A quoi sont dus les dérèglements de la thyroïde ?
Cette glande, dont on a beaucoup parlé lors de l’affaire du Levothyrox, est essentielle à l’organisme. Or elle peut se dérégler et nous jouer des tours. On a passé en revue ces dysfonctionnements et leurs traitements… Isabelle Blin

Située à la base du cou, de part et d’autre du larynx, la thyroïde emmagasine l’iode qu’elle trouve dans l’organisme, puis l’utilise pour la synthèse des hormones (T3 et T4), sous le contrôle de l’hypophyse (une petite glande située dans le cerveau), qui produit la thyréostimuline (TSH). Ces hormones assurent des fonctions indispensables comme la régulation de la température corporelle, du rythme cardiaque, de la pression artérielle ou encore la transformation des nutriments en énergie… Autant dire qu’un dysfonctionnement de la thyroïde se répercute sur tout l’organisme.
Elle tourne au ralenti
Grosse fatigue, lever difficile, prise de poids (de 2 à 4 kg en moyenne), frilosité, constipation… autant de symptômes généraux pouvant évoquer une insuffisance en hormones thyroïdiennes. Ainsi, l’hypothyroïdie est souvent décelée de façon fortuite. De nombreuses années peuvent s’écouler avant que des signes plus graves apparaissent (péricardite au niveau du cœur, troubles cognitifs, coma…). Le dosage hormonal montre un taux de TSH supérieur à 4 mUI/L. La majorité des hypothyroïdies est due à la maladie d’Hashimoto, une inflammation auto-immune : le système immunitaire attaque la thyroïde par erreur. Ces symptômes peuvent également se retrouver chez les patients dont la thyroïde a été retirée ou irradiée pour soigner une hyperthyroïdie.
Quel traitement ? Dans les hypothyroïdies dites « limites », des aliments riches en iode (algues, poissons et fruits de mer…) peuvent parfois suffire. Sinon, l’unique solution consiste à prendre des hormones de substitution (lévothyroxine) chaque jour, à vie. Sept médicaments sont aujourd’hui disponibles. Est-il besoin de présenter le Levothyrox, mis sur le devant de la scène médiatique en 2017 après le changement de son excipient ? Une modification qui avait entraîné des effets secondaires chez certains patients. En effet, l’équilibre hormonal sous lévothyroxine est fragile, voire insatisfaisant pour 10% des patients.
C’est la surchauffe !
Quand la thyroïde se met à travailler plus que nécessaire, l’hyperthyroïdie se manifeste par une augmentation des sécrétions hormonales T3 et T4. Le taux de TSH est, quant à lui, proche de zéro. Résultat, le cœur bat la chamade – on identifie une tachycardie dans 80% des cas –, la production d’énergie s’accélère et se solde par un amaigrissement, la transpiration peut devenir abondante, le sommeil et le transit sont perturbés… Là encore, les symptômes varient d’une personne à l’autre et évoquent bien d’autres maladies. Ce dysfonctionnement est, dans les trois quarts des cas, d’origine auto-immune (maladie de Basedow) : la thyroïde est activée par les « mauvais » anticorps. Il arrive aussi que des nodules, des médicaments (amiodarone) ou un virus provoquent une hyperthyroïdie.
Quel traitement ? Il repose sur la prescription d’antithyroïdiens de synthèse pendant plusieurs mois. Ceux-ci vont réduire la production d’hormones thyroïdiennes en quelques semaines. Ensuite, on peut prolonger le traitement pendant un à deux ans en adaptant les dosages, ce qui permet de guérir environ la moitié des malades. Pour les autres, il faudra envisager la destruction totale ou partielle de la thyroïde par l’iode radioactif (en gélule), ou en pratiquant une ablation chirurgicale. Avec pour inconvénient de se retrouver en hypothyroïdie et de devoir prendre à vie des hormones thyroïdiennes de synthèse.
