Anne Jouan : « l’Agence du médicament ne protège pas les Français »
Par Jean-François Arnaud le 26.09.2022 à 07h00 Lecture 5 min.ABONNÉS
INTERVIEW – L’auteure de « La santé en bande organisée » (éd. Robert Laffont) dresse un tableau très sombre de notre système de santé. Avec le professeur Christian Riché, ancien expert de l’Agence du médicament, elle décrit une administration très affaiblie qui ne place plus les malades au coeur de son action.
ANNE JOUAN, AUTEURE DE « LA SANTÉ EN BANDE ORGANISÉE » (ÉD. ROBERT LAFFONT)
ASTRID DI CROLLALANZA
Anne Jouan, journaliste indépendante, publie La santé en bande organisée avec le professeur Christian Riché, ancien expert de l’Agence du médicament qui a été l’un de ses informateurs anonymes lors de son enquête sur le scandale du Mediator. Le médicament du laboratoire Servier a fait environ 2.000 morts en France selon les experts judiciaires commis lors d’un procès retentissant. Ce livre raconte de l’intérieur les dysfonctionnements et failles de l’Agence du médicament devenue incapable de remplir son rôle de gendarme sanitaire en France. Il dévoile aussi les dessous de son enquête et les relations entre une journaliste et ses sources.
Challenges- Cet ouvrage mettant en cause le fonctionnement de l’Agence du médicament suscite des remous. Le 22 septembre, le professeur Lechat, un ancien directeur de l’évaluation des médicaments, faisait son mea culpa dans l’affaire du Levothyrox, dans une interview au Parisien. Ce produit n’est pas au centre de votre livre, plutôt consacré au Mediator, mais il y est évoqué.
Anne Jouan- Le professeur Lechat qui a demandé à Merck de changer la formule du Levothyrox admet, cinq ans après que les problèmes observés avec cette dernière étaient attendus. Formidable. Pour l’expliquer, il met en avant un phénomène pharmacologique bien connu depuis des décennies, la bioéquivalence. Tellement connu que l’on avait observé des soucis avec les génériques du Levothyrox voilà plus de dix ans. Et aujourd’hui le Pr Lechat nous explique que les problèmes de la nouvelle formule du Levothyrox sont les mêmes que ceux rencontrés avec les génériques. Mais alors à quoi sert l’Agence française du médicament et son directeur de l’évaluation s’ils ne sont pas capables d’évaluer et d’anticiper ce type de problèmes? Rappelons qu’en 2017, le directeur général de l’agence qualifiait les femmes se plaignant d’effets secondaires du nouveau Levothyrox de « folles » et que la ministre de la santé les disait « hystériques ».
Outre les révélations sur ces différentes affaires, votre livre est passionnant pour la description de vos échanges avec le professeur Riché, expert de l’Agence du médicament, qui devient l’une de vos « sources ».
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