Lettre ouverte au Président de la Répubique M Nicolas Sarkozy
Bourret le 26 avril 2011
Monsieur le Président de la République française : Nicolas Sarkozy
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice : Michel Mercier
L’association Française des malades de la Thyroïde s’insurge face aux décisions que vous avez prises le 31 mars 2011.
Ce jour sera remarqué dans l’Histoire des Droits de l’Homme du Citoyen et de la Constitution de la République française :
Pour la première fois dans l’Histoire de notre République on dessaisit la Juge d’instruction de son dossier sanitaire, et un Procureur se soumet à la demande d’un avocat d’une personne mise en examen en la personne de Pierre Pellerin.
Alors que le travail fait lors de cette instruction montre que les autorités responsables de notre protection au travers du SCPRI de l’époque avaient pleine connaissance du degré de gravité de contamination lors du passage du nuage sur nos têtes, dans nos poumons ainsi que dans notre consommation alimentaire.
Les radiomètres des centrales Nucléaires, des gendarmeries des pompiers, ont sonné partout pour signaler la gravité du problème. Et cela pendant au moins quatre jours.
Ordre a été donné de débrancher les appareils pour ne plus les entendre hurler. Et dans les centrales les cachets d’iode ont été distribués au personnel ainsi qu’à leurs familles.
La France ne s’est pas pliée aux normes sanitaires de radioprotection de l’époque.
Ces normes ont été débattues lors d’une réunion mi-mai 1986 à Bruxelles, avec l’Office Mondial de la santé, M. Chanteur représentait le SCPRI et le professeur Pellerin.
Tous les pays représentés s’accordaient sur une dose raisonnable de 400 à 600 Becquerels par kilo alimentaire tandis que pour nous français des normes de 10.000 becquerels par kilo seraient acceptables (tout en disant qu’il s’agissait d’un évènement exceptionnel). Du coup nos estomacs ont servi de poubelle européenne pour ce qui était refusé ailleurs : lait, foie gras, champignons gibiers etc. Et cela sous le couvert de groupes agroalimentaires.
Longtemps la situation a perduré.
« L’Association française des malades de la thyroïde qui a vu sa naissance en février 1999, est née sur des questions de pathologies au niveau régional et a été très vite dépassée par des jeunes cancéreux thyroïdiens qui se posaient des questions environnementales. Ce sont des endocrinologues qui ont posé la problématique de la responsabilité de Tchernobyl.
C’est à partir de là que nous avons pris la décision de porter cette affaire devant la Justice.
L’Association, grâce à l’instruction judiciaire, détient maintenant des éléments capitaux en notre faveur : les doses exactes de contamination lors du passage du nuage de Tchernobyl, les contaminations alimentaires, la vente explosive en 20 ans des hormones de substitution. Ces faits témoignent de la gravité de l’augmentation de pathologies thyroïdiennes sans compter les autres pathologies telles que leucémies, lymphomes et autres.
L’association Française des malades de la thyroïde accuse également une partie du monde médical actuel d’être soumis à un dictat des lobbies soutenant le nucléaire ; dire qu’il n’y a pas d’augmentation de cancers n’est pas acceptable quand on sait que les micros cancers de moins d’un centimètre ne sont pas comptabilisés comme tels, et que le cancer thyroïdien met beaucoup plus de temps en moyenne que les autres cancers pour évoluer. Il a fallu perquisitionner certains hôpitaux pour que les malades retrouvent leurs dossiers. Les pièces prélevées en anatomopathologie sont obligatoirement gardées pendant au moins 20 ans.
Voir des grands Professeurs faire une pétition indigne contre nous dans le journal Libération n’est pas acceptable.
Actuellement, au niveau mondial, plusieurs études nous donnent raison. Un travail épidémiologique a déjà été fait en Europe.
Le 31 mars à Paris alors que nous étions convoqués au travers de nos avocats au Tribunal à la 4° chambre, Quai des Orfèvres, on nous a dit quinze jours avant que nous ne pourrions pas tous nous déplacer mais seulement les représentants d’association CRIIRAD et AFMT.
Et le jour avant le rendez-vous, la Préfecture de Police nous annonce que nous ne pourrions pas stationner devant le Tribunal. Un parcage nous était destiné Place du Châtelet.
Il pleuvait fort, les malades étaient trempés, avec devant eux un bataillon de gendarmes en tenue de combat, casqués et avec bouclier. Cette image on ne l’oubliera jamais Messieurs le Président et le Ministre de la Justice, jamais nous ne l’oublierons, au Pays de Voltaire et aux humanistes qui l’ont construit une atteinte fondamentale aux Droits de l’Homme. Nous étions seuls ; mais pour le 7 septembre, nous appelons tous les élus de la République, Maires, Députés, Conseillers de tous partis politiques, à venir signer une pétition afin que le principe du procès soit maintenu.
Un français sur dix est consommateur d’hormones thyroïdiennes, vous comptez en plus sur le soutien de leur famille et leurs proches.
Il y a eu le sang contaminé, il y a eu la vache folle, maintenant Tchernobyl dans l’événementiel de Fukushima.
C’est vraiment une honte à la mémoire de ceux qui ont construit notre Pays dans l’honneur et le sang.
Notre association est présente dans certaines structures d’Autorité sanitaire et l’on peut hélas observer que la santé publique est en train de devenir un gouffre ingérable car on n’a pas voulu voir ni entendre ni réagir face aux problématiques de santé et d’environnement. Dans le Tarn et Garonne nous avons déjà digéré en avril le budget de l’année des soins palliatifs, et hélas dans les quatre cinquièmes des cas ce sont des malades qui n’arriveront pas à l’âge de la retraite.
Nous voyons de plus en plus de gens âgés devoir soutenir leurs gosses en fin de vie.
Nous espérons encore dans un soubresaut d’espoir pour une décision devant se prendre le 7 septembre.
Sachez que ce qui s’y décidera nous motivera pour le futur. Rappelez-vous cette phrase de Rabelais « Sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Elle est d’actualité plus que jamais.
Ne pas retenir les leçons de Tchernobyl : jamais nous ne voulons entendre nos enfants nous reprocher un jour, « vous le saviez et vous n’avez rien fait ».
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République française Monsieur Nicolas Sarkozy ainsi que Monsieur le Ministre de la Justice, Monsieur Michel Mercier, l’expression de notre plus haute considération.
Chantal L’HOIR et Chantal GARNIER
Coprésidentes de l’Association.