Huile, lait, beurre… C’est quoi l’hexane, « ce solvant dangereux » présent dans de très nombreux aliments ?
Selon une étude de Greenpeace, des résidus d’hexane sont présents dans du beurre, du lait, y compris infantile, mais aussi du poulet. Explications.AlimentationIndustrie agroalimentaireSanté

Par Briac TrébertPublié le 23 sept. 2025 à 12h59
L’hexane, un grave danger sanitaire ? C’est ce que dénonce Greenpeace, qui évoque un « scandale silencieux » et exige l’interdiction de l’utilisation de ce dérivé d’hydrocarbure dans la production agroalimentaire. Dans une enquête de plusieurs mois publiée ce lundi 22 septembre, l’ONG a constaté une contamination à l’hexane dans « près de deux tiers des produits » vendus en supermarché qu’elle a testés.
Greenpeace a fait réaliser par un laboratoire universitaire une série d’analyses sur plusieurs produits du quotidien : huiles de tournesol ou de colza, beurres, laits, y compris infantiles, viande de poulet ou encore les tourteaux destinés à l’alimentation d’animaux d’élevage.
Au total, sur 56 produits testés, de marques variées, « 36 contenaient des résidus d’hexane », affirme Greenpeace, qui cite des huiles Lesieur ou Carrefour, du beurre Président ou Elle & Vire, ou encore Paysan Breton, mais aussi du lait (Lactel et Délisse) et infantile (Blédina, Gallia) ou encore des cuisses de poulet Monoprix.
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Un solvant issu de la distillation du pétrole
L’hexane ? C’est un solvant issu de la distillation du pétrole utilisé notamment pour l’extraction des huiles végétales.
« Cet hydrocarbure est une substance neurotoxique avérée, suspectée d’être reprotoxique et un potentiel perturbateur endocrinien », s’alarme Greenpeace, même si les quantités relevées dans l’enquête de l’ONG (entre 0,05 et 0,08 mg/kg pour les huiles testées) sont très inférieures aux seuils règlementaires actuels (1 mg/kg).
Reste que l’hexane est aujourd’hui classé comme un « auxiliaire technologique » et n’est pas mentionné dans la liste des ingrédients sur l’étiquette de vos produits, dénonce Greenpeace, qui estime que « l’intérêt majeur de ce solvant repose sur sa rentabilité puisqu’il permet d’extraire environ 97% de l’huile de la graine » de colza ou de tournesol.
L’industrie minimise la présence d’hexane
« La production d’huile végétale à partir de graines nécessite, pour permettre de répondre à la demande des consommateurs, le recours à un solvant utilisé lors de l’extraction des huiles végétales », selon la fédération nationale des industries de corps gras.
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C’est un procédé couramment utilisé dans l’industrie agroalimentaire dans le monde entier. Intervenant exclusivement en amont de la production, son utilisation est parfaitement maîtrisée par les industriels.La fédération nationale des industries de corps gras
La fédération nationale des industries de corps gras (FNCG) avait déjà tenté de minimiser cette présence d’hexane, en mai 2025, estimant que son utilisation était « parfaitement maîtrisée » et écartant totalement ce danger sanitaire.
Selon la FNCG, l’hexane est éliminé lors de l’extraction et du raffinage de telle sorte qu’il n’est « plus présent dans les produits mis à la consommation, si ce n’est sous la forme de traces résiduelles et en deçà des seuils règlementaires », insistait-elle, dans un communiqué.
Mais, sur ces seuils, Greenpeace dénonce de son côté « des réglementations obsolètes et peu contraignantes, fondées sur des études datant de 1996 et fournies par les industriels eux-mêmes ».
Et pourtant, affirme l’ONG, « des alternatives existent » pour l’éviter, comme la pression à froid.
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La Commission européenne a demandé une réévaluation des risques
La Commission européenne a d’ailleurs chargé l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) de réévaluer « la sécurité de l’utilisation de l’hexane » dans l’agroalimentaire, précise le site internet de l’Efsa.
En France, une mission parlementaire doit prochainement être lancée, a annoncé le député MoDem du Loiret, Richard Ramos. Il avait déjà alerté sur la présence de ces résidus d’hexane dans une proposition de loi, présentée en mars dernier à l’Assemblée nationale, « visant à l’information des consommateurs sur la présence » de ces résidus et demandant son interdiction dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.
L’hexane commercial provient de la distillation du pétrole ou du gaz naturel. Il correspond à un mélange d’hydrocarbures présent à des concentrations variables. Il est utilisé dans des procédés industriels, alimentaires et non alimentaires depuis les années 1970. La toxicité de l’hexane a été découverte dans les années 1960 lorsque des ouvriers de la chaussure ont développé des polyneuropathies et d’autres maladies neurologiques. Il est classé comme cause de maladie professionnelle au moins en France (depuis février 1973), en Italie, en Allemagne, au Japon.Extrait de la proposition de loi du député Richard Ramos
Le n‑hexane (ou hexane) est une substance pétrochimique, « considéré comme le plus nocif des hydrocarbures saturés en C selon l’institut national de recherche et de sécurité (INRS) », insistait-il.
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« Un lien possible avec la maladie de Parkinson »
L’hexane est irritant pour les muqueuses oculaire et respiratoire. En cas d’exposition répétée, les intoxications les plus graves sont le fait du n‑hexane. Elles se traduisent principalement par des atteintes du système nerveux, en particulier des polynévrites périphériques sensitivo‑motrices.
En outre, « des études récentes ont suggéré de nouveaux effets toxiques de ce solvant, y compris un lien possible entre l’exposition au n‑hexane et la maladie de Parkinson ». Il est également toxique pour les systèmes reproductifs, masculins comme féminins, listait le député.
L’objet de sa proposition de loi était de rendre obligatoire l’insertion d’un avertissement sanitaire et de suspendre pour les populations les plus à risques, puis d’interdire progressivement, « au nom du principe de précaution », l’hexane dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.
Selon Greenpeace, « deux tiers des usines françaises » n’utilisent pas l’hexane, mais près de 90% des graines oléoprotéagineuses sont transformées dans des usines ayant recours à de l’hexane.










