Levothyrox : « Je ne sais plus où j’en suis »

 Ce n'est qu'après le 1er octobre et son prochain examen sanguin que Geneviève en saura plus. - Ce n'est qu'après le 1er octobre et son prochain examen sanguin que Geneviève en saura plus.Ce n'est qu'après le 1er octobre et son prochain examen sanguin que Geneviève en saura plus.

Ce n’est qu’après le 1er octobre et son prochain examen sanguin que Geneviève en saura plus.

Victime des effets secondaires du médicament, une Poitevine témoigne de sa colère et de ses inquiétudes après les dernières annonces ministérielles.

Parce que réservée et discrète, Geneviève M… souhaite garder l’anonymat. Cette retraitée qui réside dans une petite commune proche de Poitiers n’aime pas faire de vagues. Elle partage son temps entre l’entretien de son tout petit jardin agrémenté d’une foule de plantes, les promenades et les concours de belote chaque semaine ou presque.

Elle n’a vraiment pas le profil d’une habituée des coups de gueule. Mais la semaine dernière, à la lecture dans ces mêmes colonnes, des explications de la ministre de la Santé sur les conséquences du Levothyrox nouvelle génération (voir notre édition du 12 septembre), elle a explosé.

« Ce qui m’a fait bondir, c’est qu’elle affirme que les effets secondaires du médicament s’estompent quand on arrive à bien doser le traitement… Mais vous savez le temps qu’il faut pour parvenir au bon dosage ? »

« Pourquoi avoir changé ce qui fonctionnait »

Cette sexagénaire, elle, ne le sait que trop bien. Souffrant de la maladie de Basedow, une forme d’hyperthyroïdie très fréquente, elle a subi une ablation de la thyroïde, il y a neuf ans. « Et comme pour beaucoup de personnes souffrant d’une maladie de la thyroïde, je suis sous Lévothyrox. Et il n’a pas été simple de trouver le bon dosage de ce médicament pour équilibrer mon taux de TSH (1)  Il a fallu plusieurs années, avec des hauts et des bas, mais on y est arrivé. »

Jusqu’en juin dernier, elle prenait l’ancienne version du Levothyrox dosée à 150 microgrammes du laboratoire Merck et menait, explique-t-elle, une vie tout à fait normale. « Et puis, j’ai pris la nouvelle version, dosée elle aussi à 150 mg, et là tout a changé. J’ai commencé à ressentir une grande fatigue, des douleurs articulaires, des maux de tête, des vertiges… J’en ai parlé à mon médecin qui a mis ça sur le compte des quelques jours de canicule que nous avons eus. Mais je sentais bien que c’était autre chose. »

Un bilan sanguin effectué le 30 août lui donne raison. « Mon taux de TSH avait beaucoup chuté. J’étais passée de 2,07 mUI/l en janvier de cette année à 0,49 mUI/l, c’est-à-dire à la limite inférieure de référence. Je faisais à nouveau de l’hyperthyroïdie. Mon médecin a revu le dosage du nouveau Levothyrox à la baisse. Je suis passée à 137,5 mg mais ça n’a pas marché. » Deux jours après avoir débuté le nouveau traitement, la sexagénaire fait un malaise.

« C’était le dimanche 3 septembre à l’occasion d’une réunion de famille. J’ai ressenti des vertiges, tout s’est troublé, ma vue, j’ai eu l’impression de mourir Toute la semaine dernière, je l’ai passée au lit, j’étais extrêmement fatiguée. Si aujourd’hui, je me sens un peu mieux, j’ai toujours des vertiges. Je redoute de prendre ma voiture… »

 Pour la retraitée qui attend de passer un nouvel examen sanguin le 1er octobre, la décision de mettre sur le marché cette nouvelle version est incompréhensible. « Pourquoi avoir changé ce qui fonctionnait ? Pourquoi modifier ce médicament qui soulageait des millions de personnes, surtout sans avertir les gens, c’est ça aussi ! On doit s’y habituer, mais moi aujourd’hui, j’ai l’impression de retourner huit ans en arrière, de devoir tout recommencer. » 

