Perturbateurs endocriniens la chasse est ouverte
Perturbateurs endocriniens :
la chasse est ouverte
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques qui interfèrent avec le
système endocrinien et engendrent des dysfonctionnements au niveau de la croissance, du
développement, du comportement ou encore des fonctions reproductrices de l’être humain.
La réduction des perturbateurs endocriniens est identifiée par le gouvernement comme
l’une des 10 priorités dans le 3
e
Plan national santé environnement 2015-2019. La Ville de
Limoges, signataire de la charte Ville santé citoyenne, a décidé d’agir et d’engager une
démarche « pour réduire les perturbateurs endocriniens» auprès des populations les plus
fragiles identifiées, les enfants.
Aujourd’hui, la réduction de l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens
est un réel défi. En effet, on retrouve
les perturbateurs endocriniens dans
de nombreux objets de notre vie
quotidienne : plastiques, pesticides,
conserves, aliments, tickets de caisse,
ballons, nappes, tuyaux, rideaux de
douche, cosmétiques, jouets… Les plus
connus sont le bisphénol A (interdits
dans les contenants alimentaires depuis décembre 2015) et les phtalates.
On dénombre l’omniprésence de
80 000 substances chimiques disponibles dans le commerce. La prévention et les actions doivent être dirigées en priorité vers les populations
les plus sensibles comme les hommes
et femmes en désir de conception, les
femmes enceintes et les jeunes enfants, sachant que la période d’exposition la plus délétères’étend du stade
embryonnaire jusqu’à la puberté.
La Ville de Limoges, impliquée dans
le développement durable et investie
dans la qualité de la santé de ses
concitoyens, souhaite agir et être
précurseur dans ce domaine.
« On a créé une multitude de produits
qui sont relativement inutiles pour les
besoins propres de l’humanité et qui
peuvent se révéler dangereux. Moi qui
suis médecin », explique Émile Roger
Lombertie, maire de Limoges, « j’ai
vu au fil de ma carrière les problèmes
de stérilité augmenter de manière
considérable chez les jeunes femmes
comme chez les hommes. C’est un
véritable enjeu de santé publique.»
Pour réduire les perturbateurs
endocriniens à la crèche
En 2016, la municipalité a lancé un
projet de crèche pour réduire les
perturbateurs endocriniens soutenu
par l’Agence régionale de santé du
Limousin qui participe financièrement
au projet, la Mutualité française
limousine, signataire de la charte
Ville santé citoyenne et le Centre
hospitalier universitaire de Limoges.
Cette démarche devrait ensuite
La salle de jeux de la crèche Joliot-Curie, test pour les perturbateurs endocriniens, accueille les enfants du Val de l’Aurence.
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SANTÉ
Les perturbateurs endocriniens nous entourent
Quelques précautions simples à prendre pour réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens :
Dans la maison : éviter les objets qui peuvent contenir un
nombre important de phtalates surtout si il y a des enfants
en bas âge. Éviter les revêtements plastifiés pour le sol et les
murs et privilégier les peintures et enduits naturels. Attention
au canapé et aux tapis qui ont pu être traités avecdes composés perfluorés. Préférer les meubles en bois pleinplutôt que
ceux en aggloméré. Faire le ménage avec de l’eau, sinon avec
des produits naturels comme la cire d’abeille, le vinaigre blanc,
le jus de citron et le bicarbonate de soude. Les pr oduits sans
parfum et sans colorant lavent tout aussi bien et permettent
d’éviter les émanations de phtalates utilisés en tant qu’agents
fixateurs. Passer régulièrement l’aspirateur (si possible avec un
filtre pour qu’il ne dissémine pas les particules dans la pièce).
Éviter d’utiliser des insecticides, des parfums d’intérieur, des
bougies parfumées, des huiles essentielles ou des diffuseurs
électriques. Ils sont issus de la pétrochimie et contiennent des
produits nocifs dont de nombreux allergènes.
Pour les enfants : ils sont particulièrement exposés aux
substances contenues dans les jouets. N’offrir que des
jouets adaptés à leur âge. Préférer les peluches en tissu
ou coton bio et en fibres naturelles. Choisir des jouets en
bois brut sans vernis en privilégieant la peinture naturelle.
