Paris, le vendredi 27 juillet 2018 – A l’exception de l’introduction en 2015 d’une composition modifiée en Belgique (introduction qui avait été accompagnée d’une augmentation des effets secondaires mais sans susciter de controverse en raison notamment d’une bonne préparation des patients) , la France est le premier pays à avoir « testé » la nouvelle formule du Levothyrox. Cette formule consiste notamment en un remplacement du lactose par un autre excipient, le mannitol, et permet une stabilité plus importante du produit. La France a probablement été choisie pour inaugurer ce passage entre autres parce que le Levothyrox jouissait dans notre pays d’un quasi-monopole, monopole qui n’existe plus aujourd’hui, la crise ayant conduit à l’introduction de plusieurs autres spécialités.
Pas de raison de remettre en cause la commercialisation générale de la nouvelle formule
Les grandes difficultés qui ont accompagné la mise à disposition de la nouvelle formule du Levothyrox en France, soupçonnée d’être à l’origine de nombreux effets secondaires mal expliqués et que beaucoup de patients ne veulent pas croire uniquement liés à des problèmes d’adaptation du dosage voire à un possible effet nocebo, auraient pu conduire à remettre en question sa diffusion dans l’Europe entière. Les laboratoires Merck ont pourtant maintenu le cap et viennent de bénéficier du feu vert de l’Agence européenne du médicament (EMA). Chargé par cette dernière de conduire le « processus d’approbation» et la « vérification des données », l’Institut fédéral d’Allemagne vient en effet de délivrer un avis positif. Les experts allemands n’ont donc pas considéré que la situation française doive conduire à une remise en cause de la nouvelle formule. Les résultats des différentes études de pharmacovigilance et de contrôle n’ont, il est vrai, pas permis de mettre en évidence d’effets secondaires inattendus, ni d’expliquer par une cause biologique leur fréquence soudainement augmentée.
Les patients helvètes déjà sur le pont
Ce sésame européen ne signifie cependant pas que le médicament sera prochainement disponible sur tous les marchés nationaux concernés (21 pays). Même si Merck signale que les « étapes obligatoires requises par les autorités sanitaires locales » ont déjà été validées, dans certains pays la prudence pourrait s’imposer en raison de l’expérience française. Les hésitations pourraient être les plus grandes dans les pays européens limitrophes, qui ont participé à l’approvisionnement de la France en ancienne formule. Déjà la presse helvète se faisait récemment l’écho de mobilisations de patients en vue de refuser l’introduction de la nouvelle formule. Néanmoins, l’existence dans la plupart des pays européens de traitements alternatifs pourrait rendre le choix moins cornélien.
Pas de carence des pouvoirs publics
Même si la diffusion de la nouvelle formule pourrait donc ne pas être aussi simple que ce feu vert de l’EMA ne le suggère, il s’agit d’un élément encourageant pour Merck dont la fiabilité de son médicament est une nouvelle fois reconnue. De la même manière, le rejet hier par le Conseil d’État d’une requête formée en référé par plusieurs patients souhaitant que soient maintenues de façon pérenne « la fabrication et la commercialisation en France de l’ancienne formule de cette spécialité » affaiblit les critiques concernant la mauvaise gestion de l’affaire. Les magistrats ont en effet d’une part estimé que compte tenu des stocks aujourd’hui disponibles (de l’ancienne formule) et des programmes prévus par Merck et les pouvoirs publics, rien ne paraissait justifier l’urgence invoquée par les patients. Par ailleurs, le « juge des référés du Conseil d’État juge qu’aucune carence caractérisée ne peut être reprochée à la ministre des solidarités de la santé » indique un communiqué de la haute juridiction administrative qui rappelle que depuis le début de la crise, différentes actions ont été mises en œuvre pour répondre aux besoins des patients et vérifier la composition du médicament.
Aurélie Haroche