Un quart des Français touché par la pénurie de médicaments, les industriels pointés du doigt
Un Français sur quatre a déjà été confronté à une pénurie de médicaments ou de vaccin, selon une enquête réalisée par France Assos Santé, une fédération d’associations de patients et d’usagers. « Des résultats inquiétants, qui pointent les difficultés récurrentes d’accès à certains vaccins et médicaments », estime France Assos Santé. Pour les personnes atteintes d’affection de longue durée (ALD), comme le diabète, la maladie de Parkinson ou la polyarthrite, ce taux monte même à 31%.
Cette enquête réalisée par BVA auprès d’un échantillon d’un millier de personnes, révèle également que parmi les personnes confrontées à une pénurie, 45% sont contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d’y renoncer ou de l’arrêter complètement. Une situation jugée anxiogène par 21% des sondés et 41% des personnes en ALD. Ces pénuries concernent en premier lieu les vaccins, puis les médicaments contre l’hypertension et les traitements contre les maladies neurologiques.
« Menace potentielle pour la santé publique »
La fédération pointe du doigt le manque d’information dont disposent les Français sur la pénurie d’un médicament : seuls 41% des sondés s’estiment bien informés et 49% des personnes en ALD.
Et les conséquences peuvent être graves : « augmentation des symptômes dans 14% des cas, erreurs dans la prise de médicaments de substitution (4%) et plus inquiétant encore, hospitalisation nécessaire pour une personne sur vingt », énumère le communiqué. « Tous les traitements ne se valent pas, prévient Antoine Henry de France Assos Santé, par exemple en oncologie, la prise d’un traitement de substitution peut avoir des effets indésirables ».
« Au-delà du risque évident pour la santé individuelle des personnes, ces pénuries de vaccins constituent une menace potentielle pour la santé publique », alerte Alain Michel Ceretti, président de France Assos Santé, dans un communiqué.
Les industriels, principaux responsables
Selon 56% des Français interrogés, les industriels sont les principaux responsables de ces pénuries car ils privilégieraient la production de certains médicaments ou vaccins au détriment d’autres. France Assos Santé confirme la responsabilité des industriels dans ces pénuries, « principalement dues à des stratégies financières contestables ».
En effet, « certains médicaments ne sont pas assez rentables sur le marché français, par rapport à d’autres pays européens où le prix fixé est plus élevé », détaille Antoine Henry. « Quand il y a une tension dans l’approvisionnement d’un médicament, ils préfèrent donc le vendre au plus offrant », poursuit-il.
« Les industriels obéissent à une logique financière : ils produisent en flux tendu les médicaments pour éviter de rester avec des stocks sur les bras », dénonce Antoine Henry.
Autre problème, la concentration de la production d’un médicament dans une seule usine pour réaliser des économies d’échelles. Si la chaîne de production tombe en panne, le médicament passe très vite en rupture de stock. C’est le cas d’un vaccin contre l’hépatite B produit par le laboratoire GSK et qui a connu des tensions d’approvisionnement pendant plus d’un an (de janvier 2017 à mars 2018) à cause d’un incident technique sur la seule chaîne de production qui approvisionne toute l’Europe.
Demande de sanctions financières
Et ce n’est pas faute d’avoir des solutions à disposition, telles que la mise en place de stocks de sécurité ou la recherche de fournisseurs alternatifs. « Normalement, les industriels sont obligés de fournir aux autorités françaises et européennes un plan de gestion de pénurie, mais celui-ci n’est pas toujours fait, ou bien est fourni hors délai ». Ce plan de gestion doit notamment lister des fournisseurs alternatifs, capables de leur fournir une molécule (pour la fabrication d’un médicament ou d’un vaccin) en cas de problème avec leur sous-traitant initial. Sans ces plans de gestions, les solutions alternatives ne sont pas assez anticipées, et ce sont les patients qui trinquent.
En conséquence, France Assos Santé « demande une régulation plus efficace de la part des autorités sanitaires nationales et européennes ». Elle réclame « plus de transparence sur les causes de ces ruptures et sur les plans de gestion des pénuries (PGP) mis en place » et souhaite mettre en place des sanctions financières lourdes « en cas de manquement aux obligations de notification et de mise en œuvre de ces plans », conclut le communiqué.
Le 28 décembre dernier, l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a condamné le laboratoire MSD à une amende de 348 000 euros pour défaut d’approvisionnement et de plan de gestion de pénurie du Sinamet, un traitement contre la maladie de Parkinson. « Un bon signal, mais le montant de l’amende reste encore trop peu dissuasif », estime Antoine Henry de France Assos Santé.ANOUK PASSELAC