Levothyrox : « La confiance est émoussée »
Isabelle, Christelle et Marie-Françoise se réjouissent du retour de l’ancienne version du médicament. Elles n’en restent pas moins sur leurs gardes.
C’est la décision qu’elles ne pensaient plus voir venir. Vendredi, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a annoncé le retour temporaire de l’ancienne version du Levothyrox. « Je vais pouvoir reprendre ma vie », se réjouit Isabelle Fomproix. « Ça me rassure », confie de son côté Christelle Doradoux.
Depuis qu’elles prennent la nouvelle version du médicament, la vie de ces habitantes de l’Indre tourne au ralenti. Insomnies : « Quand j’ai commencé, en juin, à 3 h du matin je ne dormais plus », se souvient Marie-Françoise Rual, sœur de Christelle. Vertiges, sautes d’humeur, courbatures : « Je me sens ankylosée », décrit Isabelle. Une extrême fatigue : « Le matin c’est comme si je n’avais pas dormi », constate Christelle. Rien dans leur quotidien n’avait changé. Si ce n’est la boîte de ce médicament qu’elles prennent chaque jour.
En mai, quand Isabelle renouvelle son Levothyrox, le pharmacien lui fait remarquer que l’emballage a changé. « Je me suis dit que ce n’était pas une mauvaise idée, depuis dix ans que je le prends, il n’avait jamais évolué », se souvient la trentenaire. Comme Christelle et Marie-Françoise, elle n’imagine pas que la composition a elle aussi été modifiée. A la demande de l’Agence du médicament (ANSM), le laboratoire Merck a remplacé l’excipient principal, le lactose, par du mannitol et de l’acide citrique. Ce qui doit permettre une meilleure conservation des comprimés.
« Abasourdie et furieuse »
Rapidement, Isabelle sent que quelque chose ne va pas. Elle consulte son généraliste, qui n’est pas au courant de la modification, pour comprendre ce qui lui arrive. « Je ne suis jamais autant allée chez le médecin en été », s’étonne-t-elle encore. Elle prend du calcium et des vitamines « pour me booster ». Rien ne marche. A aucun moment, elle ne soupçonne le Levothyrox. « Je suivais le même traitement depuis dix ans, je ne me suis pas posé la question. »
La vérité lui « saute aux yeux » quand des proches lui montrent des articles. « J’ai été abasourdie et furieuse quand j’ai compris qu’ils avaient agi sans nous le dire, et sans nous permettre de choisir entre les deux versions », témoigne Isabelle. De leur côté, Christelle et Marie-Françoise expriment elles aussi « de la colère ». L’impression d’avoir été « trahies » par le silence de l’ANSM et du laboratoire. Contrairement à Isabelle, les deux sœurs ne peuvent pas vivre sans Levothyrox. Leur thyroïde ne fonctionne plus. « Nous sommes piégées, obligées de prendre la nouvelle composition », déploraient-elles avant l’annonce de la ministre.
Alors, le retour provisoire de l’ancien Levothyrox, « c’est une première victoire ». Mais en quoi consisteront « les alternatives » évoquées par Agnès Buzyn ? « Il reste des inquiétudes pour l’avenir, reconnaît Isabelle. La confiance est émoussée, il y aura toujours un doute dans un coin de la tête. »
la phrase
« J’allais bien ; je suis désormais en danger dans mon travail. »
Paul est surveillant pénitentiaire. Sous traitement à base de Lévothyrox, il souffre du changement de molécule. « J’ai des coups de fatigue très difficiles à supporter et cela me pose bien évidemment problème. Je subis régulièrement des crises de tachycardie et des insomnies. Sur le moment, je n’ai pas pensé que cela pouvait venir de mon médicament. C’est uniquement quand j’ai entendu parler de la polémique que j’ai supposé que cela pouvait être à l’origine de mon malaise. J’ai fait faire des analyses afin de trouver le moyen d’atténuer tous ces effets secondaires. Mais il est clair que, me concernant, le retour à l’usage du Lévothyrox tel qu’il était proposé initialement serait idéal. »