Mediator : les avocats de la défense de Servier demandent « l’impartialité » du tribunal
Après plus de sept mois d’audience, le procès fleuve a pris fin ce lundi. Les avocats de la défense des laboratoires tout en disant « avoir entendu » les victimes ont plaidé la relaxe. Ils ont demandé aux juges de « l’impartialité » et d’aller au-delà des « accusations injustes » opposées à « la réalité du dossier ». Le jugement a été mis en délibéré au 29 mars 2021
Publié le 6 juil. 2020 à 18:34Mis à jour le 7 juil. 2020 à 9:17
Ainsi se clôt plus de sept mois d’audience, avec toujours la même question lancinante : « la vraie question, la seule, comment cela a-t-il été possible ? Comment ce qui apparaît comme une telle erreur, comme une faute inexplicable, inexcusable, a-t-elle été possible ? », s’est interrogé Hervé Temime, le dernier avocat des laboratoires Servier à plaider. Au dernier jour, ce lundi, du procès-fleuve du scandale sanitaire du Mediator à Paris, la défense des laboratoires Servier a tenté, une ultime fois, de démontrer l’absence de toute faute pénale.
Cela fait une semaine que les avocats des prévenus s’emploient à lisser l’image entre déni, mensonge, manipulation et appât du gain que l’audience aurait dessiné des laboratoires Servier et de son créateur Jacques Servier, décédé en 2014. Conscient du poids des témoignages des victimes, venues à la barre témoigner de leur vie à bout de souffle après avoir pris du Mediator, les avocats ont dit les « comprendre » et les « avoir entendu ».
« Les salopards contre les bons »
Mis sur le marché en 1976 comme adjuvant au traitement du diabète, mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a été prescrit à environ 5 millions de personnes pendant les trente-trois ans de sa commercialisation jusqu’à son retrait en novembre 2009. Il est tenu pour responsable de centaines de décès.
« Votre émotion, nous l’avons entendue », avait assuré Christian Saint-Palais, l’avocat de Jean-Philippe Seta, ex-numéro deux du groupe pharmaceutique. « Contester la responsabilité des prévenus ne minore en rien les souffrances exposées à la barre », avait-il prévenu. Et à l’adresse du tribunal : « il est temps de dire ce que le droit peut permettre et ce qu’il interdit ».
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C’est donc en droit que les avocats du groupe Servier ont plaidé. Mettant en cause « le traitement incroyable » de cette affaire. « Nous attendons de la justice de l’impartialité », a demandé Hervé Temime, plaidant l’absence de faute pénale. « Nous ne sommes pas les uns contre les autres, les salopards contre les bons. Il y a l’application de la loi. Et nous vous demandons avec confiance de rendre une décision qui respecte le droit ».
Postulat erroné
Habile, tout en affirmant « devoir des excuses » aux victimes au nom des laboratoires Servier, il tacle la stratégie et la communication de leurs conseils. Et pointe un groupe qui s’il « fait 5 % de vente en France, a toute sa production en France ; son implication en France est déterminante ». Pour lui, l’accusation d’escroquerie serait partie d’un « postulat totalement erroné : l’obtention initiale d’une mise sur le marché induirait une escroquerie au médicament », a-t-il affirmé plaidant la relaxe. Il n’y a pas de manoeuvre frauduleuse de la part de Jacques Servier et de son groupe.
Avant lui, François de Castro avait dénoncé, dans une très longue plaidoirie de plus cinq heures, les « accusations injustes » opposées à « la réalité du dossier ». Pour l’avocat, l’Agence du médicament n’aurait pas assuré convenablement son rôle de surveillance. Il a taclé leur « système de défense qui est plutôt un système de défausse » sur Servier. L’agence avait « les données essentielles en mains, au plus tard en 1999 », a insisté l’avocat qui dit ne relever cependant aucune faute pénale dans le comportement de l’Agence. Cette dernière a admis une « part de responsabilité » dans ce « drame », l’un des pires scandales sanitaires français et ne sollicite pas de relaxe totale.
10 millions d’euros d’amendes requis
Le 23 juin, le parquet a appelé à sanctionner le « choix cynique » du groupe Servier qui a privilégié « ses intérêts financiers » à la santé des consommateurs, malgré « les risques (qu’il) e ne pouvait ignorer » et qu’il a « délibérément » dissimulés ». Un total de plus de 10 millions d’euros d’amendes a été requis contre six sociétés du groupe, jugées notamment pour « tromperie aggravée », « escroquerie » et « homicides et blessures involontaires ».
Le tribunal « va devoir mettre son émotion de côté » dans la rédaction de son jugement, le fil conducteur sera le « seul respect du droit et de la procédure », a conclu la présidente. « Il faudra répondre aux très nombreuses questions juridiques qui se posent » et examiner ensuite le cas des « 6.793 victimes ». Le tribunal « rendra sa décision le lundi 29 mars 2021. »