La Commission européenne a renoncé pour la troisième fois, mardi 28 février, àsoumettre au Parlement son projet de régulation des perturbateurs endocriniens, faute de disposer d’une majorité pour soutenir son texte. Ces substances chimiques, omniprésentes dans l’environnement humain, représentent un enjeu sanitaire majeur pour les années à venir, mais restent mal connues du grand public.
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Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
Un perturbateur endocrinien (PE) est un agent chimique capable d’interférer dans le système hormonal d’un organisme. Pour rappel, les hormones sont des molécules messagères secrétées dans le sang par des glandes spécialisées pour réguler à distance le comportement de certains organes ou tissus. Elles régulent de très nombreux comportements et mécanismes de notre corps, tels que la croissance et la puberté, la température corporelle, le métabolisme de graisses, la faim ou la satiété, le sommeil, la libido, le niveau d’insuline, le rythme cardiaque, etc.
- Les « glandes endocrines »
Les hormones sont sécrétées par des glandes dites « endocrines » (littéralement « qui sécrètent à l’intérieur », contrairement aux glandes « exocrines » qui sécrètent des molécules destinées à être expulsées de l’organisme). Elles sont diffusées par le système sanguin jusqu’aux organes cibles auxquelles elles « s’accrochent » grâce à un système de récepteurs uniques à chaque organe et pour lesquelles elles sont conçues. Et c’est précisément sur ce système de récepteurs que les perturbateurs endocriniens agissent en se fixant sur les organes à la place des hormones, qu’ils sont capables d’« imiter » parce qu’ils ont certaines propriétés chimiques semblables.
Un perturbateur endocrinien qui se fixe sur le récepteur hormonal d’un organe ou d’un tissu peut alors créer un stimulus et modifier le comportement de celui-ci, même lorsque aucune hormone n’a été sécrétée. Les perturbateurs peuvent aussibloquer l’action des hormones en se fixant en grand nombre sur les récepteurs que ces dernières doivent utiliser.
Où trouve-t-on les perturbateurs endocriniens ?
Parmi les perturbateurs endocriniens, on trouve des substances produites intentionnellement pour leur effet hormonal (contraception, traitement de la stérilité, etc.). Après leur prise, ces hormones naturelles ou de synthèse sont rejetées en partie dans l’urine et la matière fécale. Ces rejets entraînent un risque indirect :« Ils persistent dans l’environnement de longues années et peuvent être transférés d’un compartiment de l’environnement à l’autre (sols, eau, air, etc.) de longues années après qu’ils ont été produits », note l’Inserm.
- Bisphénol A
On trouve également, parmi les perturbateurs, des substances dont le but premier n’est pas de produire un effet sur le système endocrinien, à l’image du bisphénol A. Ce dernier est présent dans beaucoup de produits du quotidien – emballages alimentaires plastifiés, mais aussi lunettes, certains composites dentaires, tickets thermiques des caisses enregistreuses ou revêtement internedes boîtes de conserve ; il est également présent dans certains cosmétiques, qui comportent par ailleurs d’autres perturbateurs, comme des parabènes ou des phtalates.
- Certains pesticides
Certains pesticides comportent des composés dits « organochlorés »(littéralement, qui comportent au moins un atome de chlore) comme le chlordécone ou le DDT. Malgré l’interdiction de ces produits en France(respectivement en 1993 et en 1971), ils sont toujours à l’origine de cancers et de maladies endocriniennes aujourd’hui.
- Matières imperméabilisantes
Des perturbateurs endocriniens, les composés perfluorés, sont aussi contenus dans les matières imperméabilisantes comme dans les textiles antitaches et dans certains emballages alimentaires cartonnés ou plastifiés. Ils peuvent être à l’origine de cancers de la prostate ou de stérilité.
Enfin, pour rendre certains produits moins inflammables, comme les plastiques, les textiles (rideaux, tapis, etc.) ou les équipements électriques, des « composés polybromés » sont ajoutés. Ils peuvent avoir des effets au niveau des fonctions hépatiques, thyroïdiennes et œstrogéniques.
Plus rares, certains perturbateurs endocriniens sont produits naturellement en petites quantités par des plantes, comme les phyto-oestrogènes (germe de luzerne, soja, froment, etc.).
- Dans les fonds marins
Les êtres humains ne sont pas les seuls à être contaminés puisque l’on retrouve régulièrement des traces de ces perturbateurs dues aux activités humaines dans des milieux naturels que l’on pensait jusqu’ici préservés, comme les forêts primaires ou les fonds marins profonds, dans lesquels ont été retrouvées des traces importantes de certains perturbateurs endocriniens (les PCB et les PDBE).
En 2013, un rapport commun de l’OMS et du PNUE indiquait que près de 800 produits chimiques sont connus ou soupçonnés d’interférer avec le système hormonal humain. Seule une faible proportion de ces produits a subi des tests visant à identifier des effets manifestes sur des organismes vivants.
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A quels niveaux d’exposition le risque sanitaire devient-il sérieux ?
La particularité des perturbateurs endocriniens est qu’une très faible dose peutsuffire à augmenter les risques de développement de certaines maladies en lien avec le système hormonal, car la quantité d’hormones secrétées est généralement faible pour fonctionner de manière efficace. Les individus sont plus vulnérables aux perturbateurs endocriniens pendant les périodes importantes dans le développement biologique du corps humain, comme la gestation ou la puberté.
Certains perturbateurs endocriniens peuvent également produire des effets qui se transmettent entre les générations. La hausse des maladies liées au système hormonal constatée aujourd’hui peut donc également s’expliquer par une exposition des générations précédentes à des perturbateurs endocriniens.
De plus, la méthode avec laquelle sont déterminés les niveaux d’exposition « sûrs » pour l’être humain se révèle elle-même inadaptée, selon le rapport de l’OMS de 2013. Cette méthode suppose qu’il existe un seuil sous lequel nous n’observons jamais d’effets adverses et que des faibles doses n’ont aucune conséquence, alors même que les travaux de recherches menés ces dernières années ont montré qu’un tel seuil n’existe pas nécessairement et que les perturbateurs endocriniens peuvent agir à faible dose.
Plusieurs études ont estimé le coût sanitaire de l’exposition à ces substances à 157 milliards d’euros par an pour l’Europe et à 340 milliards de dollars annuels aux Etats-Unis.
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