Prescription des traitements habituels des patients hospitalisés : soyez vigilant !

Imaginons que Mme X soit hospitalisée : Après des mois de souffrance dus à la NF et d’essais chaotiques avec certaines alternatives à la NF, elle enfin est parvenue à trouver un traitement qui lui convient enfin. Un médecin hospitalier peut-il mettre en péril l’équilibre péniblement retrouvé en lui supprimant son traitement et prescrivant un autre médicament?

Prescription des traitements habituels des patients hospitalisés : soyez vigilant !

  • Patiente âgée hospitalisée

Il est fréquent qu’un patient hospitalisé bénéficie déjà d’un traitement « de fond » prescrit par son médecin de ville. Comment concilier la continuité de ce traitement avec son hospitalisation ?

  • Médecin généraliste et urgentiste
  • Etablissement de santé
  • Interne
  • Médecin spécialiste
Auteur : Margaux DIMA, Juriste / MAJ : 11/04/2017

Un médicament prescrit en ville ne peut être laissé à la disposition du patient hospitalisé

La gestion du traitement personnel d’un patient admis en établissement de santé est évoquée par plusieurs textes.

L’arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l’administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats interhospitaliers et les établissements médico-sociaux disposant d’une pharmacie à usage intérieur indique, en son article 17, qu’ « aucun médicament ne peut être mis ou laissé à la disposition des patients en dehors de ceux qui auront été prescrits et dispensés dans l’établissement. Les médicaments, dont les patients sont munis à leur entrée, leur sont retirés sauf accord des prescripteurs ».

La fiche thématique « Organisation du circuit du médicament en établissement de santé », diffusée par la HAS en 2005 dans le cadre de sa procédure d’accréditation, rappelle pour sa part que « les médicaments personnels » doivent être « rangés dans les locaux et armoires fermés ».

Quant à l’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé, il évoque dans son article 13 « la gestion du traitement personnel du patient » et rappelle qu’« il ne devra être mis ou laissé à la disposition des patients aucun médicament en dehors de ceux qui leur auront été prescrits dans l’établissement ».

Seuls les médicaments prescrits dans l’établissement peuvent donc être mis à disposition des patients hospitalisés. En d’autres termes, le traitement personnel du patient, mis en place antérieurement à son hospitalisation, doit être prescrit ou validé par un médecin exerçant dans l’établissement d’hospitalisation.

Dans l’hypothèse où il n’existe dans l’établissement aucune équivalence thérapeutique avec le traitement suivi antérieurement à l’hospitalisation, il semble possible, après accord du prescripteur, de faire usage des médicaments apportés par le patient, sous réserve que ces médicaments soient prescrits, dispensés et administrés de la même façon que les médicaments disponibles dans l’établissement (« Recommandations de pratiques professionnelles sur la prise en charge thérapeutique du patient hospitalisé » de la DHOS en septembre 2003 (non impératives)).

Prescription du traitement habituel du patient par le médecin hospitalier

Les médecins prenant en charge un patient lors d’une hospitalisation doivent effectuer une prescription complète, portant aussi bien sur les traitements de fond que sur les traitements nécessaires dans le cadre de l’hospitalisation.

Cependant, en prescrivant le traitement habituel d’un patient (par exemple HTA, diabète…), le médecin hospitalier peut être amené à réaliser une prescription dans un domaine dont il n’est pas spécialiste.

L’omnivalence du diplôme de docteur en médecine permet, en principe, à un praticien de réaliser tout acte de diagnostic, de prévention et de traitement, et, par là même, toute prescription qu’il juge nécessaire.

Ainsi, en dehors de cas particuliers, tout médecin a le droit de prescrire, et ce même dans une spécialité différente de celle qu’il exerce.

L’article 70 du Code de déontologie médicale, codifié à l’article R. 4127-70 du Code la santé publique apporte un tempérament à ce principe : « Tout médecin est, en principe, habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose ».

On se situe ici au-delà de la seule notion de spécialité. Cet article n’interdit nullement à un praticien de formuler une prescription dans un domaine étranger à sa spécialité. En revanche, avant de formuler une telle prescription, il doit s’interroger sur l’adéquation de ses connaissances, de son expérience et des moyens à sa disposition par rapport à la pathologie du patient qui a nécessité un traitement en cabinet de ville.

Ce n’est qu’après s’être interrogé, en conscience, sur ces points que le praticien pourra décider s’il s’estime compétent pour formuler une prescription dans un domaine a priori étranger à sa spécialité.

Si un doute subsiste, pour l’aider à prendre sa décision, il paraît indispensable qu’il recueille auprès du patient un maximum d’informations sur ses antécédents, et sur l’antériorité des prescriptions réalisées hors du contexte de l’hospitalisation. Il doit aussi être tenu compte de l’éventuelle interaction entre ces traitements antérieurs et ceux qui apparaissent nécessaires dans le cadre de l’hospitalisation.

L’idéal, si cela est possible, est évidemment d’instaurer un dialogue avec le ou les praticien(s) qui suivent le patient et sont à l’origine de la prescription du traitement de ville.

Si un contact direct avec le médecin personnel du patient n’est pas possible, il peut être envisagé de solliciter l’avis de confrères de même spécialité présents au sein de l’établissement, voire leur demander de réaliser eux-mêmes cette prescription après examen du patient.

Quelle responsabilité pour le prescripteur en cas de complication pour un patient ?

Si des complications survenaient au cours de l’hospitalisation du fait de la poursuite d’un traitement médicamenteux prescrit par le médecin de l’établissement mais instauré en ville, quelle pourrait être la responsabilité du médecin prescripteur ?

En cas de complication pour un patient, le juge examinerait l’enchaînement des faits et le rôle précis joué par chaque praticien dans la prise en charge médicamenteuse. S’il n’est pas possible de préjuger de la décision qu’il pourrait adopter, il semble peu probable qu’un tribunal retienne la responsabilité du médecin hospitalier si ce dernier a respecté les précautions visées ci-dessus (dialogue avec le patient sur les antécédents, prise de contact avec le médecin qui a instauré le traitement initial, demande d’avis auprès de confrères…).

Ce serait donc davantage le médecin consulté en ville qui pourrait se voir reprocher une faute dans la prescription du traitement, puisque c’est lui qui l’a initié et qui disposait de la compétence la plus adaptée.

Encore faut-il, que le praticien qui a renouvelé la prescription à l’occasion de l’hospitalisation n’ait pas, de son côté, commis d’erreur grossière de posologie ou modifié le traitement de façon inadaptée, auquel cas sa responsabilité serait plus sûrement engagée.

Dans tous les cas, le médecin de l’établissement ne pourra systématiquement se retrancher derrière la prescription initiale du médecin de ville. En effet, il ne suffit pas de reconduire aveuglément une prescription, au prétexte que celui qui l’a réalisée est a priori plus compétent ou spécialisé. Le médecin devra toujours s’interroger sur la validité de la prescription initiale.

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