C’est une hypothèse plausible et comment l’expliquer ? Est-ce qu’il y aurait moins de bricolages de données dans l’industrie ? Sans occulter l’observation principale : plus de 80 % des chercheurs ont commis ou observé des pratiques préjudiciables à la recherche…
L’article a été publié dans SEE avec le titre « Scientists Still Behaving Badly? A Survey Within Industry and Universities« . C’est une équipe belge qui a bien travaillé, avec bons taux de réponses, un seuil de P à 0,01, et tout semble bien fait. Ils ont analysé les réponses à un questionnaire (22 items) de 617 chercheurs académiques, et de 100 chercheurs de l’industrie. Ils devaient dire s’ils avaient commis et/ou observé certains comportements. Réponses anonymes. Etude faite en Belgique, et les auteurs ne voient pas de raison s’opposant à une généralisation à d’autres pays. Les résultats sont à prendre avec prudence et ils discutent bien les biais de sélection (ceux de l’industrie ayant répondu sont plus enclins à la connaissance des règles d’intégrité), de réponses sociales parfaites. J’ajouterai que les chercheurs académiques étaient un peu plus âgés que ceux d l’industrie (donc moins naïfs ??).
Les prévalences des comportements étaient similaires à ce qui a été décrit dans la littérature. » 71% of respondents from universities compared to 61% of respondents from industry admitted at least one of the 22 actions. Similarly, 93% of the respondents from universities and 84% of those from industry reportedly observed at least one of the 22 actions being done by their colleagues »
Des différences significatives sont apparues pour une action admise (auteurs honoraires ou cadeaux) et trois actions observées (plagiat, auteurs honoraires ou cadeaux, et contourner les exigences en matière de recherche sur les sujets et animaux), toujours avec une prévalence plus faible pour l’industrie que pour les universités, à l’exception du plagiat.
Une interview de l’auteur sur RetractionWatch (janvier 2018) permet de recueillir des commentaires, et j’ai traduit une des questions de RW : « Vous avez constaté que les gens qui travaillent dans l’industrie étaient moins susceptibles de signaler une inconduite que ceux qui travaillent dans le milieu universitaire. Pensez-vous que le taux d’inconduite est plus faible dans l’industrie et, le cas échéant, quels sont les facteurs en jeu ? Ou encore, les gens de l’industrie sont-ils tout simplement moins enclins à parler d’inconduite ? »
Réponse de S Godecharle : « Notre recherche n’explique pas pourquoi l’inconduite en recherche a généralement été signalée moins fréquemment dans l’industrie. Comme nous l’avons indiqué dans notre document, nous ne pouvons pas exclure une sélection ou un biais de déclaration. Il est possible que l’inconduite en recherche soit moins répandue dans l’industrie. Toutefois, il convient de souligner que les différences dans la déclaration de certains éléments sont minimes.
Des recherches plus poussées pourraient permettre de déterminer si un cadre strict, avec des règles rigoureuses et des vérifications fréquentes, pourrait effectivement diminuer ou même prévenir l’inconduite en recherche. En tant qu’éthicien, j’ai tendance à croire que la culture de la recherche et le rôle des superviseurs sont essentiels. Par exemple, si vous avez une politique qui exige que tout le monde suive une formation sur l’intégrité en recherche, mais que le superviseur du laboratoire stimule des pratiques de recherche douteuses ou même l’inconduite en recherche, la formation aura peu d’effet. Cela soulève également la question de savoir si les répondants eux-mêmes considèrent les 22 éléments comme de l’inconduite en recherche. Peut-être les considèrent-ils comme des pratiques de recherche plus discutables, voire neutres. »