Procès contre Monsanto : le plaignant livre un témoignage poignant

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VIDÉOS – Atteint d’un cancer en phase terminale qu’il attribue à l’utilisation du Roundup pendant deux ans, l’Américain Dewayne Johnson a témoigné pour la première fois depuis le début du procès qu’il a intenté contre la firme agrochimique.

«Je n’aurais jamais utilisé du Roundup, si j’avais su que ce produit était dangereux». Au quinzième jour du procès intenté contre la multinationale Monsanto et son herbicide phare à base de glyphosate, le Roundup, le plaignant, Dewayne Johnson, était appelé à la barre du tribunal de San Francisco ce lundi pour témoigner. D’une voix forte et hardie, l’ancien jardinier, âgé de 46 ans, a longuement évoqué son cancer. Un lymphome non hodgkinien incurable diagnostiqué en 2014, qu’il attribueau glyphosate, un pesticide très controversé faisant l’objet d’études scientifiques contradictoires sur sa dangerosité et son caractère cancérigène.

Pendant plusieurs heures, ce père de deux enfants a raconté comment il a pulvérisé du Roundup, et surtout du RangerPro, la version professionnelle du produit, pendant deux ans alors qu’il était responsable de la lutte contre les nuisibles des écoles de la ville de Benicia (à l’est de San Francisco). Son employeur lui avait demandé d’utiliser le RangerPro car le Roundup n’était pas assez puissant, en lui précisant que le produit était sûr tant qu’il se protégeait suffisamment. Dewayne Johnson diluait préalablement le RangerPro dans de l’eau dans des bidons de 50 gallons (189 litres), avant de le vaporiser 20 à 30 fois par an pendant deux à trois heures par jour à chaque fois.

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Malgré sa combinaison, ses gants et son masque, le jardinier a été aspergé à deux reprises du produit, à la suite d’un dysfonctionnement du vaporisateur. Affolé par «la situation incontrôlable sur sa peau» où apparaissent des lésions très douloureuses, et après avoir fait des recherches sur le glyphosate en pensant qu’il pouvait être la cause des lésions, Dewayne Johnson appelle deux fois la hotline de Monsanto, sans que personne ne le rappelle. Même après avoir été diagnostiqué, le jardinier a continué d’appliquer le produit, jusqu’à ce qu’il soit convaincu de sa dangerosité.

Pour Dewayne Johnson, Monsanto doit prévenir des possibles risques

«Je n’aurais jamais vaporisé du RangerPro dans des écoles ou où que ce soit», s’il avait pensé le produit nocif, a répondu Dewayne Johnson à une question de son avocat, David Dickens, bidon de RangerPro à la main pour montrer qu’aucune étiquette n’avertit des possibles risques du produit. Même si Monsanto n’avait parlé que de risques éventuels de cancer, «j’aurais cessé de l’utiliser», a martelé le plaignant. Également appelée à la barre, son épouse a déclaré que son monde «s’est effondré», quand elle a appris la maladie de son mari. «Je ne voulais pas y croire», a raconté, contenant parfois ses larmes, celle qui est désormais contrainte de travailler 14 heures par jour pour «aider avec les factures».

La défense de Dewayne Johnson, qui doit prouver les effets cancérigènes du produit sur son client, réclame des millions de dollars de dommages et intérêts à Monsanto, qui continue de démentir tout lien entre glyphosate et cancer, études scientifiques à l’appui. Tout de même prudente face au témoignage, la défense de la firme – qui vient d’être rachetée par le groupe pharmaceutique et agrochimique allemand Bayer – a procédé à un court contre-interrogatoire, demandant à Dewayne Johnson ce que les médecins lui avaient dit. «Ils ont tous dit la même chose: qu’il n’y avait pas de preuve scientifique sur ce qui cause» ce type de cancer, a-t-il concédé, ajoutant qu’il avait «une peau parfaite» avant d’être exposé au glyphosate.

L’herbicide est reconnu cancérigène par l’État de Californie, mais pas par l’Agence fédérale américaine de protection de l’environnement (EPA). Le glyphosate est aussi classé «cancérigène probable» depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par les agences européennes Efsa (sécurité des aliments) et Echa (produits chimiques). Monsanto fait déjà l’objet de milliers de poursuites en justice aux États-Unis, mais la plainte de Dewayne Johnson est la première à aboutir à un procès, qui devrait durer jusqu’en août.

Qu’est-ce que l’herbicide Roundup et pourquoi fait-il polémique? – Regarder sur Figaro Live

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