Médicaments : priorité aux intérêts économiques ?
Le 10 juillet 2018 s’est tenu le Conseil stratégique des industries de santé (Csis). Malgré la mise en garde de la société civile, les firmes pharmaceutiques en sortent privilégiées.
Le 20 juin dernier, des acteurs majeurs de la société civile, tels que les associations Médecins du monde, ou encore La Ligue nationale contre le cancer, présentaient un Livre blanc. Celui-ci dénonce l’augmentation des prix des médicaments dits « innovants ». Des tarifs qui sont injustifiés même pour la Cour des comptes.
Le Csis était un rendez-vous phare pour l’avenir de notre système de santé et de l’accessibilité aux progrès thérapeutiques. Le gouvernement, dans sa logique libérale, semble favoriser le marché au profit des industriels des médicaments. Dans un communiqué, la société civile fait le bilan.
Attractivité et santé : des intérêts distincts
Le premier ministre, Edouard Philippe a annoncé des mesures visant à accélérer l’accès aux nouveaux médicaments, en particulier pour les personnes malades sans traitement ou en « échec thérapeutique ». La France bénéficie déjà d’un système d’accès précoce, celui-ci sera donc renforcé, a décidé le gouvernement. Le protocole d’évaluation des médicaments va donc être réformé.
Mais les membres de la société civile soulignent que cette mesure ne doit pas se faire aux dépens de cette évaluation qui, selon les industriels, est le premier frein à la mise sur le marché. Dans les faits, les retards sont davantage dus à la durée de la négociation des prix. De plus, l’exemple des traitements contre la maladie d’Alzheimer, ou encore le scandale sanitaire du Mediator, montrent que l’évaluation des médicaments doit être améliorée.
Par ailleurs, les délais avant l’autorisation d’essais cliniques vont, eux aussi, être revus à la baisse. En effet, ces derniers sont considérés comme étant défavorables à l’attractivité de la recherche clinique en France. Les auteurs du Livre blanc sont inquiets quant au respect de l’éthique.
Des contribuables au service des industries ?
Si le prix des nouveaux médicaments ne cesse d’augmenter, ce n’est pas l’Etat qui tente de l’empêcher. En effet, celui-ci s’est engagé à permettre l’augmentation du chiffre d’affaire des firmes réalisé sur les médicaments remboursables par la sécurité sociale. Pour ça, « un plancher minimal de croissance annuelle » va être mis en place, selon Matignon.
En clair, l’intérêt économique des industriels de santé passe avant une juste allocation des cotisations sociales et des impôts. De plus, rien n’a été engagé pour rendre plus transparent les coûts des médicaments, indique le communiqué.
Pénurie de médicaments passée sous silence
Alors que le pays fait face à de nombreuses ruptures de stock, notamment sur des médicaments à grand intérêt thérapeutique, cette question n’a pas été évoquée.
L’Etat envisage-t-il, par ces annonces, de résoudre en partie ce problème ? En effet, des marges trop faibles pour les industriels sur des médicaments mis sur le marché il y a longtemps, et une autorisation de mise sur le marché (Amm) longue et compliquée, seraient les causes de cette pénurie. Rien n’est moins sûr. A l’évidence le rapport de force reste toujours bel et bien en faveur des firmes pharmaceutiques, et semble se renforcer…
Anastasia Chauchard