BELGIQUEDepuis le début du mois de mars, les pharmacies belges peuvent distribuer gratuitement des pastilles d’iode à tout client qui en demande, conformément au nouveau plan de sécurité nucléaire. A quoi servent ces comprimés et à qui sont-ils destinés ? Explications avec le docteur Paul Pardon, expert auprès du SPF Santé publique.

A quoi servent les comprimés d’iode ?

Un accident nucléaire peut s’accompagner d’un rejet d’iode radioactif. Respiré ou avalé, cet iode se fixe dans la glande thyroïde et peut accroître le risque d’apparition de cancer de cet organe, surtout chez les enfants. Les comprimés d’iode que nous distribuons contiennent une quantité très élevée d’iode naturel non radioactif. Généralement, la quantité journalière d’iode pour maintenir une santé normale est de l’ordre de 150 microgrammes pour un adulte. Lors d’un accident nucléaire, la dose que nous proposons est de 130 milligrammes, soit quasiment 1000 fois plus. Le but : saturer la glande thyroïdienne avant d’avoir un contact avec l’air contaminé. De cette manière, lorsqu’on respire l’air contaminé, l’organe ne peut plus capter ou fixer l’iode radioactif et, dès lors, il ne peut être irradié.

Pourquoi ces comprimés d’iode sont-ils destinés plus particulièrement aux enfants ?

Plus la personne est jeune, plus le risque de cancer de la thyroïde provoqué par de l’iode radioactif est élevé en cas d’accident nucléaire. La catastrophe de Tchernobyl nous a fait prendre conscience que les enfants, et surtout les plus jeunes, sont beaucoup plus sensibles aux risques de développer un cancer de la thyroïde. C’est la raison pour laquelle il est conseillé aux personnes sensibles sur l’ensemble du territoire de s’approvisionner des comprimés d’iode, notamment les familles avec enfants jusqu’à 18 ans, les femmes enceintes et les femmes qui allaitent. En effet, cette sensibilité accrue à l’iode radioactif est encore plus élevée chez les bébés qui y sont exposés avant leur naissance. Dans une zone de 20 kilomètres autour des sites nucléaires, il est préférable que les personnes sensibles ainsi que tous les autres habitants, vue la proximité, aillent chercher des comprimés d’iode. Dans l’idéal, chaque famille et chaque collectivité (entreprise, école, crèche, e.a.) dans cette zone devraient avoir un stock de comprimés d’iode. En dehors de ces zones de 20 kilomètres, donc dans le reste du pays, il est également conseillé aux collectivités où séjournent des enfants (crèches, écoles, établissements pour jeunes) de se procurer des comprimés d’iode.

Pourquoi les plus de 40 ans doivent obtenir un avis médical avant d’en prendre ?

La limite des 40 ans est assez abstraite. La prise d’iode dépend aussi de la dose d’iode radioactif dans l’air lors d’un accident nucléaire. Pour les personnes de plus de 40 ans, le risque d’une perturbation du fonctionnement de la glande thyroïdienne existe. C’est pourquoi il est important de demander l’avis de son médecin généraliste ou de son endocrinologue, avant que ne survienne un incident nucléaire, afin de savoir s’il est possible de prendre de l’iode. Si la personne prend une forte dose d’iode sans avis médical, elle court le risque de développer une hyperthyroïdie ou même crise thyréotoxique. La glande thyroïdienne s’emballe et s’accélère, ce qui peut entraîner des complications graves, comme de l’insuffisance cardiaque ou, dans le pire des cas, un infarctus. Les désavantages de prendre l’iode pour ce type de personnes sont donc beaucoup plus importants que les avantages. Contrairement à un jeune enfant, le risque de cancer de la thyroïde par de l’iode radioactif à partir de 40 ans est très faible, alors que le risque d’effets secondaires graves augmente. La limite des 40 ans est assez abstraite. La prise d’iode dépend aussi de la dose d’iode radioactif dans l’air lors d’un accident nucléaire. Quand l’exposition attendue soit tellement élevée qu’elle affecte la fonction thyroïdienne, la prise de comprimés d’iode peut être indiquée. En cas de grossesse ou d’allaitement maternel toutefois, la prise de comprimés d’iode est également recommandée au‐dessus de 40 ans.

