Levothyrox : « En France aucun laboratoire n’a voulu faire ces analyses par peur des représailles de l’industrie »

Vendredi 15 juin 2018 à 8:58Par Bénédicte DupontFrance Bleu Occitanie

L’association française des malades de la thyroïde a dévoilé jeudi des analyses inédites de la nouvelle formule du Levothyrox. Elle avance des explications aux effets secondaires dont souffrent des milliers de patients. Le médecin-conseil de l’association, le toulousain Gérard Bapt nous répond.

500.000 patients, soit 20% des malades, ont abandonné le Lévothyrox.
500.000 patients, soit 20% des malades, ont abandonné le Lévothyrox. © Radio France – Bénédicte Dupont

Midi-Pyrénées, France

Entre 2,5 et 3 millions de personnes en France sont malades de la thyroïde et prenait jusque là le seul traitement validé par l’Agence du Médicament : le Lévothyrox. Les laboratoires Merck qui le commercialisent en ont changé la formule en mars 2017. Depuis, 20.000 patients se sont plaints d’effets secondaires et 500.000 ont abandonné ce traitement. Pour la première fois, l’Association Française des Malades de la Thyroïde dévoile des analyses de cette nouvelle formule. Elle serait sous-dosée, et contiendrait un composant interdit aux Etats-Unis car dangereux. Gérard Bapt, ancien député de Haute-Garonne à l’époque très impliqué dans l’affaire Médiator, est aujourd’hui l’un des médecins-conseil de l’association. Il était notre invité ce vendredi.

REPLAY INVITÉ – Gérard Bapt, médecin conseil de l’AFMT, avec Bénédicte Dupont (5’54 »)

Qui a fait ces analyses ?

Elles ont été faites par un laboratoire américain, sérieux car certifié par l’institution sanitaire des Etats-Unis. En France, il était très difficile de trouver des laboratoires qui acceptent de faire des analyses pour une association de patients. Ils craignaient des mesures de rétorsion commerciale de la part des industries pharmaceutiques.

En France, aucun laboratoire n’a accepté de travailler avec nous par peur de représailles de l’industrie pharmaceutique

L’association concède qu’il ne s’agit pas d’une preuve indiscutable. Vous attendez des résultats complémentaires ?

Le laboratoire n’affirme pas qu’il s’agit de la Dextrothyroxine(NDLR : la substance de synthèse, non commercialisée en France, a été retirée de la vente aux Etats-Unis en raison d’effets secondaires). Il dit que c’est vraisemblable. il faudrait une analyse supplémentaire pour le prouver. Or, l’association a épuisé ses fonds, elle vit sans subvention, ni publique, et encore moins des laboratoires.

Gérard Bapt, cardiologue et médecin-conseil de l'AFMT, ancien député de Haute-Garonne et président de la mission d'information de l'Assemblée sur le Mediator. - Radio France
Gérard Bapt, cardiologue et médecin-conseil de l’AFMT, ancien député de Haute-Garonne et président de la mission d’information de l’Assemblée sur le Mediator. © Radio France – Alban Forlot

Le laboratoire Merck rejette tout en bloc. Il y en a un des deux qui ment, donc….

Quand il y a eu l’affaire Mediator, le laboratoire Servier a aussi tout rejeté en bloc.  Merck n’a même pas vu le résultat de cette analyse. Toutefois, cela fait plusieurs mois que des hypothèses sont formulées quant aux effets secondaires qui ne ressortaient ni de l’hypothyroïdie ni de l’hyperthyroïdie. Or, il se trouve que cette Dextrothyroxine a été commercialisée pour lutter contre le cholestérol aux Etats-Unis et ce produit a été retiré du marché car il engendrait des effets indésirables très graves comme l’infarctus du myocarde et d’autres signes cliniques qui correspondent aux effets indésirables des victimes du Levothyrox.

L’association réclame la tête de la ministre de la santé Agnès Buzyn, c’est elle la fautive ? 

Non, moi je ne marche pas sur ce terrain là, il ne faut pas s’emballer. En revanche, il est évident que l’Agence du Médicament a permis l’introduction de cette nouvelle formule dans une situation de monopole. Cela signifie qu’il n’y avait pas de possibilité de trouver un autre comprimé. Aujourd’hui d’autres produits arrivent en officine. mais cela fait des mois et des mois que des patients sont en errance thérapeutique. Dans notre région, on sait que beaucoup vont en Espagne se procurer l’ancienne formule.

Le monopole de Merck qu’a autorisé l’Agence du Médicament a été brisé mais des patients sont encore en errance thérapeutique.

Pourquoi les alternatives sont difficiles à trouver ?

Il y a deux médicaments disponibles à présent en France, un troisième est en train d’arriver. Ça y est, on sort de la situation de monopole depuis la décision de la ministre cet automne, notamment grâce à l’intervention médiatique de l’actrice Annie Duperey. N’empêche que il eût fallu prévoir que chaque fois qu’on faut une substitution, il y a des effets indésirables, il faut surveiller les publics fragiles. Tous les médicaments en ont. Le problème c’est la balance bénéfices-risques. Si il y a des risques, il faut surveiller les publics fragiles en supprimant les traitements qui ne conviennent pas. En l’occurrence, la nouvelle formule du Levothyrox a été abandonné par 500.000 à un million de personnes, il y a un gros problème.

Deux millions de patients continuent de prendre la nouvelle formule. Il faut la retirer quand même comme le réclame l’association ?

Si il y a un problème de qualité qui apparaît comme cela semble être le cas sur certains lots expertisés par ce laboratoire américain, il y a  quand même un problème de sécurité sanitaire.

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