Scandale du Levothyrox : « Certains patients ont succombé à un AVC », cette nouvelle étude qui accuse le laboratoire
- Sylvie Chereau, victime toulousaine de la nouvelle formule du Levothyrox ; Gérard Bapt, ancien député de la Haute-Garonne ; Chantal L’Hoir, présidente de l’AFMT ; et le Dr Jacques Guillet qui participera à la conférence scientifique de ce samedi, à Bourret. ARCHIVES DDM – VALENTINE CHAPUIS
Santé, Bourret, Tarn-et-Garonne
Publié le 20/09/2024 à 16:57 , mis à jour le 21/09/2024 à 10:43
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l’essentielAprès une première intervention à Toulouse en avril 2024, l’association française des malades de la thyroïde (AFMT) organise, ce samedi 21 septembre 2024, une conférence scientifique sur une étude menée pendant 5 ans autour du Levothyrox. Rendez-vous à partir de 14 heures à Bourret, en Tarn-et-Garonne.
Ce samedi 21 septembre, l’association française des malades de la thyroïde (AFMT) organise une conférence scientifique ouverte à tous à Bourret, en Tarn-et-Garonne, pour dévoiler les résultats d’une vaste étude internationale sur le Levothyrox (lire ci-dessous). Chantal L’Hoir, présidente de l’AFMT, lanceuse d’alerte et victime de la nouvelle formule de ce médicament destiné aux malades de la thyroïde, esquisse les conclusions de ce travail d’objectivation qui s’est parfois assimilé à une « mission commando ».
En quoi le sujet de la conférence scientifique de ce samedi représente-t-il une avancée majeure ?
Depuis 2017, on estime à 3 millions de Français le nombre de malades de la nouvelle formule du Levothyrox et à ce jour, rien que dans notre association, 11 personnes sont décédées depuis 2017. Face à ce constat et sans vouloir se vanter, l’AFMT a impulsé une première mondiale. On a ainsi récolté 1 000 boîtes de Levothyrox, recensé plus de 3 600 plaintes, le nombre de personnes décédées, hospitalisées pour mener un travail de saisie et de statistique que l’on a d’abord transmis à des scientifiques américains. Ces derniers nous ont répondu que ce n’était pas possible, que les résultats étaient tout à fait anormaux. Un laboratoire de Montréal a ensuite pris la main et quand ils ont eu connaissance des conclusions, ils ont paniqué. Avec l’aide de Gérard Bapt [cardiologue, ancien maire et député de Haute-Garonne], l’association a donc financé de nouvelles analyses et des scientifiques toulousains ont à nouveau confirmé les premiers résultats jugés très inquiétants. Ce fut une véritable mission commando.
Que révèlent ces fameux résultats ?
Nous avons eu la chance de recevoir le concours d’un laboratoire universitaire en Tchéquie, le mieux équipé d’Europe qui avait d’ailleurs reçu le prix Nobel. Pendant 5 ans, ils ont étudié la composition de milliers de boîtes de Levothyrox ainsi que de cinq autres produits à base de lévothyroxine et ils ont fait une découverte incroyable menant à une publication dans la prestigieuse revue Elsevier*. Les scientifiques ont ainsi analysé du Levothyrox daté de 2015 et donc, périmé. En 2020, ils ont constaté que les comprimés qui contenaient encore plus de 95 % de principes actifs. Or, l’entreprise Merck avait justifié le choix de changement de formule en assurant que le Levothyrox perdait de son efficacité. Mais en réalité, Merck perdait surtout la patente du Levothyrox en 2020 et ce produit, dont il avait le monopole jusque-là, aurait dû devenir accessible à tous les laboratoires. Donc ils ont changé les excipients en remplaçant notamment le lactose par de l’acide citrique et du mannitol sans aucune communication. La seule raison de ce changement de formule est économique.
Où en est le volet judiciaire ?
Il faut faire attention à ne pas trahir le secret de l’instruction mais on sait au moins qu’ils [le laboratoire Merck] étaient informés que la nouvelle formule ne fonctionnait pas. Un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM] mentionne 12 changements de formule entre 2017 et juin 2018 !
Quelles ont été les conséquences sur votre santé ?
Beaucoup de personnes ont vu leur TSH [la thyréostimuline étant une hormone qui stimule la thyroïde] exploser avec des taux jusqu’à 700 ! Ce qui équivaut à être au bord du coma… Mais dans de nombreux services d’urgences, les équipes médicales n’ont pas saisi le problème. De nombreux patients ont ainsi succombé à un AVC pendant la nuit. Pour d’autres, comme moi, on a cru à un problème de foie. J’étais jaune canari et ils ont d’abord soupçonné un cancer du foie puis une pancréatite. Ça n’allait pas du tout et en 2018, j’ai dû être hospitalisée 15 jours.
Quelles sont vos revendications aujourd’hui ?
Nous demandons que l’ancienne formule du Levothyrox soit produite en France. Grâce à une « fleur » de l’ancienne ministre Agnès Buzin, cinq traitements alternatifs ont pu être proposés mais seuls deux étaient remboursés. Or, l’Ethyrox, basé sur l’ancienne formule, est produit en Allemagne et vendu en Argentine jusqu’en 2025 seulement. On souhaite donc que la production soit relocalisée en France, comme il y a 10 ans dans le Loiret. Ils savent faire.
* Merck conteste notamment la méthodologie de cette étude franco-tchèque et les conditions de conservation des lots analysés. « Depuis 2017, la nouvelle formule du Levothyrox a été approuvée par les autorités de santé d’une centaine de pays », souligne le laboratoire.
Intervention d’un chercheur du CNRS contesté
Après l’assemblée générale prévue à 9 h 30, la conférence scientifique est programmée à partir de 14 heures dans la salle attenante à la mairie de Bourret, commune où l’association française des malades de la thyroïde (AFMT) a été fondée en 1999. L’AFMT a convié le Dr Jacques Guillet, pédiatre agenais qui est également physicien nucléaire, biologiste et vice-président de la Ligue contre le cancer.
Par ailleurs, le Dr Philippe Sopena, qui fut vice-président de la fédération des généralistes de France, explicitera notamment pourquoi beaucoup de ses confrères n’ont pas réussi à prendre la mesure du problème des patients qui souffraient de la nouvelle formule. « D’un site de production à l’autre, la composition des cachets n’était pas la même », glisse Chantal L’Hoir.
Enfin, le chercheur toulousain Jean-Christophe Garrigues évoquera ses travaux qui ont suscité une certaine polémique en 2018. En effet, l’ingénieur de recherche avait décelé un « pic d’impureté » dans le nouveau Levothyrox susceptible d’engendrer les effets indésirables dénoncés par des centaines de milliers de personnes (fatigue, céphalées, insomnie, vertiges, dépression, douleurs articulaires et musculaires, alopécie).
Au moment de divulguer ses résultats, Jean-Christophe Garrigues avait été désavoué par son employeur, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), suite à une remise en question sa méthodologie de travail. Tout en reconnaissant que les questions soulevées par le chercheur toulousain méritaient d’être « élucidées » par les laboratoires compétents. « L’étude de Jean-Christophe Garrigues a été publiée dans la revue Elzevier et reconnue par ses pairs », insiste Chantal L’Hoir.
Pour Merck, les impuretés détectées par l’ingénieur n’ont jamais remis en cause la qualité de son produit. Ce que confirme l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui avait mené des analyses entre 2017 et 2018, assure-t-elle.
Plus de renseignements : www.afmthyroide.fr