Éviter le « tout plastique» permet de protéger son enfant
des nombreuses substances chimiques indésirables. Pour
les jouets en plastiques, privilégier ceux qui sont les plus
rigides. Dans tous les cas, la prévention nous invite à aérer les produits neufs ou les rincer de façon à enlever les
molécules les plus volatiles. Si un jouet sent le plastique,
c’est que des plastifiants s’en dégagent par volatilisation !
L’enfant est en contact direct et prolongé avec le biberon.
Préférer les biberons en verre. Pour les tétines, choisir plutôt celles en silicone ou en latex naturel. Enfin, préférer les
couches lavables en fibre de bambou ou les couches jetables
sans produits chimiques. Les vêtements neufs peuvent être
une source de contamination. Il faut les laver ou les aérer
pour éliminer les retardateurs de flamme (PBDE).
être dupliquée dans les autres
crèches municipales ou toutes autres
structures accueillant des jeunes
enfants. C’est la crèche Joliot-Curie,
située au Val de l’Aurence, qui sert de
test. La démarche a commencé par la
sensibilisation des professionnels de
la petite enfance lors d’un colloque
sur les perturbateurs endocriniens
en novembre dernier. La Ville a
organisé cette rencontre pour les
professionnels travaillant dans les
crèches (publiques et privés), les
lieux d’accueil pour les enfants et les
partenaires de la charte Limoges
ville santé citoyenne. Près de 450
personnes étaient présentes.
Les interventions du professeur
Archambeaud et du docteur
Nassouri, endocrinologues au
CHU de Limoges – Hôpital Le
Cluzeau ont donné quelques clés.
« Notre principal rôle consiste à faire
de la sensibilisation et de la prévention
car aujourd’hui le risque zéro n’existe
pas. Nous sommes entourés de
perturbateurs endocriniens, il faut donc
en limiter l’exposition sur l’organisme
pour en réduire les effets », explique
le D
r
Nassouri. Julien Moratille, de
la Mutualité française, rebondit :
« aujourd’hui, la grande difficulté c’est
que toutes les personnes ne sont pas
au même niveau d’information. Il faut
adapter le discours à chacun et aller vers
des savoir être et des savoir faire. »
Joliot-Curie, test grandeur
nature pour limiter les PE
Un premier audit a été mené par
les cabinets Alicse & Ode-Bâti Santé en janvier à la crèche municipale
Joliot-Curie afin d’identifier les perturbateurs endocriniens, ceux pour lesquels des études scientifiques indiquent
que le potentiel PE pour l’être humain
ou d’autres organismes vivants est avéré. Étaient testés les objets du quotidien
des enfants (jouets, pâte à modeler,
emballages alimentaires, vaisselles,
biberons, …), les récipients utilisés en
cuisine, les produits d’entretien et de
désinfection des mains, les produits de
blanchisserie, les textiles, les produits
cosmétiques utilisés pour les enfants et
les revêtements des murs, sol, plafond,
portes et fenêtres.
Un premier diagnostic a été rendu en
janvier dernier. « Nous avons tout de
suite mis en place un certain nombre de
procédures à la lecture des résultats de
l’audit » explique Nadine Vincent, du
service Enfance à la Ville de Limoges.
« Il n’est pas toujours facile d’agir car
souvent il n’existe pas de produits de
substitution.
Schéma conceptuel d’exposition du fœtus et du jeune enfant à la pollution extérieure
Source : étude pollution intérieure état des lieux juin 2016 – EPICENE – CASSIOPEE
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Camille prend son goûter dans un biberon en verre,
sans perturbateur endocrinien
Pour cuisiner et garder au chaud les plats, l’inox
est conseillé à la place des plats en plastique
À titre d’exemple, nous avons éliminé
un grand nombre de produits de loisirs
créatifs : peintures non autorisées au
moins de 36 mois, peinture au doigt,
à paillette nacrée, … Nous serons plus
vigilants lors de nos futurs achats de
jouets. Sur le plan du nettoyage, nous
limitons les produits désinfectants. La
municipalité a pour projet d’investir
dans des appareils à vapeur. Pour la
toilette des bébés, nous avons réduit
l’utilisation de savon lors des changes
et les lingettes imprégnées sont utilisées très exceptionnellement. »
Informer et prévenir
Le personnel de la crèche a tout de
suite adhéré au projet et il est très
réceptif à la démarche sans PE.