Le comprimé d’iode ne permet pas de se prémunir face à tous les risques. D‘autres gaz peuvent s’échapper d’un nuage radioactif.

En effet, il y a différents produits radioactifs dans un nuage. Par exemple, on peut retrouver le césium dont la demi-vie est beaucoup plus longue que l’iode radioactif. Encore aujourd’hui, 32 ans après la catastrophe nucléaire à Tchernobyl, on identifie ces substances radioactives dans les écosystèmes forestiers dans les régions où il a plu lors du nuage de Tchernobyl, comme du gibier et des champignons contaminés. Les comprimés d’iode n’offrent une protection que contre l’iode radioactif, pas contre d’autres substances radioactives. Pour cette raison, votre meilleure protection est de vous abriter à temps et d’éviter que l’air intérieur soit contaminé.

Quand devons-nous prendre ces comprimés d’iode ?

En cas d’accident nucléaire, les comprimés doivent être pris lorsque le gouvernement en donne la consigne et uniquement à ce moment-là. C’est pourquoi il est très important de suivre les informations véhiculées par les médias. Lors d’un incident nucléaire, le nuage radioactif n’apparaît pas tout de suite. Ce qui nous permet d’avoir le temps de conseiller la population et, aussi, de prendre les comprimés d’iode au bon moment, pas trop tôt et pas trop tard. La protection de la glande thyroïde est la plus efficace quand on ingère les comprimes peu avant, dans les 6 heures, ou aussi vite que possible après le début de l’exposition à l’iode radioactif. De plus, quand on est à l’abri et que le nuage passe, on gagne un peu de temps pour prendre ces comprimés car l’air contaminé ne rentre pas directement dans le bâtiment et donc l’accumulation d’iode radioactif dans la thyroïde se fait très progressivement. Les comprimés d’iode nous protègent durant 24h. Il suffit donc normalement d’une dose, nous ne conseillons qu’ une 2ème dose dans des cas exceptionnels.

Avez-vous des conseils pratiques à partager ?

Les comprimés d’iode sont mis gratuitement à disposition dans toutes les pharmacies du pays et doivent servir uniquement en cas d’accident nucléaire. Par précaution, on conseille d’aller rechercher ces comprimés maintenant, pour les avoir chez soi avant qu’un incident nucléaire arrive et les autorités recommandent expressément de rester à l’intérieur. Etant donné que la prise de comprimés d’iode n’est efficace que lorsqu’elle est faite au bon moment, il faut surtout éviter de les prendre de sa propre initiative et il faut suivre les recommandations des autorités. Conservez-les donc soigneusement. La plupart des gens rangent leurs médicaments dans leur salle de bain alors que la pièce est humide. Choisissez un endroit sec où placer vos comprimés d’iode, à une température ambiante entre 15° et 25° et hors de portée des enfants. De plus, faites attention à la date affichée sur votre boite. Ce n’est pas la date de péremption mais la date de production qui y est mentionnée. Les comprimés d’iode se conservent dans un endroit approprié au moins 10 ans, probablement même quelques dizaines d’années. Ceux distribués en 2011 (produits en 2010) restent dans un premier temps donc valables jusqu’au minimum fin 2020. Après cette période, des analyses peuvent être effectués pour vérifier l’utilisation ultérieure.

Cet article s’inscrit dans la campagne de communication lancée par le Centre de crise. Cette campagne vise à informer la population sur les risques en cas d’accident nucléaire, afin de pouvoir s’y préparer et savoir comment réagir.

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