Disparition. Pierre Marhic, président de l’association des victimes d’essais nucléaires
Pierre Marhic, président fondateur de l’association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires (Anvven). | ARCHIVES OUEST-FRANCE
Modifié le 05/03/2019 à 20h48
Cofondateur de l’Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires (Anvven), le Brestois Pierre Marhic est décédé à l’âge de 73 ans, après 20 ans de lutte courageuse contre la maladie.
Jusqu’au bout, Pierre Marhic s’est battu pour défendre les personnes malades des essais nucléaires. C’est en ce sens que cet ancien radariste détecteur du porte-avions Clemenceau avait cofondé, en 2003, l’Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires (Anvven), à Bohars.
Tout récemment, fin janvier, il s’était notamment félicité d’un jugement du Conseil d’État, synonyme d’avancée cruciale pour une centaine de dossiers d’indemnisation. En rejetant le pourvoi du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), contre la famille d’une victime de Locmariaquer (Mornihan), celui-ci avait (enfin) suscité l’espoir d’une indemnisation facilitée.
Plus de 200 essais nucléaires au Sahara et en Polynésie
Entre 1960 et 1998, pour « asseoir » sa puissance atomique, l’État français a mené de nombreuses campagnes d’essais nucléaires. D’abord au Sahara de 1960 à 1966 (dix-sept tirs, dont quatre atmosphériques), puis dans les atolls polynésiens de Mururoa, Hao et Fangataufan, entre 1966 et 1996 (196 essais, dont 46 atmosphériques).
Conséquence de ces essais aux retombées radioactives, 80 000 personnes ont à l’époque reçu un dosimètre (permettant de mesurer les doses). Et de bien plus nombreuses encore (quelques centaines de milliers de personnes, civiles ou militaires) estiment aujourd’hui être victimes de pathologies induites par les rayonnements auxquels ils ont été exposés : maladies cardiovasculaires, endocriniennes, ophtalmologiques, et surtout cancers et lymphomes, comme celui contre lequel Pierre Marhic s’est battu pendant plus de 20 ans.
« En short et en lunettes »
Par exemple, Pierre Marhic racontait comment, à 26 ans, en 1968, il avait « admiré, en short et lunettes, le nuage nucléaire de Mururoa, à moins de 100 km ». Sans qu’aucune mesure de prévention n’ait été entreprise : « Nous avons été irradiés ! », dénonçait-il.

« Son » porte-avions Clemenceau participait alors à une campagne d’essais nucléaires en vol. Pierre Marhic estimait que cette bombe, qui avait explosé au-dessus du Pacifique, suspendue à un ballon à 600 m d’altitude, était responsable de sa grave maladie du sang.
Celle-ci s’était déclarée il y a vingt ans, en 1998. Sa demande d’indemnisation devant le tribunal des pensions militaires avait d’abord fait l’objet d’un rejet, avant que la cour régionale des pensions n’oblige le ministère de la Défense, en décembre 2013, à reconnaître sa maladie professionnelle. Malgré cette « victoire », le vétéran n’avait jamais abandonné son combat.
Pierre Marhic a servi trente ans dans la Marine Nationale. Embarqué à bord du porte-avions Clemenceau entre 1966 et 1969, il a pris sa retraite en 1973. Ses obsèques seront célébrées jeudi 7 mars 2019 , à 14 h 15, en l’église de Bohars.
98 % des dossiers d’indemnisation rejetés
Depuis le 5 janvier 2010, les cancers liés aux campagnes d’essais nucléaires français (également appelés radio-induits) étaient réglementés par la loi dite Morin. Par l’introduction de la notion de risque négligeable, son article 4 a permis au Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) de rejeter la très grande majorité (98 % !) des dossiers.
Le 28 décembre 2018, un nouveau décret de la loi de finances a changé la donne. Dorénavant, c’est à l’administration d’apporter la preuve que les maladies constatées ne sont pas le fruit de ces essais. Un changement de politique allant dans le sens de ce que Pierre Marhic et son association réclament depuis toujours, et conforté, fin janvier donc, par le récent jugement du conseil d’État.
Le motif d’espoir est réel : le décret de fin 2018 permet en effet aux dossiers qui ont été rejetés par les précédentes commissions, d’être de nouveau présentés au Civen, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.











