Dysfonction thyroïdienne et ménopause : les précautions à prendre

Vincent Richeux

12 octobre 2020

Paris, France — La ménopause et le traitement hormonal substitutif (THM) peuvent avoir un impact sur les niveaux d’hormones thyroïdiennes. Dès lors, quelles précautions prendre, notamment en présence d’une anomalie de la fonction thyroïdienne ?

Au cours d’une intervention aux Journées nationales de médecine générale (JNMG 2020) , le DrEmmanuelle Sabbagh (hôpital Cochin, AP-HP, Paris) a rappelé les pratiques à respecter [1].

Pour vérifier les répercussions des changements hormonaux sur la thyroïde, « un dosage de la TSH (thyréostimuline) est recommandé à la ménopause, puis six semaines après l’introduction d’un THM, surtout en cas de prise d’hormone thyroïdienne », a indiqué la gynécologue-obstétricienne, au cours de sa présentation.

La TSH est sécrétée par l’hypophyse pour stimuler la production des hormones T3 et T4 par la thyroïde. Une TSH élevée (> 4 mUI/L) caractérise une hypothyroïdie, qui est dite avérée lorsque le niveau de T4 libre est faible. Elle s’accompagne alors de signes cliniques. Si la T4 libre est dans les valeurs normales, on parle d’hypothyroïdie frustre.

A l’inverse, une TSH basse (< 0,03 mUI/L) est révélatrice d’une hyperthyroïdie, qui est avérée en cas de taux de T4 libre élevé ou frustre en l’absence d’anomalie dans les concentrations en T4 libre.

Par les modifications physiologiques qu’elle engendre, la ménopause induit une diminution des hormones thyroïdiennes, a indiqué le Dr Sabbagh. Toutefois, « l’âge semble avoir davantage d’effet sur la thyroïde que la ménopause ». En effet, le niveau moyen de TSH augmente avec l’âge, surtout chez les femmes.

« L’âge semble avoir davantage d’effet sur la thyroïde que la ménopause ». 
Dr Emmanuelle Sabbagh

Des signes cliniques similaires

Conséquence : chez les femmes ménopausées, la prévalence des anomalies de TSH avec signes cliniques (hypo ou hyperthyroïdie) est évaluée à 2,4%, avec une majorité d’hypothyroïdie. Lors de la ménopause, la thyroïde serait moins réactive au rétrocontrôle par la TSH, ce qui favoriserait les formes avérées. Les formes frustres représentent toutefois 23% des cas.

En cas d’anomalie de la fonction thyroïdienne pendant la ménopause, certains signes cliniques associés à l’hypothyroïdie (frilosité, troubles de l’humeur et du sommeil, perte de cheveux, prise de poids, crampes) ou à l’hyperthyroïdie (sueurs, bouffées de chaleur, troubles de l’humeur et du sommeil) peuvent être confondus avec ceux du syndrome climatérique.

« Le risque est de passer à côté d’une dysthyroïdie chez une femme ménopausée », a souligné la praticienne. Or, une TSH basse (hyperthyroïdie) semble accroitre le risque d’ostéoporose, déjà élevé chez les femmes ménopausées, tandis qu’une hypothyroïdie associée à une TSH> 10 mUI/L augmente le risque cardiovasculaire [2,3].

« Le risque est de passer à côté d’une dysthyroïdie chez une femme ménopausée. » Dr Emmanuelle Sabbagh

La T4 libre abaissée sous THM

Une mesure du taux TSH est donc préconisée au moment de la ménopause et reconduit chaque année en cas de dysthyroïdie, a souligné le Dr Sabbagh. Il est également recommandé d’y associer une palpation thyroïdienne et, en présence d’anomalie, de réaliser une échographie.

Par ailleurs, si un traitement hormonal substitutif est envisagé, il convient de prendre en considération un effet potentiel sur la fonction thyroïdienne. « Prises par voie orale, les œstrogènes induisent une hausse de la globuline liant la thyroxine (TBG) », une protéine de transport des hormones thyroïdiennes. Cet effet est moindre avec les œstrogènes administrées par voie transdermique.

Avec son équipe de l’hôpital Cochin, le Dr Sabbagh a montré dans une petite étude que, chez les femmes ménopausées présentant une hypothyroïdie, la prise d’œstrogènes par voie orale majore le niveau de TSH et d’hormone T4 totale et réduit le taux de T4 libre.

« En cas d’utilisation d’hormone thyroïdienne, le THM risque de diminuer la T4 libre en induisant une hausse de la TBG. Par conséquent, chez les patientes traitées pour une hypothyroïdie, un dosage de T4 libre et de TSH est à prévoir lorsqu’un traitement hormonal substitutif est instauré », six semaines après initiation du THM.

Différer les deux traitements

« Le THM n’est pas contre-indiqué en cas de pathologie thyroïdienne », mais les deux traitements substitutifs doivent être pris de manière différée, a indiqué la praticienne, qui recommande de prendre la L-thyroxine le matin, puis le THM en fin de journée. « Avec une prise différée, la dose de L-thyroxine nécessaire pour atteindre les objectifs thérapeutiques est moins importante ».

« Avec une prise différée, la dose de L-thyroxine nécessaire pour atteindre les objectifs thérapeutiques est moins importante ». Dr Emmanuelle Sabbagh

Elle a également précisé que « le traitement hormonal de la ménopause ne doit pas être modifié » lorsqu’un traitement de l’hypothyroïdie est envisagé. « Il faut simplement veiller à bien surveiller la TSH et insister auprès des patients pour que la prise des deux traitements soit dissociée ».

Ces précautions sont également à appliquer avec des traitements de la ménopause non hormonaux, à base de phyto-estrogènes ou d’isoflavones de soja, associés à une « diminution de l’absorption de L-thyroxine ». Des études sur l’animal ont également suggéré une inhibition de la synthèse de T4 avec l’utilisation d’extraits de soja.

Source : Medscape

https://francais.medscape.com/voirarticle/3606452?pa=xEFwpZp7Q%2B0aLpP7%2BhocqZjKxXDEcPJ2feUjdg46FQTC97itWbANJVuaA9ibEtI956MI7dGTgNawPfsOtJla9Q%3D%3D#vp_2

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