Une cohorte unique pour lever le voile sur l’hypoparathyroïdie, maladie silencieuse qui bouleverse des milliers de vies

Par Sylvie Riou-Milliot le Ecouter 6 min.

Mieux repérer et prendre en charge les signes de l’hypoparathyroïdie, une maladie endocrinienne liée à un déficit en parathormone (PTH), hormone impliquée dans la régulation du taux de calcium dans le sang. Tel est le credo de dizaines de milliers de patients en France, certains devant faire face à une errance diagnostique dépassant dix ans, comme l’a démontré la cohorte épidémiologique Épi-Hypo, la plus importante au monde. Explications.

Echographie thyroïdienne dans un centre médical local, région de Metz, 2018.

Echographie thyroïdienne dans un centre médical local, région de Metz, 2018.

RAPHAEL DE BENGY / Hans Lucas via AFP

C’est une maladie handicapante, encore mal comprise et insuffisamment reconnue. Son nom ? L’hypoparathyroïdie (HPT, voir encadré). Elle concerne au moins 100.000 personnes en Europe, des dizaines de milliers dans l’Hexagone. En fait, le chiffre exact des patients n’est pas bien connu, la maladie étant largement sous-estimée bien qu’elle survienne dans 75 % des cas après le retrait d’une thyroïde. Pour certains patients, l’errance diagnostique peut même dépasser dix ans. Oui, dix ans, sans qu’un diagnostic ne soit posé et qu’un traitement ne soit prescrit.

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Pour rappel, la PTH est normalement sécrétée par quatre petites glandes, toutes de la taille d’un grain de riz, accolées près de la thyroïde et au cours d’une intervention pour un goitre ou un cancer, il y a un risque que les glandes soient lésées.

Par conséquent, le manque de PTH survient alors rapidement dans les heures ou jours qui suivent l’intervention, avec des troubles de la calcémie se traduisant par différents signes, tant physiques (fatigue, crampes, douleurs, fourmillements) que cognitifs ou émotionnels (voir encadré).

Autant de symptômes atypiques, variables en intensité d’un malade à l’autre, qui s’installent de manière chronique au cours du temps et qui peuvent s’avérer très fluctuants d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre.

La piste ouverte par Epi-Hypo

Evoquée au décours d’échanges organisés lors du 40e congrès de la Société Française d’endocrinologie (SFE) qui vient de se dérouler à Clermont-Ferrand, l’HPT demeure à ce jour mal repérée, ses signes cliniques étant souvent banalisés, les anomalies biologiques ne sont pas toujours présentes, cette discordance expliquant le retard diagnostique.

Mais l’HPT est une maladie dotée en France d’ »une cohorte unique au monde, la plus importante en nombre de patients« , détaille le Dr Jean-Philippe Bertocchio, néphrologue, Hôpital Pitié Salpétrière (Paris).

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Son nom, Epi-Hypo. Tout a commencé il y a près de 10 ans quand, avec un collègue néphrologue, le Pr Pascal Houillier (hôpital Européen Georges Pompidou, Paris), tous deux se rendent compte qu’ils voient très souvent en consultation des patients HPT en errance venant pour un 2e, 3e, voire 4e avis médical. « L’idée est alors venue de collecter ces cas pour créer ce qui est devenu la première cohorte française de patients HPT, précise le spécialiste. Aujourd’hui grâce à la participation de plus de 200 médecins issus de 50 centres privés et publics répartis sur tout le territoire, 1300 patients sont inscrits dans la plus grande cohorte au monde de patients hypoparathyroïdiens, la mieux phénotypée et la plus importante en nombre de patients« .

Epi-Hypo a ainsi permis de fournir des informations sur ce temps d’errance diagnostique, d’environ un an pour 40% des patients mais qui peut atteindre et dépasser les 10 ans pour plus de 20% d’entre eux.

Cette cohorte permet aussi d’en savoir davantage sur les causes de la maladie. Ainsi, 73% des cas sont liés à une chirurgie thyroïdienne, 14% à une origine génétique, une maladie auto-immune ou suite à une irradiation, 13% restant d’origine inconnue.

Mais Epi-Hypo permet aussi de voir que dans un cas sur deux, et ce malgré une calcémie considérée comme normale, les patients sont eux toujours symptomatiques, leur qualité de vie étant alors profondément altérée.

Enfin, Epi-Hypo informe aussi sur les résultats des traitements classiques, une supplémentation en calcium et en vitamine D. « En 2017, environ 5% des patients étaient contrôlés, ils sont près de 30% aujourd’hui », détaille le néphrologue.

Améliorer la prise en charge

Aujourd’hui, on admet le plus souvent mais sans grande précision qu’après une thyroïdectomie totale, « 90% de patients ne présenteront pas de HPT, 10 % auront une HPT transitoire et sera persistante pour 2 à 9 % d’entre eux, détaille le Dr Cécile Ghander, endocrinologue ( hôpital Pitié Salpétrière, Paris). Parmi ces derniers, le nombre de personnes présentant une HPT sévère et réfractaire aux traitements médicamenteux simples est tout simplement inconnu. Pourquoi ? Peut-être parce que nous ne parvenons pas à poser les bonnes questions en n’interrogeant pas assez précisément la qualité de vie de nos patients ».

Nul doute que dans le futur la prise en charge devrait s’améliorer car de nouvelles molécules permettant de pallier le manque de PTH (palopegteriparatide, éneboparatide, encaleret.. ), toutes réservées à ceux qui présentent une HPT sévère et réfractaire aux traitements classiques, sont attendues.

A la grande satisfaction des patients réunis par l’association Hypoparathyroïdisme France, soucieux de faire passer le message suivant : ne plus être uniquement considérés sous l’angle de leur calcémie qui peut être normale sous traitement mais que leurs plaintes soient enfin entendues.

Et s’il n’est pas possible pour un patient de s’inscrire directement sur Epi-Hypo, il est toujours possible d’en discuter avec son médecin, généraliste ou endocrinologue, pour y accéder par son intermédiaire et de s’inscrire personnellement à la petite sœur d’Epi-Hypo : ComPaRe hypoparathyroïdie  en cliquant ici.

C’est quoi une hypoparathyroïdie ?

Il s’agit d’une maladie endocrinienne en lien avec un déficit en parathormone, la PTH, impliquée dans la régulation du calcium.

Son absence se traduit par une baisse de la calcémie dont les symptômes sont variables et peuvent être physiques (fatigue, crampes, fourmillement, spasmes) mais aussi cognitifs (confusion, difficultés de concentration, troubles du sommeil) ou émotionnels (anxiété, dépression, irritabilité… ).

Le traitement conventionnel repose sur une supplémentation orale en calcium et vitamine D.

D’autres molécules dites de deuxième ligne et administrées par injection sous-cutanée quotidienne (palopegteriparatide, éneboparatide, encaleret) sont en train d’arriver sur le marché. Destinées aux formes graves de la maladie, celles réfractaires aux traitements oraux, elles sont pour l’instant délivrées uniquement à l’hôpital et leur prescription est pour l’instant réservée aux endocrinologues, néphrologues et rhumatologues.

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