Dysthyroïdies : des recommandations HAS pour optimiser la prise en charge et le suivi 

Avec la publication d’un socle complet de recommandations sur les dysthyroïdies, la Haute Autorité de santé (HAS) vise à optimiser le diagnostic, la prise en charge et le suivi des hypo et des hyperthyroïdies.

Résumé

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié un socle complet de recommandations relatives au diagnostic, à la prise en charge et au suivi des dysthyroïdies (hypo et hyperthyroïdies) en population générale.

À travers ces recommandations, la HAS vise plusieurs objectifs : 

  • prescrire les examens biologiques et d’imagerie de façon pertinente et cadencée : la HAS recommande un procédé de réalisation des examens en cascade en commençant par la TSH. Si celle-ci est normale, les autres examens prescrits n’ont pas besoin d’être réalisés. Dans le cas d’une hyperthyroïdie, le recours à l’imagerie n’a d’intérêt que dans des cas précis ;  
  • choisir la prise en charge la plus adaptée, dans le cadre d’une décision médicale partagée et en tenant compte des préférences des patients : le traitement n’est pas systématique dans le cadre d’une forme fruste d’hypo ou d’hyperthyroïdie. La lévothyroxine est indiquée dans le traitement d’une hypothyroïdie avérée, les antithyroïdiens de synthèse le sont en première intention dans l’hyperthyroïdie avérée ;  
  • adapter la prise en charge médicamenteuse à chaque profil de patient. S’agissant de l’hypothyroïdie, la HAS précise les modalités de prise en charge dans deux sous-groupes de population :
    • les femmes enceintes traitées par lévothyroxine, ou les femmes ayant un projet de grossesse : dès le début de grossesse, les doses de lévothyroxine doivent être majorées de 20 à 30 %. Si l’accès rapide à un médecin n’est pas possible, la HAS indique que la patiente peut augmenter elle-même la dose de lévothyroxine. Selon le protocole proposé par la HAS, il s’agit de prendre 2 doses quotidiennes de plus par semaine, soit 9 comprimés par semaine au lieu de 7 ;
    • pour les femmes non hypothyroïdiennes, mais considérées à risque, un dosage de la TSH est recommandé avant la grossesse ou en tout début. La lévothyroxine est le traitement de référence de l’hypothyroïdie chez la femme enceinte ; 
    • après 65 ans, un dosage de la TSH pour dépister une hypothyroïdie est recommandé dans certaines situations telles que la découverte d’un déclin cognitif récent ou en cas de traitement par amiodarone. Si un traitement par lévothyroxine est prescrit, il doit débuter à une faible posologie. 

La Haute Autorité de santé (HAS) a mis en ligne un socle complet de recommandations [1] relatives aux dysthyroïdies (hypothyroïdies et hyperthyroïdies), dans lequel elle regroupe l’ensemble de ses publications réalisées depuis 2018 (cfTableau). 

Ces documents d’aide à la décision pour les professionnels de santé visent à optimiser la prise en charge des dysthyroïdies en population générale et dans certaines sous-populations, de l’exploration des pathologies thyroïdiennes au traitement à mettre en place si nécessaire :

  • prescrire les examens biologiques et d’imagerie de façon pertinente et cadencée, selon un protocole de réalisation en cascade ;
  • choisir la prise en charge la plus adaptée, dans le cadre d’une décision médicale partagée et en tenant compte des préférences des patients ;
  • adapter la prise en charge médicamenteuse à chaque profil de patient.
Prise en charge de l’hypothyroïdie chez l’adulte (population générale, plus de 65 ans, femme enceinte)Prise en charge de l’hyperthyroïdie chez l’adulte (population générale)
1 fiche de synthèse sur la prise en charge (15 décembre 2022)4 arbres décisionnels (15 décembre 2022) : Explorations biologiques chez l’adulte de moins de 65 ansTraitement chez l’adulte de moins de 65 ansHypothyroïdie primaire chez la personne âgée de plus de 65 ansExplorations biologiques et stratégie de prise en charge thérapeutique de la femme enceinte à risque d’hypothyroïdie1 fiche de synthèse sur la prise en charge (15 décembre 2022)2 arbres décisionnels (15 décembre 2022) : Explorations biologiques de l’hyperthyroïdie primaire chez l’adulte de moins de 65 ansPrise en charge thérapeutique de l’hyperthyroïdie primaire chez l’adulte de moins de 65 ans

