Une alimentation bio permet une baisse significative du stress oxydatif

Stéphane Foucart

Des travaux associent pour la première fois l’alimentation bio avec une réduction significative de ce phénomène impliqué dans différentes pathologies chroniques, en particulier certains cancers, maladies neurodégénératives, ou encore le diabète.

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Des légumes bio sont en vente dans un magasin de Saintes, le 23 octobre 2018.

En octobre 2018, des chercheurs français publiaient la première étude épidémiologique suggérant un risque diminué de certains cancers chez les consommateurs d’aliments issus de l’agriculture biologique. Trois ans plus tard, une équipe de scientifiques chypriotes est parvenue à mettre en évidence, au niveau moléculaire, un effet biologique susceptible d’expliquer ces résultats.

Leurs travaux, publiés dans l’édition de janvier de la revue Environment International, associent pour la première fois l’alimentation bio avec une réduction significative des marqueurs de stress oxydatif – un phénomène impliqué dans différentes pathologies chroniques, en particulier certains cancers, maladies neurodégénératives, ou encore le diabète. Pour les auteurs de ces travaux, cet effet est le plus probablement lié à la présence de résidus de pesticides de synthèse dans l’alimentation conventionnelle.

Approche métabolomique

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs de l’Institut pour l’environnement et la santé publique de l’université technique de Chypre ont enrôlé 191 enfants de plusieurs écoles primaires de la grande île méditerranéenne. Les enfants du premier groupe ont mangé exclusivement bio pendant quarante jours, avant de revenir à leur régime habituel, tandis qu’un second groupe a alterné les deux régimes dans l’ordre inverse.

Des centaines d’échantillons d’urine ont été collectées tout au long de l’expérience. Les auteurs ont ensuite procédé à une analyse dite métabolomique de ces échantillons. Cette méthode analytique consiste à relever la présence de dizaines de petites molécules (ou métabolites) qui sont le reflet du fonctionnement de l’organisme, c’est-à-dire la manière dont celui-ci utilise les nutriments, les graisses, les sucres, etc., et dont il réagit aux différents stress auxquels il est soumis. Certains métabolites sont ainsi caractéristiques d’une réaction de l’organisme à des substances capables d’altérer l’ADN.

« Ce que nous observons dans les deux groupes d’enfants est que le régime bio est associé à une réduction des marqueurs de dommages oxydatifs, fortement corrélée à une augmentation des marqueurs d’exposition aux pesticides, explique le professeur Konstantinos Makris, spécialiste de santé environnementale et coordinateur de ces travaux. On constate aussi que cet effet se renforce au cours de la période où les enfants s’alimentent en bio, pour devenir significatif au bout d’environ quarante jours. »Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’alimentation bio réduit significativement les risques de cancer

Coautrice de travaux récents ayant montré une association entre l’alimentation bio et un risque moindre de certains cancers ou encore de diabète, Emmanuelle Kesse-Guyot, chercheuse dans l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm, Inrae, université Paris-XIII), juge l’étude et l’analyse « de haut niveau »« Leur échantillon est petit, mais le schéma de l’étude est très précis donc ils détectent beaucoup de choses », ajoute la chercheuse.

Ces résultats, commente de son côté Denis Lairon, chercheur émérite à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et auteur de nombreux travaux sur les liens entre nutrition, santé et environnement, suggèrent que « les réductions des marqueurs de l’inflammation et du stress oxydant sont originales et suggèrent en effet des modifications métaboliques ». M. Lairon juge toutefois que les résultats obtenus grâce à l’approche métabolomique « sont un peu difficiles à interpréter pour ce qui est des relations entre les changements métaboliques et les impacts sur la santé ».

Importance de l’hygiène de vie

« La réalisation d’études interventionnelles comme celle-ci est très importante », juge le toxicologue Robin Mesnage (Clinic Buchinger Wilhelmi-King’s College de Londres) et spécialiste de métabolomique. En effet, ajoute-t-il, les études épidémiologiques ne suffisent pas à elles seules à parvenir à la certitude d’un effet sanitaire bénéfique intrinsèque de l’alimentation biologique : « Il est clair depuis longtemps que les personnes qui mangent bio sont en meilleure santé que celles qui mangent de la nourriture non bio, et on sait aussi que c’est souvent parce que ces personnes ont une meilleure hygiène de vie. » Même si les études épidémiologiques utilisent généralement des techniques d’analyse pour corriger des effets de ces bi ais, il ne peut être certain que ceux-ci soient intégralement pris en compte.Lire aussi Article réservé à nos abonnés Manger plus sainement peut permettre de gagner plus de 10 ans d’espérance de vie

En l’espèce, M. Mesnage confirme que les travaux de M. Makris et de ses coauteurs « suggèrent clairement que la nourriture bio donnée dans cette étude est plus saine ». Mais, ajoute le toxicologue, le protocole mis en œuvre « ne permet pas de savoir si les effets mesurés viennent d’une diminution de l’exposition aux pesticides ou de différences de qualité nutritionnelles, ou même peut être de changements de comportements alimentaires ».

Les chercheurs chypriotes reconnaissent que le régime bio administré aux enfants contenait légèrement plus de fruits et légumes que le régime conventionnel, mais ils estiment que cette différence ne peut expliquer la majeure part de l’effet relevé dans leur étude. « Nous avons testé cette hypothèse en consultant les essais contrôlés randomisés disponibles dans la littérature scientifique, cherchant les effets d’une consommation systématique de fruits et légumes, explique M. Makris. Or, en particulier sur une période aussi courte que quarante jours, ces essais ne montrent pas de baisse de plusieurs des marqueurs de stress oxydatif qui sont diminués par l’alimentation bio. Nous attribuons donc plutôt l’effet bénéfique global de celle-ci à la quantité moindre de r&eacu te;sidus de pesticides. »

Stéphane Foucart–

Sophie PELLETIER

Présidente de  PRIARTEM / Electrosensibles de FranceAssociation nationale reconnue d’intérêt général, agréée usagers du système de santé (arrêté du 31 octobre 2017)et protection de l’environnement

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