Nouveau Levothyrox: les effets propres à chaque individu mal évalués en amont

Par AFP le 04.04.2019 à 17h33

Une boîte de Levothyrox dans une pharmacie en décembre 2017 AFP/ARCHIVES – REMY GABALDA

L’évaluation faite par le laboratoire Merck pour mettre sur le marché en 2017 la nouvelle version du Levothyrox ne prenait pas suffisamment en compte les variations possibles, propres à chaque individu, des effets du médicament, selon une étude parue jeudi.

Comment un simple outil peut révolutionner votre…

Comment un simple outil peut révolutionner votre quotidien dans votre boîte ? Sponsorisé par Salesforce.com

Ces variations individuelles pourraient expliquer les effets indésirables ressentis avec la nouvelle formule de ce traitement pour la thyroïde, dont se sont plaints quelque 30.000 patients, d’après cette analyse publiée dans la revue spécialisée Clinical Pharmacokinetics.

Cela pourrait rendre plausibles les symptômes rapportés comme contradictoires, y compris chez le même patient, relevant tantôt de l’hypothyroïdie tantôt de l’hyperthyroïdie, évoquant des sous et surdosages.

Des plaintes parfois attribuées à un effet « nocebo » (apparition d’effets indésirables d’origine psychologique), au grand dam des patients.

Dans cet « article d’opinion » publié dans la revue, le professeur biostatisticien Didier Condorcet (Toulouse, Inra/Ecole nationale vétérinaire) et des collègues français et britanniques ont repris l’analyse des essais de « bioéquivalence » moyenne réalisés par le laboratoire allemand Merck et mis en ligne par l’Agence du médicament (ANSM) en 2017 par souci de transparence.

Le Levothyrox (AFP/Archives - Lucie AUBOURG)

Le Levothyrox (AFP/Archives – Lucie AUBOURG)

Ce type de tests est recommandé par l’Union européenne et conçu au départ pour pouvoir commercialiser des génériques.

En dépit du fait que les résultats ont été jugés satisfaisants, permettant ainsi de remplacer l’ancienne formule de ce médicament par la nouvelle, les reproches des patients ont afflué en France.

Les chercheurs observent que « plus de 50% des 204 volontaires » sains qui ont participé à cet essai réglementaire se situaient en réalité en dehors de la plage de bioéquivalence (soit hors de la norme acceptée basée sur des moyennes statistiques).

« C’est un signal qui aurait dû alerter », estime M. Toutain. « Etudier la substitution, ce n’est pas la même chose sur le plan scientifique que d’étudier un générique » poursuit-il ajoutant que les Etats peuvent demander des tests de bioéquivalences individuels adaptés comme l’on fait dans certains cas les Etats-Unis (pour la ritaline) ou la Belgique (pour la gabapentine). « J’aurais aimé que la France fasse la même chose », dit ce chercheur, même si Merck a respecté les chiffres.

Par conséquent, les auteurs s’interrogent sur « l’aptitude » de ce type d’essai de bioéquivalence moyenne à garantir que nouvelles et anciennes formulations de l’hormone thyroïdienne lévothyroxine soient substituables chez les patients.

Le changement d’excipients – le lactose a été remplacé notamment par le mannitol – serait susceptible d’altérer l’absorption du médicament chez certains patients, relèvent-ils.

En mars 2017, à la demande des autorités françaises, une nouvelle formulation de Levothyrox a été homologuée dans le but d’éviter des problèmes de stabilité de l’ancienne formulation.

Le laboratoire Merck a réagi à la parution de cet article en indiquant que dans les autres pays, « les lancements de la nouvelle formule de Lévothyrox, en Suisse et en Turquie, se sont très bien déroulés, sans problématique d’effets secondaires particuliers et sans changement de traitements pour les patients ».

Merck ajoute que « des experts indépendants se sont penchés sur ces études (de « bioéquivalence moyenne ») et ont conclu à la pertinence et à la rigueur scientifique de l’approche ».

« La nouvelle formule satisfait plus de 2,5 millions de patients en France (sur 3 millions de patients sous traitement de produit à base de lévothyroxine) », ajoute le laboratoire.

Vous aimerez aussi...