L’Inserm rend sa copie sur les effets des pesticides sur la santé
Jeudi 01 juillet 2021 par Marion Bazireau
Le rapport détaille en plus les effets sanitaires du chlordécone, du glyphosate et des SDHi. – crédit photo : Creative Commons
La littérature scientifique internationale récente atteste du lien entre une vingtaine de pathologies et les produits phytosanitaires. Elle confirme notamment les risques de lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate et maladie de Parkinson.
Huit ans après son premier rapport, l’Inserm a dévoilé les conclusions de la nouvelle édition de son expertise collective « Pesticides et effets sur la santé ».
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Dans un communiqué, l’Institut explique avoir analysé la littérature scientifique internationale récente, soit 5 300 documents, afin d’examiner le lien entre une vingtaine de pathologies et les produits phytosanitaires.
Son rapport détaille en plus les effets sanitaires du chlordécone, du glyphosate et des fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHi, lire encadré).
L’expertise aborde les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant, les troubles cognitifs et anxio-dépressifs de l’adulte, les maladies neurodégénératives, les cancers de l’enfant et de l’adulte, la santé respiratoire et les pathologies de la thyroïde et l’endométriose.
Présomption forte, moyenne ou faible
Comme en 2013, la présomption d’un lien a été qualifiée de forte (++), moyenne (+) ou faible (±). Ces résultats ont ensuite été mis en perspective avec ceux des études toxicologiques, afin d’évaluer la plausibilité biologique des liens observés.
Les experts ont en plus cherché à investiguer le lien avec des populations supposées moins exposées que les professionnels comme les populations riveraines des zones agricoles, la population générale ou des populations plus sensibles comme les enfants. »LNH, myélome multiple, cancer de la prostate et maladie de Parkinson »
Chez l’adulte, l’Inserm confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et quatre pathologies : les lymphomes non hodgkiniens (LNH), le myélome multiple, le cancer de la prostate et la maladie de Parkinson. Elle met aussi en évidence une présomption forte de lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides, les troubles cognitifs et la bronchopneumopathies chroniques.
Une présomption de lien moyenne a été également mise en évidence entre l’exposition aux pesticides, principalement chez les professionnels, et la maladie d’Alzheimer, les troubles anxio-dépressifs, certains cancers (leucémies, système nerveux central, vessie, rein, sarcomes des tissus mous), l’asthme et des pathologies thyroïdiennes.
L’Inserm précise en outre le type de leucémies de l’enfant concernées lors d’une exposition de la mère pendant la grossesse : leucémies aiguës et usages domestiques (présomption de lien forte) et leucémie aiguë myéloïde et exposition professionnelle. « Un nouveau lien a été mis en évidence entre le risque de leucémie aiguë lymphoblastique en cas d’exposition professionnelle paternelle en période préconceptionnelle (présomption moyenne) » indique son communiqué.
Concernant les tumeurs du système nerveux central de l’enfant, l’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle des parents aux pesticides pendant la période prénatale. La bibliographie établit en plus un lien entre les tumeurs du système nerveux central et l’exposition domestique aux pesticides pendant la grossesse ou l’enfance.
D’autres travaux portant sur les liens entre l’exposition professionnelle ou environnementale des mères pendant la grossesse et les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant confirment l’existence d’un lien avec un niveau de présomption fort, notamment pour certaines familles de pesticides, comme les organophosphorés et les pyréthrinoïdes.
L’UIPP réagit
Par la voie de communiqué, Eugénia Pommaret, la directrice générale, l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) promet d’étudier avec beaucoup d’intérêt les conclusions de cette expertise, tout en rappelant le renforcement en 8 ans de l’écosystème déjà très strict des produits phytopharmaceutiques. Les substances sont évaluées à toutes les étapes de leur vie, avant leur mise en marché, pendant leur vie commerciale et environ tous les 10 ans.Chlordécone, glyphosate et SDHi
Le chlordécone, un insecticide qui a été utilisé aux Antilles françaises de 1973 à 1993, persiste dans ces milieux naturels insulaires. La consommation des denrées alimentaires contaminées a entraîné une contamination importante de l’ensemble de la population. La causalité de la relation entre l’exposition au chlordécone et le risque de survenue de cancer de la prostate est jugée vraisemblable.
Le glyphosate est un herbicide pour lequel l’expertise conclut à une présomption moyenne de lien avec les lymphomes non hodgkiniens. D’autres liens ont été évoqués dans la littérature scientifique pour le myélome multiple et les leucémies, mais les résultats sont moins solides. Les études expérimentales de cancérogenèse chez les rongeurs montrent des excès de cas, mais ne sont pas convergentes. On y observe des tumeurs différentes, pour les mâles ou les femelles, mais qui ne se produisent qu’à des doses de glyphosate très élevées et uniquement sur certaines souches de rongeurs.
Enfin, les études expérimentales sur des poissons suggèrent que certains SDHi peuvent avoir des effets perturbateurs endocriniens. Certains montrent des effets cancérogènes sur les rats ou les souris mais ces résultats sont discutés sur la base d’un mécanisme non extrapolable à l’être humain. Les experts soulignent le besoin de poursuivre des recherches pour améliorer l’évaluation du potentiel cancérogène des SDHi et combler le manque de données chez l’humain.