Processus de diagnostic : appliquer le procédé de prescription en cascade

La HAS rappelle « la nécessité de n’utiliser les bilans biologiques thyroïdiens que lorsqu’ils sont pertinents ». D’où l’intérêt d’une réalisation en cascade : les résultats du premier examen conditionnent la réalisation des examens suivants.

Diagnostic de l’hypothyroïdie : la TSH en premier, complétée uniquement si nécessaire

Quel que soit le profil du patient, le dosage de la thyréostimuline (TSH) est l’examen de première intention à prescrire en présence d’un tableau clinique évoquant une hypothyroïdie (fatigue, frilosité, symptômes dépressifs, chute de cheveux, troubles du cycle menstruel…).

Si les résultats sont normaux, cet examen est suffisant.
En cas d’anomalie seulement, il peut être complété par un dosage de la tétra-iodothyronine libre (T4L) afin de distinguer une hypothyroïdie fruste d’une hypothyroïdie avérée.

En pratique, pour éviter la multiplication des prises de sang, la HAS recommande la réalisation cadencée des examens, selon le procédé en cascade :

  • le médecin prescrit sur une seule et même ordonnance différents dosages ;
  • dans un premier temps, le biologiste réalise le dosage de la TSH. Il n’enclenche les dosages supplémentaires (T4L) qu’en cas de résultat de TSH anormal.

Selon les recommandations de la HAS, le dosage des anticorps anti-TPO (ThyroPerOxydase) n’est pas nécessaire pour le diagnostic d’hypothyroïdie. Ce dosage intervient uniquement pour définir l’origine auto-immune du trouble thyroïdien.  

Diagnostic de l’hyperthyroïdie : la TSH suffit en première intention

Comme pour l’hypothyroïdie, le diagnostic de l’hyperthyroïdie est déclenché en première intention, en présence de symptômes évocateurs (palpitations, nervosité, irritabilité, etc.) ; le dosage de la TSH est suffisant pour confirmer le diagnostic. 

Selon le procédé d’analyses biologiques en cascade, le biologiste enclenche des examens complémentaires si le taux de TSH est anormal. L’objectif est alors d’affiner le diagnostic : 

  • différencier une hyperthyroïdie fruste ou avérée ;
  • déterminer la cause. 

L’imagerie médicale n’est pas systématique. Elle est envisagée dans certains cas, tels que : 

  • présence de nodules ou de ganglions cervicaux suspects à la palpation ;
  • recours à un traitement radical (irathérapie ou chirurgie). 

Traitement des troubles thyroïdiens : non systématique

Les traitements recommandés sont : 

  • la lévothyroxine qui est le traitement de référence d’une hypothyroïdie avérée. En cas d’hypothyroïdie fruste, le traitement doit être discuté en prenant en compte le contexte clinique, le risque d’évolution et le ressenti du patient ; 
  • s’agissant de l’hyperthyroïdie, le traitement de première intention repose sur les antithyroïdiens de synthèse. Dans les cas particuliers de nodules sécrétant des hormones thyroïdiennes (goîtres, adénome toxique), le traitement de première intention est l’irathérapie. La chirurgie est le traitement de dernier recours. 

Grossesse et hypothyroïdie : majorer les doses de lévothyroxine

Chez les femmes traitées pour une hypothyroïdie, une majoration des doses de lévothyroxine est recommandée dès le début de grossesse afin de prendre en compte les variations physiologiques de la fonction thyroïdienne durant cette période. 

Cette majoration est de l’ordre de 20 à 30 % et doit être anticipée à l’occasion d’une consultation médicale. 

Les femmes concernées doivent être informées de l’importance de consulter rapidement leur médecin dès qu’elles expriment un désir de grossesse ou qu’une grossesse est confirmée.

