Le nouveau Levotyrox ressemble… à son générique
Le différence principale de la nouvelle formulation du Levothyrox se situe dans le remplacement d’un composant principal de l’excipient, le lactose, par du mannitol (E421). Le mannitol est utilisé dans de nombreux produits alimentaires, en particulier les bonbons, mais aussi dans les médicaments comme… le générique du Levothyrox : la Levothyroxine du laboratoire Biogaran, aujourd’hui retiré du marché. Ce générique a été déconseillé par la plupart des endocrinologues depuis sa mise sur le marché, les patients le supportant très mal et l’ANSM elle-même « mettait en garde » sur son utilisation en 2010 :
Mise en garde sur le répertoire des génériques
La lévothyroxine sodique est une hormone thyroïdienne de synthèse à marge thérapeutique étroite (ou substance dite « à dose critique »). La bioéquivalence entre les spécialités génériques à base de lévothyroxine et la spécialité de référence a été démontrée sur la base d’un intervalle d’équivalence resserré à 90-111% pour l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques mesurées entre 0 et 48 heures après la prise. Cependant, l’ajustement posologique de ce traitement au long cours est individuel et nécessite un contrôle clinique et biologique attentif, l’équilibre thyroïdien du patient pouvant être sensible à de très faibles variations de dose. En effet, l’ajustement de la posologie nécessite chez certains patients des paliers d’adaptation de 12,5 µg (…)
Les patients ayant basculé du Levothyrox à la Levothyroxine Biogaran ont été nombreux en 2010 à se plaindre d’effets indésirables similaires à ceux renvoyés par les malades utilisant la nouvelle formulation du Levothyrox en 2017. Les doses procurées par la Levothyroxine — comme le souligne l’ANSM dans sa mise en garde sur le répertoire des génériques — peuvent varier par rapport au Levothyrox, et les hormones thyroïdiennes de synthèse ayant une marge thérapeutique étroite, il est donc nécessaire de réajuster le traitement sous peine pour le malade d’être déséquilibré et donc de subir des effets sévères dûs au trop plein d’hormones (ou parfois, plus rarement, au manque d’hormones). Les patients subsituant le Levothyroxine au Levothyrox ont donc été forcés d’aller faire des tests pour que leur médecin endocrinologue réajuste les dosages adaptés au générique. Un forum de malades de la thyroïde a effectué un sondage auprès de ses plus de 300 membres au sujet du passage du Levothyrox au générique Levothyroxine. Le résultat est sans appel :
La différence principale entre la Levothyroxine Biogaran et le Levothyrox de Merck se situait dans leurs excipients respectifs : le mannitol pour Biogaran et le lactose pour Merck. Aujourd’hui, le Levothyrox contient du mannitol et plus de lactose, comme le générique de Biogaran. L’ANSM expliquait en 2010 que « le dosage peut être altéré avec le générique« . En 2017 les deux médicaments ont une formulation quasi identiques.
Compte tenu des variations de l’exposition qui pourraient survenir lors de changement de spécialités à base de lévothyroxine chez certains patients à risque au sein des catégories suivantes : en particulier chez les patients traités pour cancer thyroïdien, mais également ceux atteints de troubles cardio-vasculaires (insuffisance cardiaque ou coronarienne, troubles du rythme), femmes enceintes, enfants, sujets âgés, ainsi que dans certaines situations où l’équilibre thérapeutique a été particulièrement difficile à établir, et afin de prévenir tout risque de surdosage ou de sous-dosage, une surveillance est nécessaire en cas de changement entre deux spécialités à base de lévothyroxine: spécialité de référence vers spécialité générique, spécialité générique vers spécialité de référence ou spécialité générique vers une autre spécialité générique.
Chez ces patients à risque, le maintien de l’équilibre thérapeutique doit être confirmé par une évaluation clinique, voire biologique si nécessaire (par un contrôle de la TSH réalisé entre 6 et 8 semaines après la substitution, hormis le cas de la femme enceinte où les modalités de surveillance sont à adapter en fonction de l’évolution de la pathologie thyroïdienne et en fonction du terme de la grossesse).
La commercialisation du générique Levothyroxine Biogaran a été stoppée, puis reprise en 2013 et de nouveau stoppée — définitivement cette fois-ci — en 2016. Selon l’ANSM, les raisons de cet arrêt définitif de commercialisation viendraient « d’une défiance des patients envers les génériques et donc d’un désintérêt commercial du laboratoire, qui a décidé d’arrêter de le produire et de le vendre« .
Des malades furieux, à juste titre ?
