« Les phtalates auraient des effets néfastes sur deux générations »
Date de publication : 18 avril 2023
Camille Paschal se penche dans Le Figaro sur les phtalates : « Ces perturbateurs endocriniens sont pour la plupart classés comme «substances toxiques pour la reproduction», soupçonnés de provoquer des fausses couches, des naissances prématurées et corrélés avec l’obésité infantile, la puberté précoce ou le déséquilibre thyroïdien ».
La journaliste rappelle que « si l’exposition des mères a été longuement analysée, peu a été fait sur celle des pères. Elle ne serait pas anodine et pourrait même agir sur plusieurs générations, selon des travaux menés à l’université de Californie sur le DCHP (phtalate de dicyclohexyle), utilisé dans les polymères et les résines ».
Camille Paschal explique ainsi que les chercheurs « ont nourri des souris mâles pendant 4 semaines avec du DCHP avant de les faire s’accoupler avec des femelles non exposées, puis observé leur descendance ».
« L’exposition paternelle au DCHP a entraîné une résistance exacerbée à l’insuline, liée au diabète, et une altération de la signalisation de l’insuline chez la première génération. De plus, le DCHP a provoqué une intolérance au glucose chez les femelles de la deuxième génération », souligne la journaliste.
Changcheng Zhou, premier auteur de ce travail, précise que « l’exposition au DCHP peut altérer les petits ARN [non codants] dans le sperme ».
Camille Paschal relève ainsi qu’« ils perturbent l’expression et/ou les fonctions d’autres ARN, les ARN messagers. Et pourraient ainsi modifier l’expression des gènes ».
Le Pr Robert Barouki, biochimiste à l’Inserm, observe que « le DCHP a un effet transgénérationnel : il impacte la deuxième génération sans qu’elle ne soit elle-même directement exposée. Pour l’heure, on ne sait pas comment la mémoire de l’exposition initiale peut se transmettre de génération en génération. Peut-être que les petits ARN modifiés suite à l’exposition au DCHP vont avoir des conséquences qui persistent dans la constitution des spermatozoïdes de la descendance ».
La journaliste note toutefois que « si les chercheurs tentent de prouver la même chose chez l’homme, il reste encore beaucoup à faire ».
Francesca Romana Mancini, du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, remarque que « l’impact des phtalates sur la santé est avéré, il faut maintenant caractériser les différents types d’effets », indiquant que « les phtalates se dégradent en quelques heures dans l’organisme ».
La chercheuse souligne cependant que « l’impact d’une interdiction d’usage pourrait être rapide : l’arrêt de la production mettrait fin à l’exposition de la population aux phtalates. Je pense qu’on a assez de données scientifiques pour que les autorités proscrivent ces substances ».
Camille Paschal remarque que « l’interdiction est (…) en bonne voie. En avril dernier, la Commission européenne a publié une feuille de route afin d’éliminer, d’ici à 2030, des milliers de substances chimiques nocives, dont les phtalates. Dans le cadre de cette stratégie, les substances ne seront plus étudiées au cas par cas (…), mais par familles. Ce qui devrait permettre d’accélérer les processus de contrôle ».