Une hypothyroïdie maternelle avérée et insuffisamment prise en charge augmente le risque de fausse couche, de naissance prématurée, de faible poids de naissance. Cette situation peut également être à l’origine de troubles chez l’enfant, tels des troubles de l’apprentissage.

Chez la femme enceinte, la monothérapie par liothyronine est contre-indiquée.

Un protocole à destination des femmes enceintes : 2 doses supplémentaires par semaine

La majoration des doses de lévothyroxine doit être réalisée sous surveillance médicale. Néanmoins, la HAS propose un protocole d’augmentation des doses de lévothyroxine à destination des patientes qui n’ont « pas accès rapidement à un médecin et qui n’ont pas d’ordonnance établie à l’avance avec des doses augmentées ».

En attendant la consultation et afin de répondre rapidement au besoin accru d’hormones thyroïdiennes, la patiente peut augmenter elle-même les doses de lévothyroxine, en prenant 2 doses quotidiennes de plus par semaine, soit 9 comprimés par semaine au lieu de 7 (par exemple, 2 comprimés au lieu de 1 comprimé les lundi et jeudi et 1 comprimé les autres jours de la semaine).

Risque d’hypothyroïdie : dosage de la TSH 

Pour les profils de patientes suivants, à risque accru de développer une hypothyroïdie, un dosage de la TSH est recommandé en période préconceptionnelle ou en début de grossesse :

  • antécédents familiaux de dysthyroïdies ;
  • maladies auto-immunes ;
  • difficultés de procréation (infertilité, fausses couches, etc.) ;
  • en parcours de procréation médicale assistée (PMA).

En cas d’hypothyroïdie diagnostiquée en début de grossesse, la monothérapie par la lévothyroxine est le traitement de référence.

Prise en charge en post-partum

Après l’accouchement, les recommandations sont les suivantes :

  • revenir à la dose de lévothyroxine préconceptionnelle ;
  • doser la TSH en respectant un délai de 6 semaines après cette diminution posologique.

Si le traitement a été introduit durant la grossesse, l’arrêt du traitement par lévothyroxine est possible après avis spécialisé, notamment en cas de faible dose.

Hypothyroïdies après 65 ans : quelles situations conduisent à doser la TSH ?

« Le vieillissement s’accompagne de modifications anatomiques et fonctionnelles progressives de la thyroïde. Il est donc important de distinguer ce qui relève d’un processus physiologique d’une pathologie thyroïdienne pouvant conduire à une hypothyroïdie », explique la HAS.

Après 65 ans, le dosage de la TSH n’est pas recommandé de façon systématique, mais uniquement dans les situations suivantes :

  • si des signes cliniques évocateurs font suspecter une hypothyroïdie ;
  • lors de la découverte d’un déclin cognitif récent ;
  • si des troubles neurocognitifs connus s’aggravent de manière inexpliquée ;
  • en cas de traitement par amiodarone : les hypothyroïdies liées aux traitements médicamenteux, comme l’amiodarone prescrit en cas de troubles du rythme cardiaque, sont potentiellement plus fréquentes chez les personnes âgées. Une surveillance régulière de la TSH est requise et le traitement par lévothyroxine peut être envisagé, sans être systématique.

Pour interpréter le résultat du dosage de la TSH, la HAS recommande d’adapter la valeur haute de référence à l’âge des personnes lorsqu’elles ont plus de 60 ans. En effet, les valeurs de référence de la TSH augmentent avec l’âge.

Si le prescripteur décide d’instaurer un traitement par lévothyroxine, celui-ci doit débuter à une posologie faible.

Cet article d’actualité rédigé par un auteur scientifique reflète l’état des connaissances sur le sujet traité à la date de sa publication. Il ne s’agit pas d’une page encyclopédique régulièrement remise à jour. L’évolution ultérieure des connaissances scientifiques peut le rendre en tout ou partie caduc.

POUR EN SAVOIR PLUS

[1] Dysthyroïdies : la HAS publie un socle complet de recommandations (HAS, 14 mars 2023)
 

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