En prise directe avec les enfants et
les parents au quotidien, l’enjeu est
tellement important que les changements se sont mis en place naturellement. La crèche Joliot-Curie
est dans un secteur sensible avec
une grande mixité sociale, certains
parents n’ont pas accès à l’information et la crèche a aussi un rôle d’information auprès de la population.
« Nous faisons de la sensibilisation
individuelle auprès des familles et
des femmes enceintes et au moment
des nouvelles inscriptions », précise
Charlotte Laumond, directrice de la
crèche Joliot-Curie. « Les parents méconnaissent le problème et apprécient
l’engagement de la Ville.»
Paroles de parents
Un papa venu chercher son enfant
à la crèche n’avait jamais entendu
parler des PE avant et s’en émeut.
« J’utilise une marque de couches et
j’ai entendu dire que ce sont les pires.
Je pense maintenant que je vais changer de modèle. »
La maman de Léo n’était pas non plus
au courant de ce problème de perturbateurs endocriniens. « C’est bien que
la Ville s’inquiète de la santé de nos
enfants et agisse. J’essaie de faire attention à ce que j’achète mais ce n’est
pas toujours facile car les produits labellisés sont plus chers. »
Quant à la maman de Raphaël, elle
a entendu parler des PE gràce à la
crèche Joliot-Curie. « Je suis sensible
à l’engagement de la Ville. J’étais déjà
attentive à la qualité des jeux que je
propose à mon enfant, malheureusement, les couleurs et les matières plastiques sont souvent plus attrayantes
pour les petits même si on sait qu’ils
sont constitués de produits nocifs.»
Les actions en cours
Une action de sensibilisation,
en partenariat avec la Mutualité
française, sera menée auprès des
parents de la crèche Joliot-Curie
sous la forme d’ateliers d’une douzaine de personnes. Deux soirées
sont prévues jeudi 22 et 29 juin
et une matinée samedi 1
er
juillet –
durée 2 heures 1/2.
Les crèches municipales sont
toutes équipées de biberons en
verre. En septembre, si les parents ne veulent pas le biberon de
la crèche ils pourront en amener
un, mais impérativement en verre.
Le 10 octobre à la Bfm centreville, une conférence sera organisée sur le thème : « Protégeons
nos enfants contre les perturbateurs endocriniens ». Sont concernés, tous les parents qui ont des
enfants dans les crèches de la
Ville de Limoges.
Une formation sera proposée à
tous les éducateurs de jeunes
enfants. Le thème abordé :
« Comment faire jouer les enfants
avec des produits sains.»
La Mutualité française propose une recette simple de
lessive en gel écologique et économique à réaliser chez
soi.La lessive est une grande source de pollution et de
perturbateurs endocriniens sur notre peau, pour nos poumons, ou par succions pour les enfants. C’est aussi une
source de pollution pour les milieux aquatiques.
Pour préparer la lessive, mélangez :
• 1 verre (40 g) de savon de Marseille en copeaux ou en paillettes (labellisés Écocert ou avec le logo savon de Marseille
entre 8 et 16 € le kg). Attention : certains copeaux sont très
concentrés. Dans ce cas, divisez la quantité par 2 ou par 3
(référez-vous aux indications figurant sur l’emballage).
• 1 l d’eau bouillante • 1 cuillère à soupe de bicarbonate de
soude; 15 ml (entre 4 et 8 € le kg) • 1 cuillère à soupe de
vinaigre blanc (entre 0.4 et 0.8 € le kg)
Mixez la préparation (1 mn à peine) au mixeur plongeant
afin d’obtenir un gel épais homogène. Transvasez dans
un bidon. Lorsqu’elle refroidit, la lessive peut se figer, il
suffit de la secouer vigoureusement pour la rendre fluide.
Versez un verre (15 cl ou plus selon la saleté du linge) de
lessive par machine de 5 kg, directement sur le linge.
• En option, pour adulte seulement et à proscrire pour les
enfants en bas âge : de 4 à 8 gouttes d’huile essentielle
de citron, de lavande ou d’eucalyptus, (par litres de préparation) pourront donner une touche parfumée à la lessive.
Pour le linge délicat, versez simplement quatre bouchons de
savon noir liquide à la place de la lessive.
Le montant d’un litre de lessive est compris entre 0.4 €
et 0.8 €, soit entre 2 et 4 € les 5 litres de lessives pour
environ 30 lessives.
Recette : votre lessive maison sans perturbateur
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