La pneumologue brestoise Irène Frachon sort la BD « Mediator, un crime chimiquement pur »

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Fier de ma Bretagne - FB Breizh Izel

Fier de ma Bretagne

Lundi au vendredi – 16h35Par Axel Perret

France Bleu Breizh Izel

Lundi 2 janvier 2023 à 16:36 – Mis à jour le mercredi 4 janvier 2023 à 18:06

La bande dessinée choc sort mercredi 4 janvier aux éditions Delcourt à la veille du procès en appel sur l’affaire du Mediator le 9 janvier. Un scandale sanitaire qui dure depuis 60 ans qui met en cause les différents coupe-faim des laboratoires Servier, de véritables amphétamines.

La pneumologue Irène Frachon signe le scénario de la BD "Mediator, un crime chimiquement pur"
La pneumologue Irène Frachon signe le scénario de la BD « Mediator, un crime chimiquement pur » – DR

C’est un vrai polar, mais tout est vrai et c’est effarant !

Plus que le témoignage de 15 ans de combat d’Irène Frachon en tant que lanceuse d’alerte sur le scandale du Mediator, la BD « Mediator, un crime chimiquement pur » est l’histoire incroyable et vraie d’une firme et d’un homme : Jacques Servier, une histoire de tromperies depuis 1960 auprès de médecins, patients, de la sécurité sociale et de l’agence du médicament. L’histoire de victimes également. Ce documentaire graphique a la même force que la BD de la journaliste bretonne Ines Léraud, ‘ »Algues Vertes l’histoire interdite ».

Le choix Musical de la pneumologue : Miossec

Irène Frachon a souhaité vous faire écouter Christophe Miossec, un voisin qui habite de l’autre coté de la rade de Brest, un homme qui l’a soutenu dans son combat comme bon nombre de Bretons, et une chanson de survivants « Nous sommes ».

Après le livre « Mediator 150 mg, combien de morts ? » aux éd. Dialogues en 2010 sur l’un des plus grand scandales sanitaires français, après le film « La fille de Brest » d’Emmanuelle Bercot (2016) et même la pièce de théâtre, voici donc la BD dont le scénario est signé de la pneumologue brestoise avec l’ancien journaliste d’investigation au Parisien Éric Giacometti (scénariste de Largo Winch) et François Duprat au dessin. Cette BD n’est pas la vie et le combat d’Irène, mais celui d’un laboratoire pharmaceutique condamné par la justice pour tromperie et homicide involontaire. Si la médecin avoue ne pas attendre grand chose du procès en appel qui débute le 9 janvier 2023, elle livre la vérité crue sur cette firme française au cœur du scandale dans ce livre très documenté et étayé, grâce aux ouvrages de Jacques Servier lui-même et aux pièces des dossiers des 7 mois de procès au pénal de 2019. Mais elle veut surtout rendre hommage aux victimes que le procès a évalué à plus de 1300 morts, comme Kathy ou Suzanne décédées en décembre 2022.

"Mediator, un crime chimiquement pur" sort mercredi 4 janvier
« Mediator, un crime chimiquement pur » sort mercredi 4 janvier – éditions Delcourt

Le Mediator a été breveté en 1966, le premier cachet vendu en 1976 comme antidiabétique (pour faire baisser la glycémie), mais détourné ensuite comme coupe-faim pour des personnes non malades mais qui souhaitaient maigrir. Il sera administré à 5 millions de personnes au total. Il ne sera vendu officiellement comme antidiabétique – donc remboursé par la Sécu – et non pas comme coupe faim. La sécurité sociale qui ne le dérembourse finalement qu’en 2009. « Le casse du siècle » pour Irène Frachon. Le Mediator sera à l’origine de nombreuse valvulopathies et d’HTAP (hypertension artérielle pulmonaire) fatales pour le cœur.

« Les coupe-faim Servier, c’est un crime industriel depuis 1960 dont j’ai été témoin dès 1990 lorsque j’étais interne en pneumologie »

Dans l’enquête sur le Mediator qu’Irène Frachon commence en 2007, elle montre que le Mediator est proche de l’Isoméride créé dans les années 1960 dont les dangers avaient été signalés dans les années 80, et dont elle a eu connaissance en 1990 comme pneumologue interne à Clamart, avant que ce dernier ne soit suspendu en 1997. Le Mediator comme l’Isoméride s’avèrent en fait être des dérivés très proche l’un de l’autre des amphétamines, qui délivrent dans l’organisme le même poison aux conséquences désastreuses. Le gendarme du médicament, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) – manipulée par Servier dira la justice qui l’a condamnée à 300 000 € d’amende (l’agence n’a pas fait appel) – a longtemps nié le caractère dangereux du médicament, même après les appels de la lanceuse d’alerte Irène Frachon. Le Mediator qui a la même molécule que l’Isoméride ne sera finalement interdit qu’en 2009 alors que 300 000 Français en consomme chaque jour. La pneumologue brestoise estime à des dizaines de milliers de personnes les victimes des coupe-faim Servier.

Le coin préféré d’Irène Frachon : la plage de Corsen

La plage de Corsen dans l’extrême ouest de la Bretagne à Plouarzel (29) avec son eau émeraude et son sable blanc qui ouvre la BD d’Irène Frachon, c’est le coin de l’insouciance, où elle allait pique-niquer en famille (une famille qui l’a soutenue 15 années durant sans craquer), une insouciance qui s’est brisée pour la lanceuse d’alerte avec la découverte de la manipulation des laboratoires Servier et des victimes du Mediator par centaines. Aujourd’hui ce sont ces victimes qui occupent son esprit, dont elle reçoit d’elles les premières cartes de vœux 2023.

« Servier , c’est un dealer : il invente des dérivés des amphètes pour en faire des coupe-faim qui feront 10 000 victimes »

« Mediator, un crime chimiquement pur », la BD aux éd. Delcourt nous plonge aussi dans la personnalité de Jacques Servier (1922-2014) et de la marche de son entreprise. Et comment ce fils d’un pharmacien qui fabriquait du foie de morue aromatisé pour soigner les enfants devient la 9e fortune de France. Seul a décider de la marche de l’entreprise paternelle qu’il reprend, Servier n’a ni actionnaires, ni syndicat d’employés. Irène Frachon décrit un homme expert en communication, paranoïaque et mégalomane qui emploie des barbouzes (50 000 fichiers secrets de candidats et collaborateurs), qui tisse des liens avec les politiques et les médecins et reçoit en 2009 la Grand-croix de la légion d’honneur par Sarkozy, après des distinctions de Mitterrand et Chirac.

« L’histoire de Servier, c’est une honte pour la France : aujourd’hui l’entreprise a toujours pignon sur rue et on honore ses anciens membres »

Servier, c’est aujourd’hui un labo qui fabrique des médicaments contre l’hypertension, le diabète, contre les jambes lourdes (le Daflon qui n’est plus remboursé parce que jugé inefficace par la Sécu) et des génériques sous la marque Biogaran. Mais une firme toujours reconnue : en 2022 Bercy a promis une subvention de 800 000 € pour une usine Servier avant de se retracter. Jacques Servier, lui, a toujours nié le danger de ses médicaments dont le Mediator – évoquant 3 morts seulement – se voyant comme un homme d’invention et d’entreprise. Son entreprise, malgré le procès semble être sur la même ligne aujourd’hui, contestant une par une chaque indemnisation des victimes.

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