Pénurie de médicaments: dans le Nord et le Pas-de-Calais, ces pharmacies qui fabriquent de l’amoxicilline

10 janvier 2023

Des préparations magistrales confectionnées par les pharmaciens pour remplacer les médicaments en pénurie. C’est la solution expérimentée depuis quelques jours pour les formes pédiatriques d’amoxicilline dans une quarantaine d’officines en France, dont deux dans le Nord et le Pas-de-Calais.

Deux
pharmacies du Nord et du Pas-de-Calais ont été désignées
pour réaliser des préparations magistrales
d’amoxicicilline. PHOTO PIBDeux pharmacies du Nord et du Pas-de-Calais ont été désignées pour réaliser des préparations magistrales d’amoxicicilline. PHOTO PIB – VDNPQR Image
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Par Magalie Ghu

Publié: 7 Janvier 2023 à 18h44 Temps de lecture: 3 min Partage :

Cette femme en blouse bleue qui répartit de la poudre blanche dans les trous d’une plaque de métal ne travaille pas dans un grand laboratoire pharmaceutique mais dans une pharmacie lilloise. Ce qu’elle fait permettra à un enfant de se remettre plus vite de cette crève hivernale qu’il traîne depuis quelques jours, sans médicament approprié.

Oui, vous en connaissez forcément un de ces bambins qui, au cours des deux derniers mois, n’ont pas pu avoir l’amoxicilline que le médecin leur avait prescrit. Otites, angines, sinusites, pneumonies bactériennes… Cet antibiotique de première intention a quasiment disparu des rayons des pharmacies, en particulier en poudre pour suspension buvable, la forme dédiée aux moins de douze ans. Et ce dans toute l’Europe.

De l’amoxicilline pourtant, il y en a. Reste à la conditionner. « Après plusieurs années de Covid qui avaient réduit la propagation de multiples maladies, la demande a explosé et les industriels n’en ont pas estimé l’ampleur », juge Henri Claeys, patron de l’officine lilloise qui, avec une quarantaine d’autres en France, a été appelée sur le front. « Pour la première fois, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament, NDLR) nous a demandé de faire des préparations magistrales pour pallier une pénurie, celle des formes pédiatriques de l’amoxicilline ».

Le 29 décembre, l’ANSM a en effet incité les officines spécialisées dans la réalisation de préparations magistrales pédiatriques à « délivrer directement une préparation magistrale adaptée pour les enfants de moins de 12 ans si le médicament prescrit n’est pas disponible » et donc pour l’amoxicilline en poudre pour suspension buvable dosée à 125 mg/5 ml ou 250 mg/5 ml.

À la clé, un protocole très strict, des monographies de préparation pour les pharmaciens et des fiches d’utilisation pour les patients. Car ce ne sont pas les habituels flacons que fabriquent ces pharmaciens, mais des gélules à ouvrir et à diluer dans une boisson ou un aliment.

Si la demande est une première, elle s’adresse néanmoins à des professionnels aguerris à l’exercice. « La production de préparations magistrales est une spécialité que nous avons depuis longtemps », explique le patron de la pharmacie désignée dans le Pas-de-Calais. « Nous avons tout l’équipement pour cela, les hottes, l’environnement sécurisé pour éviter les contaminations croisées entre préparations, les géluliers semi-automatiques exactement comme dans un laboratoire pharmaceutique, mais à une échelle beaucoup plus réduite ».

Une production loin d’être industrielle donc, mais qui est ensuite acheminée vers d’autres pharmacies de la région, en fonction de leurs besoins. Reste que ce pansement d’urgence coûte beaucoup plus cher à l’assurance maladie. Autour de 25 € pour une préparation contre 2 à 3 € pour un flacon manufacturé.

Un phénomène récurrent

Et l’Amoxicilline n’a pas le monopole des problèmes d’approvisionnement. Loin s’en faut. Le paracétamol est aussi en tension, notamment sous sa forme pédiatrique. Et toutes les classes de médicaments sont en réalité concernées par les ruptures de stock ou tensions d’approvisionnement, selon l’ANSM, dont par exemple les corticoïdes. Trois types de médicaments dits « à intérêt thérapeutique majeur » sont plus particulièrement exposés: les anti-infectieux, les médicaments du système nerveux (antiparkinsoniens, antiépileptiques) et ceux du système cardiovasculaire.

Un problème qui s’aggrave d’année en année, fruit notamment de décennies de mondialisation, qui ont concentré la production des principes actifs dans quelques pays asiatiques. En 2021, l’ANSM a reçu 2 160 signalements de ruptures de stock et de risque de ruptures, contre 405 en 2016.

Du sur-mesure très encadré

Essence même du métier d’apothicaire puis de pharmacien, la préparation magistrale est « devenue le parent pauvre de la pharmacie », constate Henri Claeys. En cause bien sûr, la multiplication des médicaments, mais aussi un encadrement de plus en plus strict de l’activité, selon lui. « Le pharmacien doit avoir une pièce dédiée, des appareils pour assurer la sécurité du personnel, des logiciels spécifiques de contrôle… ».

Pour autant, quelque 10 000 ont été réalisées dans son officine en 2022, dont la moitié à visée dermatologique. En général, il s’agit de fournir « des formules personnalisées », explique le pharmacien, « pour adapter un dosage, pour des anciens produits qui n’existent plus, lorsqu’un patient est allergique à un excipient ou à la forme d’admission… ». Une activité qui, pour son confrère du Pas-de-Calais « permet de revenir à une dimension qualitative du métier de pharmacien, de revenir aux fondamentaux ».