Levothyrox « Circulez, il n’y a rien a voir ! »
23 janvier 2019 3 commentairesCamille Bodin
Quel bilan tirer de « l’affaire du Levothyrox » presque deux ans après le passage à la Nouvelle Formule ? Pour les autorités sanitaires et le Laboratoire producteur Merck, il est simple : le passage à la nouvelle formule « n’a pas entrainé de problème de santé graves. » Pour les patients victimes d’effets secondaires dramatiques et multiples, toute la lumière reste à faire sur ce scandale qu’ils ne veulent pas voir enterrer.
« l’Affaire du Levothyrox » n’est pas une petite affaire, parce le Levothyrox est le numéro 1 des médicaments vendus en France sur Prescription médicale obligatoire et donc remboursés par les régimes d’assurance maladie.2,3 millions de personnes le prennent ou plutôt le prenaient au moment du « changement de formule » fin mars 2017.
Plutôt que de changement de formule, il serait d’ailleurs plus approprié de parler de « générique appliqué par le détenteur du Référent ou Princeps. » à savoir le laboratoire Merck.
Regardez bien la courbe ci-dessous. Elle représente le nombre de signalements d’effets secondaires provoqués par le Levothyrox.
Elle est tirée d’un rapport officiel de l’Agence du médicament.
Des effets secondaires multipliés par 22
Cette courbe montre une multiplication par 22 du nombre de signalements d’effets secondaires après le passage à la nouvelle formule.Une « situation inédite » reconnaissaient les autorités sanitaires en juillet 2017. Du jamais vu.
« une fréquence de signalement totalement inattendue. » En tout 14 000 déclarations faites aux centres de pharmacovigilance.
Dans les 6 années précédant le passage à la Nouvelle Formule, le nombre cumulé des effets secondaires étaient de 10 000 ; Alors qu’en 6 mois, après l’introduction de la Nouvelle Formule , fin mars 2017, il était de plus de 15 000 soit une multiplication par 22 . On passe d’une moyenne de 139 effets indésirables par mois à 3000.
« L’analyse des données ne permet pas d’identifier d’éventuels patients à risque et ne permet pas de proposer d’hypothèse à la survenue de ces effets. » explique les centres de pharmacovigilance.
« Ces effets se manifestent rapidement après le passage à la nouvelle formule », remarquent les experts gouvernementaux.
Autre remarque de la pharmacovigilance : « Dans les signalements où les patients reviennent à LEVOTHYROX® Ancienne Formule ou « switchent » vers une alternative, les symptômes régressent en général dans un délai très court. »
« La présence de signes cliniques chez les patients à TSH (hormone thyroïdienne) dans les normes attendues pose l’hypothèse d’effets indésirables expliqués par d’autres facteurs qu’une dysthyroïdie et mérite plus d’investigations. »
Quels sont ces autres facteurs explicatifs ?
L’actrice Anny Duperey est représentative de ces patients tombés malades avec le passage à la nouvelle formule.
Les autorités sanitaires dans le déni et les contradictions.
Et pourtant, presque deux ans après cet épisode « inédit », l’Agence du médicament publie dans une autre étude officielle en décembre 2018
Son objectif était d’évaluer l’impact du passage à la nouvelle formule du Levothyrox sur la santé des personnes traitées par lévothyroxine :
Quelle est la conclusion tirée ?
« Pas d’augmentation de problèmes de santé graves en lien avec la prise du Levothyrox NF (nouvelle formule) »
L’étude reconnaît toute fois que le passage à la nouvelle formule a entrainé une hausse de 12 % des consultations chez le médecin.
Mais cette augmentation n’a rien à voir avec la qualité du produit lui-même estiment les autorités.
Bizarrement l’Agence a choisi de faire une étude « épidémiologique » en comparant un million de personnes traitées avec la nouvelle Formule avec un autre million l’année d’avant.
Une méthodologie contestable
Les groupes ont été savamment construits avec des critères d’inclusion non communiqués.
Etant donné qu’on estime à 2,3 millions le nombre de personnes traitées en France, il aurait été beaucoup plus efficace de constater l’état de santé de ces personnes directement en regardant le nombre de consultations médicales et la consommation médicamenteuse avant et après le changement de formule.
L’association des malades de la Thyroïde se déclare déçue par cette nouvelle étude en forme de déni.
Elle entend continuer à rechercher une possible contamination de certains lots. Des analyses sont actuellement en cours en laboratoire.
Le docteur Catherine Noël n’accepte pas ce déni de réalité :
Depuis le changement de formule, le nombre de boîtes vendues a chuté d’un tiers. A l’heure qu’il est des patients continuent de se fournir à l’étranger. Le docteur et ancien député Gérard Bapt ne s’explique pas ces contradictions des autorités sanitaires.
D’autres pistes comme celle de la légalité du brevet de la Nouvelle Formule du Levothyrox sont également explorées. L’avocate niçoise Maître Colin-Chauley conteste le fait que la nouvelle formule comporte suffisamment de nouveautés et d’inventivité. Elle a donc demandé en justice l’annulation du brevet industriel.G
- Auteur : Camille Bodin
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