Des responsables hospitaliers « inquiets à l’idée d’une pénurie en médicaments essentiels aux patients du Covid-19 »

Un collectif de soignants, dans une tribune au « Monde », explique que nous ne pouvons plus dépendre à ce point de pays tiers, et notamment de la Chine et de l’Inde, et appelle le président de la République à agir d’urgence avec ses homologues européens pour définir un plan d’action.

Publié hier à 11h31, mis à jour hier à 12h09   Temps deLecture 4 min.

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Tribune. Neuf grands centres hospitaliers universitaires européens ont alerté, le 31 mars, les gouvernements de leur pays pour signaler les risques majeurs d’une pénurie en médicaments essentiels à la prise en charge des patients atteints du Covid-19.

Ces médicaments sont consommés dans tous les pays à un niveau jamais atteint. Il s’agit des sédatifs, des morphiniques, des myorelaxants (curares) et de certains antibiotiques. Nous, soignants, sommes inquiets à l’idée qu’une pénurie complète ne survienne dans les prochaines semaines.

Vision à long terme

Sans ces médicaments, nous ne pourrons plus soigner alors que nous avons déjà adapté nos pratiques pour limiter la consommation de ces molécules en tension. Les curares, indispensables pour l’anesthésie lors de nombreuses interventions chirurgicales, le sont aussi pour les ventilations assistées des malades les plus gravement atteints par le Covid-19. La carence de cette classe de médicaments serait une véritable catastrophe.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « Relocaliser n’est plus une option mais une condition de survie de nos systèmes économiques et sociaux »

Le gouvernement français a, ces derniers jours, réaffirmé sa volonté de transparence dans son action, mais il se concentre aujourd’hui essentiellement sur la gestion des stocks existants et la recherche de sources d’approvisionnement à l’étranger, sans donner de vision sur l’avenir à moyen terme.

Un rapport de l’Académie nationale de pharmacie en mars 2013 et, beaucoup plus récemment, un rapport de la mission d’information sur les pénuries de médicaments et de vaccins, signé par les sénateurs Jean-Pierre Decool (Nord, groupe Les indépendants – République et territoires) et Yves Daudigny (Aisne, groupe socialiste et républicain) en octobre 2018 alertaient déjà sur « la vulnérabilité française et européenne aggravée par les mutations profondes de l’industrie du médicament ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Barbara Stiegler : « La crise due au coronavirus reflète la vision néolibérale de la santé publique »

L’Académie de pharmacie soulignait que « 60 % à 80 % des matières actives à usage pharmaceutique sont fabriquées dans les pays tiers à l’Union européenne, principalement en Inde et en Asie, contre 20 % il y a trente ans. Cette perte quasi complète d’indépendance de l’Europe en sources d’approvisionnement en principes actifs se conjugue à l’éventuelle perte du savoir-faire industriel correspondant ». Le rapport de la mission sénatoriale proposait d’« instituer un programme public de production et distribution de quelques médicaments essentiels ».

Guerre commerciale

Des efforts considérables sont actuellement déployés par l’industrie pharmaceutique pour augmenter au maximum la production des médicaments dont la consommation a explosé du fait de la pandémie. Mais les industriels ont indiqué, dans un communiqué publié le jeudi 9 avril par l’agence d’information APMnews, que la relocalisation de la production était complexe : « Le transfert de production est un processus coûteux, long et qui nécessite des moyens humains et techniques conséquents. » Une véritable guerre commerciale conduit les gouvernements à rivaliser auprès des fournisseurs, que ce soit pour les médicaments, les dispositifs de protection (masques, surblouses…) ou pour d’autres matériels nécessaires à la prise en charge des patients dans les hôpitaux.

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