Livre : le long combat des victimes de Tchernobyl
30 ans après l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, l’Association française des malades de la thyroïde publie une BD retraçant son long combat contre l’État français, qu’elle accuse de laxisme.
Couverture de la bande dessinée « Tchernobyl, le nuage sans fin ». © AFMT
26 avril 1986, 1 heure 23 minutes 40 secondes. La fusion du cœur du réacteur n°4 de la centrale ukrainienne de Tchernobyl déclenche une explosion libérant une quantité gigantesque d’éléments radioactifs dans l’atmosphère. Le nuage contaminé entame alors sa course folle dans le ciel européen. Des mesures de protection sont décrétées en urgence dans de nombreux pays, comme l’interdiction aux enfants de jouer à l’extérieur, la mise en garde contre l’exposition à la pluie, la destruction de milliers de tonnes de légumes frais, etc. « Sauf en France, où les autorités ne vont donner qu’une seule consigne : ne rien faire. Et les « experts » organiseront tambour battant l’omerta pour nier tout risque pour la santé des Français… », dénonce l’Association française des malades de la thyroïde dans une bande dessinée mise en vente à l’occasion des trente ans de la catastrophe.
Plus de 300 anonymes ont financé cette bande dessinée
À partir des centaines de pièces du dossier d’instruction de son procès perdu contre l’État français en 2011, ce livre retrace la manière dont les dirigeants ont minimisé les conséquences de Tchernobyl sur le territoire national, affirmant que les nuages (car il y en aurait eu au moins six) n’avaient pas traversé nos frontières. Les pièces du dossier, rassemblées par une juge d’instruction indépendante, peuvent être consultées en libre accès sur un site Internet dédié. Cet album a bénéficié de la contribution financière de plus de 300 donateurs, par le biais d’une cagnotte de près de 24.000 euros sur la plateforme de crowdfunding Ulule. La vidéo de présentation de la bande dessinée est accessible ci-dessous.
Des documents à charge
Tchernobyl a-t-il entraîné une hausse des maladies de la thyroïde en France ? Officiellement, non. Lors du procès intenté par l’Association française des malades de la thyroïde, la cour de cassation a estimé en 2012« qu’il n’a pas été constaté en France une augmentation significative des cancers de la thyroïde« et que, « en l’état des connaissances actuelles, il est impossible d’établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl ». L’Association française des malades de la thyroïde avance le contraire, en mettant en évidence dans l’une des 64 planches de la bande dessinée une pièce du dossier d’instruction : la courbe des ventes de Levothyrox (médicament prescrit en cas d’hypothyroïdie) en pharmacie depuis le début des années 1980, montrant une nette augmentation depuis 1986.
Une autre planche compare deux cartes de France : celle diffusée officiellement par l’État dans les années 1990 et ne démontrant aucune contamination notable dans nos frontières, et celle réalisée à partir de l’association et d’autres bénévoles à la même période, montrant le contraire. Des mesures qui convergent avec celles publiées en 2005 par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, faisant apparaître des valeurs jusqu’à 1.000 fois plus élevées en césium 137 qu’aux mêmes endroits, vingt ans plus tôt. Un élément radioactif qui imprègne toujours en 2016 arbres, sols, plantes et animaux du territoire français.
Par Lise Loumé le 26.04.2016 à 17h29, mis à jour le 26.04.2016 à 17h34