Potentiellement dangereux, l’additif E171 devait être suspendu… mais Bercy bloque
Utilisé pour blanchir ou faire briller les chewing-gums et les bonbons, le dioxyde de titane est soupçonné de favoriser les cancers.
Par L’ObsPublié le 11 janvier 2019 à 09h02
Confiseries, gâteaux, plats cuisinés… Malgré le vote du Parlement, Bercy refuse de bannir dès aujourd’hui le dioxyde de titane, additif alimentaire controversé, provoquant la colère des ONG qui espèrent que ce « renoncement » n’est pas définitif.
Le dioxyde de titane, dont la présence est indiquée sur les étiquettes par TiO2 ou E171, est une poudre blanche utilisée principalement comme colorant, pour blanchir ou intensifier la brillance des produits alimentaires.
C’est surtout le fait que cette substance contienne des nanoparticules − d’une taille inférieure à 100 nanomètres, facilitant leur pénétration dans l’organisme − qui soulève, depuis plusieurs années, l’inquiétude des associations de défense des consommateurs et de l’environnement.
De ce fait, la secrétaire d’Etat à la Transition écologique Brune Poirson avait annoncé en mai dernier la suspension de son utilisation dans les produits alimentaires d’ici fin 2018 − suspension et non interdiction qui dépend de l’UE.
La disposition a été reprise dans la loi alimentation promulguée en novembre mais elle ne peut s’appliquer sans un arrêté du ministère de l’Economie.
Bruno Le Maire bloque
Et Bruno Le Maire a été clair cette semaine, dans l’émission « C à vous » sur France 5, sur son intention de ne rien signer dans l’immédiat, mettant en avant des « évaluations différentes » sur la dangerosité potentielle du produit.
L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) soulignait ainsi en 2017 que l’exposition au E171 favorisait la croissance de lésions pré-cancéreuses chez le rat. Sans que ces résultats ne permettent de conclure sur ses effets sur l’homme.
Mais en juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a estimé que cette étude et trois autres soumises par la France ne remettaient pas en cause son évaluation de 2016, qui concluait que le dioxyde de titane n’était « pas de nature à entraîner un risque sanitaire ». Le mois suivant, la Commission européenne lui commandait toutefois un nouvel avis, attendu pour mi-2019, qui devra se pencher en particulier sur la taille des particules.
Bruno Le Maire a lui indiqué avoir demandé à l’agence sanitaire française Anses d' »accélérer ses travaux » sur le sujet.
Sur la base de cette évaluation « à échéance de six mois maximum », « je saisirai à nouveau l’Union européenne et si cette évaluation conclut qu’effectivement il y a un risque sanitaire, je serai le premier à signer l’arrêté », a-t-il ajouté.
« Dans le doute… »
L’Anses doit normalement publier au troisième trimestre 2019 une évaluation des risques liés aux nanoparticules dans l’alimentation, qui inclura le dioxyde de titane.
Mais en attendant, les ONG réclament toujours sa suspension immédiate, choquées par des propos de Bruno Le Maire affirmant que « dans le doute, c’est aux industriels de s’abstenir ».
« Dans le doute, c’est le principe de précaution qui doit s’appliquer, et s’appliquer prioritairement à la protection des consommateurs et pas à la protection des procédés de l’industrie », a dénoncé à l’AFP Olivier Andrault, de l’UFC-Que Choisir.
« On espère que cette position ne reflète pas la position du gouvernement », a ajouté Stéphen Kerckhove, d’Agir pour l’environnement, avant une rencontre en fin de journée ce jeudi au ministère de la Transition écologique.
« S’il s’agit bien de l’avis du gouvernement, ce serait grave : un renoncement évident et un mépris des parlementaires », a-t-il estimé, demandant au Premier ministre de s’exprimer.
« La loi doit être appliquée », a insisté de son côté le député LREM Matthieu Orphelin. « Ce n’est pas en fonction des intérêts de tel ou tel secteur d’activité qu’il faut maintenant revenir dessus », a-t-il déclaré à l’AFP.
Face aux critiques, certains industriels ont annoncé retirer le dioxyde de titane de leurs recettes ou magasins, comme Carambar and Co de ses Malabar ou encore Carrefour, Super U, Leclerc, Picard et William Saurin.
Mais d’autres ont mis en avant des délais d’adaptation.
Le groupe américain Mars a annoncé en décembre un investissement de 70 millions d’euros dans son usine alsacienne, principalement pour supprimer le dioxyde de titane de ses produits « d’ici mi-2020 ». Cette usine, qui fabrique 90% de la production européenne de M&M’S, commencera à produire ce bonbon sans E171 mi-2019, a précisé le groupe.
Les cosmétiques (dentifrices, crèmes solaires…) et médicaments utilisant l’additif E171 ne sont pas concernés par la loi.
(Avec AFP)