Des nodules se forment
Ces petites « boules » sur la thyroïde inquiètent. Pourtant, à 50 ans, 50% des femmes en ont et, à 80 ans, elles sont 80%. Or ces nodules ne se révèlent cancéreux que dans 5% des cas. Ils peuvent passer inaperçus ou être détectés à la palpation pour les plus volumineux. Parfois, ils font mal ou entraînent des difficultés à avaler. Quels qu’ils soient, on ne sait pas encore pourquoi ils se forment. Environ 5% d’entre eux fabriquent à leur tour des hormones thyroïdiennes et sont dits toxiques, car ils conduisent à une hyperthyroïdie. Les autres, appelés nodules non fonctionnels, sont des kystes (poches de liquide) ou des adénomes (tumeurs bénignes). Pour confirmer leur présence, le médecin prescrit une échographie et le dosage d’hormones thyroïdiennes. Une cytoponction (prélèvement pour analyse) ne se justifie que si le nodule mesure plus de 1 ou 2 cm et qu’on le soupçonne d’être cancéreux.
Quel traitement ? Dans la majorité des situations, on se contente de surveiller. Les nodules cancéreux (ou suspects) et toxiques conduisent, quant à eux, à un retrait partiel ou total de la thyroïde. Les nodules très gros, totalement bénins mais gênants, peuvent aussi nécessiter une chirurgie ou une technique moins invasive appelée thermoablation. Elle utilise, sous anesthésie locale, un laser, des ultrasons ou de la radiofréquence pour brûler les tissus. Mais elle ne se pratique que dans certains centres experts et n’est pas prise en charge par l’Assurance maladie.
Chaque année, en France, on compte 3 500 nouveaux cas de cancers thyroïdiens.
Des cancers qui restent inexpliqués
Chaque année, on dénombre trois mille cinq cents nouveaux cas de cancers thyroïdiens, et les trois quarts touchent des femmes. Le plus souvent, on ne peut pas expliquer leur survenue. Rien ne prouve que l’accident de Tchernobyl ait eu cet impact en France. Et la génétique n’explique pas tout. En général, un cancer thyroïdien ne provoque pas d’hypothyroïdie ou d’hyperthyroïdie, il se manifeste seulement par la présence d’un nodule, découvert à la palpation. Son pronostic est globalement bon, puisque plus de 95% des patients sont encore en vie vingt ans après le diagnostic.
Quel traitement ? Les cancers dits « papillaires » (80% des cas) conduisent à une ablation partielle ou totale de la thyroïde, suivie parfois d’un traitement avec de l’iode radioactif (une gélule), pour limiter le risque de récidive. Plus rare, mais potentiellement plus grave, le cancer dit médullaire requiert une thyroïdectomie totale avec, si nécessaire, un curage ganglionnaire, quelquefois associé à de la chimiothérapie.
Quand la grossesse s’en mêle
Le bouleversement hormonal de la grossesse favorise l’apparition de troubles de la thyroïde. Les spécialistes parlent de « thyroïdite du post-partum », un phénomène qui touche 5% des femmes entre trois et douze mois après l’accouchement. Elle débute par une hyperthyroïdie, suivie d’un passage où la thyroïde ne fonctionne plus assez. Dans 90 à 95% des cas, tout rentre dans l’ordre spontanément en trois à six mois, souvent sans traitement. Dans les autres cas, l’hypothyroïdie s’installe.
Et le goitre ?
Cette augmentation de volume de la thyroïde, visible à l’œil nu, a des origines génétiques ou environnementales – elle est plus fréquente dans les régions montagneuses pauvres en iode. L’existence d’un goitre révèle souvent un déséquilibre de la synthèse d’hormones thyroïdiennes, comme la thyroïdite d’Hashimoto, ou peut signifier la présence de nodules ou de tumeurs. Dans tous les cas, une consultation s’impose pour en déterminer l’origine et le traitement adapté (iode, hormones, opération…).
Merci au Dr Emmanuelle Lecornet-Sokol, endocrinologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et co-auteure de Et si c’était hormonal ?, Hachette Bien-être.
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