Maladie de Lyme : dépôt en cours d’une plainte décalée pour non-assistance à personne en danger !

Paris, le mercredi 25 avril 2018 – Les médecins ont vu émerger ce phénomène avec incrédulité. Leur maladie de Lyme, assez peu souvent rencontrée par les praticiens, à moins de compter une patientèle d’amoureux des forêts, était en passe de devenir une véritable star. La maladie de Lyme est en effet devenue la nouvelle appellation pour désigner différents ensembles de symptômes, mal définis et peu spécifiques, pour lesquels aucune cause unique n’a pu être identifiée. Et pour contourner la négativité des tests et l’absence de morsures de tique dans l’historique du patient, il a été affirmé que les dépistages étaient inefficaces et que derrière Lyme se cachait bien plus que Borrelia, voire bien plus que les tiques. Ce qui apparaissait comme une curiosité finalement presque banale (l’histoire a connu de nombreux exemples de pathologies censées être le nouveau mal du siècle) est en train de se transformer en un véritable scandale. Mais sans doute pas au sens où les tenants de théories de plus en plus fantaisistes sur la maladie de Lyme l’entendent.

De l’intimidation à la plainte

Tout à leur volonté de faire reconnaître leur souffrance et convaincus que Lyme en est la cause, des patients réunis au sein de l’association Le droit de guérir ont pour ambition de judiciariser l’affaire, d’une part en traquant d’éventuels (mais pour l’heure non prouvés) conflits d’intérêts qui empêcheraient la reconnaissance du manque de fiabilité des tests et, d’autre part, en faisant taire tous ceux qui tentent de leur faire entendre raison. Face en effet à l’énonciation d’idées parfois à la limite du surréalisme sur la maladie de Lyme et plus encore face à la dispensation de traitements coûteux, inutiles et parfois potentiellement dangereux, des médecins rappellent régulièrement, dans les médias et dans le cadre de leurs sociétés savantes, la réalité de cette pathologie. Ils sont accusés, au mieux de nier la souffrance des patients (ce qui n’est très majoritairement pas le cas ; une véritable empathie se lit dans la majorité des discours soucieux d’offrir une véritable réponse à ceux qui souffrent et de les soustraire des mains de charlatans), au pire de servir d’obscurs intérêts. L’action contre ces praticiens a été crescendo. Elle a d’abord consisté en l’intimidation via des lettres (ou des cartes de vœux) peu amènes, voire menaçantes, suggérant la lecture de documents censés prouver l’existence de formes différentes de la maladie de Lyme ou de modes de transmission méconnus. Puis, il a été proposé aux patients de dénoncer les médecins devant l’Ordre. Aujourd’hui, une plainte pénale pour non-assistance à personne en danger (!) et violences psychologiques et verbales est en cours de préparation. La plainte cite également les articles du code de la santé publique qui rappellent l’obligation pour les médecins du respect de la dignité des personnes et la nécessité, dans les actions d’information du public, de ne faire état que de « données confirmées ».

Tout est potentiellement Lyme

Le texte de la plainte, qui doit être déposée devant le Procureur de la République de Paris par maître Bernard Benaïm, propose une description de la maladie de Lyme inattendue dans un tel texte et totalement en décalage avec les données « confirmées » de la science. « Il est reconnu, du fait de nombreuses données épidémiologiques et scientifiques, que la maladie de Lyme dans sa forme chronique est impliquée dans un grand nombre de pathologies inflammatoires chroniques, auto-immunes et dégénératives (pathologies ophtalmologiques multiples, pathologies cardiaques, sclérose en plaque, sclérose latérale amyotrophique, Alzheimer, maladies de la sphère autistique, fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, etc.) » peut-on lire par exemple !

Attention : Lyme peut donner des titres de docteur en médecine !

Si la plainte est dirigée contre X, le texte établit néanmoins « une liste non exhaustive » de praticiens « détracteurs ». Sont notamment cités le professeur Benoît Jaulhac, responsable du centre national de référence des borrélioses ou le professeur François Bricaire, ancien chef du service de maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Petite curiosité, la rédactrice en chef de la rubrique Pro et Société du JIM, l’auteur de ces lignes, qui avait déjà eu l’honneur de recevoir une sympathique carte de vœux, est citée comme médecin… bien que n’ayant jamais acquis ce titre. Cette citation, qui non seulement me place en conflit d’intérêt à l’heure où je rédige ce texte (mais beaucoup diront que ce n’est pas la première fois), dénote par ailleurs un léger manque de préparation, dont on veut évidemment croire qu’il n’est pas généralisé !

Tout ce qu’il ne faut pas dire

Comment les personnes citées (et moi-même) ont-elles pu constituer les délits dont elles sont suspectées ? En écrivant ou prononçant des phrases telles que « on ne connaît aucun autre vecteur que la tique » ou encore « le terme chronique est totalement inapproprié ». Violence verbale caractérisée sans doute, non-assistance à personne en danger probable. Nous voulons espérer que les représentants de la justice feront comprendre aux plaignants l’absence de fondement d’une telle plainte. Plus vain serait de souhaiter qu’à l’heure de s’intéresser à la maladie de Lyme les responsables politiques se tiendront à l’écart d’un tel phénomène et continueront à s’en tenir aux données consolidées de la science. Plus utopique encore serait de vouloir que demain ce soit contre les cliniques qui promettent une guérison contre des sommes dépassant les 10 000 euros que les plaignants se retournent, en dénonçant leur escroquerie.

Aurélie Haroche

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