Brèves de PHARMACO-ADDICTOVIGILANCE
Numéro 66 : Janvier 2020 – Avril 2020
EDITORIAL :
La crise sanitaire que nous traversons actuellement suscite un climat de controverses, particulièrement en ce qui concerne l’essai de certains médicaments pour tenter de prévenir, ralentir ou guérir l’infection par le Covid-19.
Un essai clinique doit avant tout garantir la sécurité des patients et sa réalisation est issue d’une réflexion scientifique approfondie visant à protéger à la fois les personnes participantes, leurs prélèvements biologiques et bien sur leurs données personnelles. Ainsi, les essais cliniques sontencadrés par la loi et en France, les conditions nécessaires pour débuter un essai sont d’avoir reçu un avis favorable d’un Comité de Protection des Personnes (CPP) et une autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) (1,2).
La phase 3 (celle qui nous intéresse dans le cadre de l’infection par le Covid-19) vise a démontrer l’intérêt thérapeutique d’un nouveau médicament ou d’un médicament connu mais dans une nouvelle indication et chez certains types de patients. Mais, pour pouvoir apporter une réponse valide et fiable :
– les essais doivent être menés sur de larges populations de malades (plusieurscentaines ou milliers). C’est la raison pour laquelle ils sont très souvent multicentriques (menés dans de nombreux centres d’études et hôpitaux).
– l’efficacité d’un traitement dans une population ne peut être démontrée que par rapport a un groupe témoin, comparable, qui diffère seulement par le traitement reçu (traitement de référence de la pathologie en question ou placebo). Généralement, les patients sont tirés au sort pour le groupe et ni le patient, ni l’équipe médicale ne savent quel traitement reçoit chacun des patients (essai dit randomise en double aveugle) : cela permet d’écarter tout préjuge de l’une ou l’autre partie sur son efficacité ou ses effets indésirables.
Dans le contexte particulier du Covid-19, on peut citer deux essais de grande envergure qui ont ainsi débute :
* l’essai européen nomme DISCOVERY, débute le 22 mars 2020 : essai multicentrique, coordonne par l’INSERM, qui doit inclure 3200 patients en Europe, dont au moins 800 en France. Cinq modalités de traitement sont étudiées, chaque modalité correspond a ce que l’on nomme un ≪ bras ≫ de l’étude :
– soins standards ; soins standards et remdesivir; soins standards et lopinavir /ritonavir; soins standards et lopinavir / ritonavir et interféron beta;
– soins standards et hydroxychloroquine.
* l’essai international nomme SOLIDARITY, lance par l’OMS et qui concerne les mêmes molécules. Le 2 avril 2020, le directeur général de l’OMS (3) annonçait que cet essai avait déjà mobilisé 74 pays (qui ont rejoint l’essai ou sont sur le point de le faire) et que plus de 200 patients avaient été répartis de manière aléatoire dans les différents bras de l’étude.
Seules des études de qualité méthodologique reconnue et de grande envergure pourront apporter une réponse à la question de l’efficacité (mais également de la toxicité inhérente) de ces traitements dans la population de patients infectes par le Covid-19. En attendant, et même si cela peut paraitre insoutenable pour certains, il est urgent de ne pas se fier à ses intuitions individuelles mais bien de raisonner avec la ≪ médecine fondée sur les preuves ≫. Cela permet souvent, quoiqu’on en pense, de prescrire au mieux pour les patients !
2.https://www.ansm.sante.fr/Activites/Essais-cliniques/Qu-est-ce-qu-un-essai-clinique/(offset)/4