Procès Mediator : « un ratage, un échec », l’Agence du médicament fait son mea culpa
PUBLIÉ LE 30/01/2020
Crédit photo : S. Toubon
« Un ratage. » En ne suspendant pas dès « 1999 » la commercialisation de ce coupe-faim, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), jugée à Paris aux côtés des laboratoires Servier dans l’affaire du Mediator, a assumé mercredi « sa part de responsabilité » dans ce « drame » sanitaire.
À la barre devant le tribunal correctionnel, Dominique Martin, représentant l’ANSM (ex-AFSSAPS) au procès, reconnaît lui-même « les limites de (son) intervention ». Pour ce haut fonctionnaire, l’Agence du médicament a commis « une négligence, c’est une évidence ». Il refuse de parler de « faute », évoque « un ratage, un échec ». Comme l’avait déjà dit à l’ouverture de ce procès-fleuve, il y a plus de quatre mois, l’Agence du médicament – qui comparaît en tant que personne morale pour « homicides et blessures involontaires » par « négligence »entre 1995 et 2009 – ne sollicitera pas la relaxe.
« L’Agence, pour bien fonctionner, pour continuer sa mission de protection des patients, se doit de reconnaître sa part de responsabilité dans le drame », explique Dominique Martin. Elle « était en capacité de reconstituer l’histoire du Mediator et prendre la décision qui s’imposait : la suspension » car ce médicament était « bien un anorexigène », appuie le patron de l’ANSM, déplorant l’absence « d’analyse critique » malgré ces « signaux ».
« Du bon sens médical »
L’AFSSAPS, alors en pleine « réorganisation », n’était pourtant pas « en faillite générale », souligne-t-il. L’Agence avait décidé de retirer du marché, en 1997, deux anorexigènes du groupe Servier, l’Isoméride et le Ponderal. Le Mediator, du fait de similitudes chimiques avec ces derniers, était sous enquête.
« Ce qui a manqué le plus dans cette affaire, c’est du bon sens médical, c’est-à-dire tourné vers le patient », juge encore Dominique Martin.
Est-ce à dire que les autorités sanitaires étaient alors « sous l’influence » des industriels en général, et de Servier en particulier ? lui demandent les parties civiles. « Non, mais on n’était pas complètement à la place qui devait être la nôtre », répond le patron de l’ANSM, pour qui les relations sont aujourd’hui « plus équilibrées », les industriels ayant été notamment exclus de toutes les instances de décision.
Tenu pour responsable de centaines de morts, le Mediator a été retiré du marché le 30 novembre 2009, après trente-trois ans de commercialisation. En raison des « dysfonctionnements » ayant mené à ce scandale sanitaire, l’AFSSAPS a été remplacée en 2012 par l’ANSM. Avec AFP