Mediator: « Aujourd’hui, on ne tolère plus le risque ou l’erreur »
Par Thuy-Diep Nguyen le 27.09.2019 à 12h11ABONNÉS
ALORS QUE LE PROCÈS DU MEDIATOR VIENT DE S’OUVRIR, THOMAS ROUHETTE, AVOCAT SPÉCIALISÉ, ANALYSE LA JUDICIARISATION CROISSANTE DU SECTEUR DE LA SANTÉ.PHOTOS : ATRICK ALLARD/REA
Depakine, PIP, Distilbène, Levothyrox, crise des opiacées aux Etats-Unis, ou encore le procès hors normes qui vient de s’ouvrir du Mediator … Des deux côtés de l’Atlantique, les grandes affaires sanitaires se multiplient, et les procès s’enchaînent. Quelles conséquences pour le business de la big pharma ? Analyse – pas forcément « mainstream » – de Thomas Rouhette, avocat associé et cofondateur de l’antenne parisienne de Signature Litigation, un cabinet britannique expert en contentieux complexes et en arbitrage international. Spécialisé dans les cas de responsabilité du fait des produits, il intervient régulièrement pour les fabricants. Les avocats de son cabinet se sont notamment illustrés dans l’affaire des prothèses mammaires
Challenges – Mediator, Depakine, Distilbène, Levothyrox… assiste-t-on à une judiciarisation croissante du secteur de la santé ?
Thomas Rouhette – Je vois surtout une judiciarisation, voire une pénalisation, croissante de toute la société. Pas plus la santé que d’autres industries. Dans l’automobile ou l’aéronautique aussi, la tendance c’est de se tourner vers la justice au moindre problème ou défaut allégué sur un produit ou service d’une entreprise. C’est même quasi-systématique dès lors que ce problème a suscité des dommages corporels : un crash d’avion, une personne blessée par une machine sur un chantier ou une chaîne de production … Comme ce fut le cas par exemple pour Toyota, qui a connu il y a quelques années des soucis de freins et d’accélérateurs avec certaines de ses voitures.
Aujourd’hui, cette pénalisation est très visible notamment parce que qui dit procès au pénal dit instruction pour tenter d’établir l’existence et la cause d’un défaut de sécurité sur un produit. Cela nécessite un dispositif et des expertises techniques ou spécifiques… tout cela prend du temps, et rallonge la durée des procédures, et donc l’exposition publique de chaque affaire. A cela s’ajoute enfin l’introduction en 1994 en France du principe de la responsabilité pénale des personnes morales. Pour le procès du Mediator, c’est ainsi que l’on retrouve différentes sociétés du groupe Servier poursuivies aux côtés de personnes physiques. Tout cela participe au sentiment de judiciarisation croissante.