Inquiétude autour des génériques

L’annonce faite vendredi dernier par la ministre de la Santé de la remise temporaire sur le marché, d’ici quinze jours, de l’ancienne formule (voir par ailleurs), n’a pas apaisé ses craintes, loin de là. « On nous a bien pris pour des cobayes. Et aujourd’hui, je ne sais plus où j’en suis avec tous ces revirements. Je voulais qu’on retourne à l’ancienne formule mais si c’est temporaire, ça ne m’intéresse pas. Et surtout, la ministre a parlé de nouvelles spécialités qui seront prescrites… Qu’est-ce que c’est que ces nouveaux produits. Est-ce qu’il y aura des génériques là-dedans ? Je trouve ça très inquiétant. »

(1) La TSH ou thyréostimuline est une hormone sécrétée dans le sang par l’hypophyse qui régule la production d’hormones thyroïdiennes. Le dosage sanguin de la TSH est utilisé pour la surveillance des traitements de la thyroïde.

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Chronologie d’une crise

C’est en 2012 que la HAS sollicite le fabriquant, le laboratoire allemand Merck, afin qu’il modifie le Levothyrox pour le rendre plus stable. Dans la nouvelle formule disponible depuis mars dernier, seuls les excipients diffèrent. Le mannitol remplace le lactose et de l’acide citrique anhydre a été ajoutée. Quelques semaines après sa mise sur le marché, les premiers effets secondaires sont signalés. Bientôt le ministère fait état de 9.000 signalements. Le 26 juin, une pétition en ligne contre le nouveau Lévothyrox est lancée. A ce jour, elle a recueilli plus de 280.000 signatures. C’est au début du mois que tout s’accélère. Les malades montent au créneau. Le 8 septembre, à l’appel de l’AFMT, ils sont une centaine à manifester devant l’Assemblée nationale réclamant la remise sur le marché de l’ancienne version. Ce même jour, la ministre de la Santé Agnès Buzyn reçoit les associations de malades. Elle reconnaît alors « un défaut d’information et d’accompagnement », elle insiste sur la qualité du nouveau médicament et évoque l’aspect « transitoire » des effets secondaires. Mais la colère ne faiblit pas. Ce 15 septembre, la justice se saisit de l’affaire et ce même jour la ministre annonce le retour « transitoire » de l’ancienne formule et la mise sur le marché d’ici un mois de nouvelles spécialités… Une décision qui suscite une grande méfiance.

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L’AFMT veut des garanties

L’annonce faite, vendredi, par Agnès Buzyn, n’a pas totalement convaincu l’AFMT (association française des malades de la thyroïde) qui tenait ce samedi 16 septembre, à Bordeaux, son assemblée générale. Si la remise sur le marché – le 30 septembre ou le 1er octobre grâce à des stocks européens – de l’ancienne formulation du laboratoire Merck, « est un premier pas » a estimé Chantal L’Hoir, présidente fondatrice de l’association, son caractère temporaire suscite de nombreuses interrogations. La ministre a en effet annoncé que de nouvelles spécialités de levothyroxine arriveront d’ici à un mois sur le marché français. Selon Agnès Buzyn, elles devraient permettre « de répondre aux besoins des patients présentant des effets indésirables persistants en lien avec la nouvelle formulation ».
Pour autant, Chantal L’Hoir qui voit dans cette diversification de l’offre « un engagement ministériel de mettre fin au monopole du laboratoire Merck », la question est d’obtenir des garanties. « Nous voulons être sûrs de trouver dans ces nouvelles spécialités l’ancienne formule du Lévothyrox » insiste la responsable associative qui milite également pour une augmentation de la production du L-Thyroxine, la version liquide du Levothyrox ancienne formule, produite par le laboratoire Serb.

 

 18/09/2017 05:46 – la Nouvelle République
Sylvaine Hausseguy

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