Après le Mediator : la liste noire des 88 médicaments « plus dangereux qu’utiles »
- D’après le bilan 2023 dressé par la revue médicale indépendante Prescrire, de nombreuses molécules sont « à écarter » d’urgence.
- Quatre sont produites par Servier, alors que le procès en appel du Mediator s’achève cette semaine.
- Les explications de Séverine Carré-Pétraud, la directrice éditoriale de Prescrire. ENTRETIEN.
Publié le
Lundi 5 juin 2023
À ce jour, les autorités sanitaires ne demandent toujours pas aux laboratoires des preuves d’efficacité de leurs produits sur des critères cliniques.
SYSPEO/SIPA
Dès 1977, moins d’un an après la mise sur le marché du Mediator, la revue Pratiques, ancêtre de Prescrire, questionnait son efficacité. Quatorze ans après l’éclatement du scandale, l’état des lieux dressé par Séverine Carré-Pétraud sur la prise en compte de la balance bénéfices-risques des médicaments fait froid dans le dos.
Le procès en appel du Mediator s’achève. Un tel drame pourrait-il se reproduire ?
SÉVERINE CARRÉ-PÉTRAUD
Directrice éditoriale de la revue Prescrire
Mediator a été le résultat de plusieurs dysfonctionnements majeurs : la politique commerciale contestable des laboratoires Servier, le lancement d’un médicament pour une indication qui n’était pas la sienne, un grand retard dans la prise en compte des signaux graves de pharmacovigilance…
Tout cela a permis de maintenir sur le marché un produit dont la balance bénéfices-risques était très défavorable. Aujourd’hui, on ne peut pas être sûr qu’un tel désastre ne se reproduira pas. Il y a encore beaucoup de médicaments distribués en France qui sont bien plus dangereux qu’utiles. C’est une préoccupation majeure.
Aucune leçon n’a donc été tirée de ce scandale ?
On ne peut pas dire ça. Mais beaucoup de choses n’ont pas bougé. Par exemple, pour mettre un médicament sur le marché, les autorités de santé n’exigent toujours pas de preuve d’un véritable progrès thérapeutique. Résultat, sur 100 à 130 nouveaux médicaments ou nouvelles indications chaque année, la moitié n’apportent aucun progrès. Et environ 10 % exposent à des risques disproportionnés ou plus importants que les molécules existantes.
La façon d’évaluer les médicaments n’a pas évolué non plus. On ne demande toujours pas aux labos des preuves d’efficacité sur des critères cliniques. Par exemple, sur le diabète, il suffit à l’industriel de montrer que son produit fait baisser la glycémie pour qu’il soit autorisé, inutile de prouver qu’il diminue vraiment les complications liées à la maladie. Cela permet aux firmes d’obtenir facilement des autorisations, alors que leurs médicaments n’apportent pas de progrès clinique.
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