et la composition du Levothyrox ont changé cette année. (W.T./France-Antilles)

Les projecteurs se sont braqués, cette semaine, sur le Levothyrox, médicament prescrit aux malades de la thyroïde. En cause, sa nouvelle formule, qui serait responsable d’effets secondaires importants voire intolérables. Des patients montent au créneau. L’agence du médicament rassure. Et les professionnels de santé insistent : ce médicament ne doit pas être arrêté sans avis médical. Décryptage.

Cela fait 20 ans que Monique, 65 ans, vit sans glande thyroïdienne et donc autant qu’elle est sous Levothyrox (hormone de substitution). Alors, quand la formule de son médicament a changé, en avril dernier, elle a bien sûr eu quelques appréhensions, puis noté l’apparition de crampes et de vertiges. « Je n’ai pas tout de suite compris, mais aujourd’hui je me dis que c’est sûrement lié » .
Pour Nicole, 45 ans, traitée depuis 11 ans, suite à une ablation de la thyroïde, en raison d’un goitre, c’est plutôt la confusion. « Je souffre d’une pathologie cardio-vasculaire également. J’ai donc attribué mes maux de tête et ma grande fatigue à cette maladie, sans envisager que ça puisse venir de la nouvelle formule du Levothyrox. » Comme ces deux femmes, les nombreux patients (1) suivis en Martinique pour des maladies de la thyroïde se posent des questions depuis quelques jours et l’appel lancé par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) pour que cesse l’utilisation de ce médicament. D’autant qu’une pétition (2) en ligne circule en ce moment, « contre le nouveau Levothyrox » .
EFFETS SECONDAIRES IMPORTANTS
Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les changements effectués, à sa demande, sur le Levothyrox, par le laboratoire Merck, « ont pour objectif de garantir une teneur en substance active plus constante » . Y a-t-il cependant des raisons de s’inquiéter ? Loïc Corvo, endocrinologue au CHU de Martinique, rappelle que « dans la « nouvelle formule » , quelques substances ont été changées dans le médicament, ce sont les excipients, mais le principe actif est resté le même » .
Pourtant, les patients décrivent des effets secondaires importants, tels que maux de tête handicapants, fatigue intense, crampes, perte de cheveux, malaises cardiaques, troubles visuels ou encore troubles de la mémoire.
« C’est un médicament très sensible, au niveau de l’absorption digestive » , reconnaît le Dr Corvo. « C’est ce qui pose problème. Il est connu pour ses nombreux effets secondaires, variés mais pas graves. »
Aussi, face à l’inquiétude grandissante, les spécialistes du CHUM insistent : « Si ce n’est pas bien toléré, il faut aller consulter son médecin et faire un dosage de la TSH. Car il est possible qu’avec cette nouvelle formule, il y ait une absorption un peu différente et que cela fasse bouger un peu le taux hormonal sanguin. Mais, c’est une molécule vitale, il ne faut surtout pas l’arrêter! » . Présent sur le marché un peu après l’Hexagone, le nouveau Levothyrox n’a pas entraîné de plaintes massives, chez nous. D’autant qu’en raison de notre éloignement géographique, les stocks sont « chaotiques » selon les pharmaciens.
RÉACTIONS TIMIDES OU RETARD À L’ALLUMAGE ?
« Il existe huit références (dosages, NDLR) » , explique Charles Elgéa, président du syndicat des pharmaciens. « Donc, huit histoires différentes. Il y a 10 jours de latence après chaque commande. Donc, on peut se retrouver avec l’ancien Levothyrox sur un dosage, puis le nouveau, puis encore l’ancien… » Avec un risque de rupture sur certains dosages. Difficile de trouver l’équilibre dans ces conditions…
Ces professionnels n’ont pour l’heure pas noté d’afflux de patients inquiets ou mécontents dans leurs officines. Claude Marie-Joseph, président de l’ordre des pharmaciens, n’a eu « aucun retour » , par exemple, mais précise tout de même qu’une réflexion sera menée par les pharmaciens.
Au CHUM, sur les 40 patients hebdomadaires que voit le Dr Corvo, seuls deux l’ont interrogé sur la « polémique » : « Ils n’ont pas d’intolérance au nouveau Levothyrox, mais voulaient savoir ce que j’en pensais » . Cependant, la veille sanitaire reste de mise. Car compte tenu du décalage dans la mise sur le marché du nouveau Levothyrox, chez nous, l’éventualité d’un retard à l’allumage de la polémique n’est pas écartée.
(1) Si, au niveau national, l’on sait que 3 millions de Français sont concernés, au niveau local, il semble plus difficile d’obtenir un chiffre, surtout en cette période de grandes vacances, et donc de congés des responsables du pôle « Coeur, vaisseaux, thorax, maladies métaboliques et endocriniennes » du CHU de Martinique.
(2) Pétition lancée via le site MesOpinions.com et qui comptait hier plus de 130 000 signatures.
Ce qui a changé
– Suppression du lactose, un excipient à effet notoire, qui a été remplacé par le mannitol, dépourvu d’effet notoire.
– Ajout de l’acide citrique anhydre, excipient très répandu dans la composition des médicaments et dans le domaine alimentaire. Il est utilisé en tant que conservateur pour limiter la dégradation de la lévothyroxine au cours du temps.
– Le format, les couleurs des boîtes et des blisters ont changé afin de les harmoniser à l’échelle mondiale.
– La substance active reste identique.
0 800 97 16 53
L’ANSM a mis en place, mercredi, un numéro vert, 0 800 97 16 53, accessible du lundi au vendredi, de 9 à 19 heures (heures de l’Hexagone), pour répondre aux interrogations des patients. D’ores et déjà, ce numéro est submergé d’appels de patients inquiets : plus de 70 000 appels en deux jours.
martinique.franceantilles.fr – L.V.Samedi 26 août 2017

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