Le scandale en cours, avec des dizaines de milliers de personnes qui ne comprennent pas pourquoi elles sont malades avec leur médicament qu’elles prennent depuis des années sans encombre, semble provenir d’un problème central : l’information. l’ANSM a publié sur son site une annonce sur le changement de la formulation avant l’arrivée du « nouveau » Levothyrox, en mars 2017, au niveau national, mais cette information ne semble pas avoir circulé correctement. Si chaque malade avait été prévenu qu’il devrait faire de nouveaux dosages entre 6 et 8 semaines après le passage à la nouvelle formulation (comme dans le cas de la substitution par le générique), peut-être ces malades auraient-ils retrouvé aujourd’hui le bon dosage et n’auraient pas les problèmes actuels ? L’ANSM explique que « 100 000 courriers ont été envoyés aux professionnels de santé en février 2017, expliquant les changements et la nécessité d’informer les patients » (lien vers le document). Cette information ne semble pas avoir été correctement prise en compte, selon l’agence, qui reconnaît que la majorité des patients a au final été surtout prévenue que « la couleur de la boite changeait, mais pas le médicament, qui était le même ». A souligner : seuls les publics à risques étaient censés devoir procéder à un contrôle de dosage hormonal après 6 à 8 semaines (cancers de la thyroïde, maladies cardiovasculaires, enfants, personnes âgées).
Ce changement de formule semble un peu radical pour ceux touchés par ses effets, exactement comme dans le cas du générique. Dans tous les cas de figure, de nombreux patients ne peuvent plus avoir les bonnes doses d’hormones durant des semaines, sont malades par ce biais et ce, simplement pour se plier aux « nouveautés » d’améliorations d’un médicament pourtant connu comme étant très sensible…
Pourquoi ne pas avoir conservé l’ancienne formulation ainsi que la nouvelle, pour laisser le choix aux malades ? La nécessité pour l’ANSM de changer le lactose pour le mannitol semblait impérieuse, puisque cet excipient était déjà indiqué dans la composition du Levothyrox dès septembre 2016 sur le site de l’agence, alors que le médicament n’en contient officiellement que depuis… mars 2017 :
Lien vers la nortice : Notice du Levothyrox 75 mg mise à jour le 27/09/2016 sur le site de l’ANSM :
· La substance active est :
lévothyroxine sodique…………………………………………………………………………… 75 microgrammes
Pour un comprimé
· Les autres composants sont : mannitol, amidon de maïs, gélatine, croscarmellose sodique, stéarate de magnésium, acide citrique anhydre.
Le Levothyrox est considéré comme un médicament très fiable depuis des décennies par les malades — qui le plébiscitent — avec une population de plus de 3 millions de personnes en France qui ne peut en réalité pas s’en passer et vit dans de bonnes conditions la plupart du temps grâce à celui-ci. Sachant que c’est un médicament à « dose critique », il est étonnant de la part des autorités sanitaires d’avoir voulu le modifier pour le rendre similaire dans sa composition à un générique qui pose problème depuis le début et qui été retiré du commerce. Les malades touchés par ce changement sont donc furieux, et certainement à juste titre, puisque nombre d’entre eux se demandent s’ils ne sont pas en quelque sorte « des cobayes », forcés de subir des modifications de leur traitement, sans en être informé au prélabale et sans alternative.
Effets secondaires du Mannitol ?
Reste la question des effets secondaires vécus par une partie des malades, malades qui peuvent avoir subi une modification de dosage hormonal ou non avec la nouvelle formulation mais sont pourtant touchés par des effets secondaires importants : vertiges, diahrées, maux de tête, assèchement de la bouche, reviennent souvent dans leurs témoignages. Le mannitol est utilisé par injection pour des anesthésies — afin de réduire certains oedèmes cérébraux ou l’hypertension intra-oculaire — et a comme effets secondaires : « nausées, vomissements, céphalées, vertiges, tachycardie, assèchement de la bouche, douleur thoracique, déshydratation, troubles de la vision, hypotension ou hypertension, confusion mentale« . Bien entendu, les doses par injection n’ont rien à voir avec la quantité de mannitol contenu dans le Levothyrox, mais les effets secondaires sont similaires à ceux décrits par les patients prenant la nouvelle formulation du Levothyrox. Pour les très faibles doses, les effets secondaires du mannitol sont : « des risques de troubles digestifs, diarrhée ». En 1999, ces effets indésirables, selon l’ANSM, étaient possibles à partir de 1g, puis en 2003… seulement à partir de 10g.
Comment ne pas mettre en lien ces effets secondaires potentiels du mannitol avec ceux décrits par une partie des malades, depuis qu’ils prennent le Levothyrox avec le mannitol comme excipient ? Le mannitol est un excipient présent en très petite quantité dans le Levothyrox nouvelle formule, mais est-il appliqué en solution nanoparticulaire, comme de nombreuses documentations scientifiques traitant des nouveaux procédés industriels de fabrication des médicaments peuvent l’indiquer ? Les études sur le dioxyde de titane (E171) comme additif — présent en nanomolécules dans les aliments et médicaments — soulignent des effets encore méconnus mais inquiétants de ces molécules lorsqu’elles sont ingérées sous forme nanométrique. Les laboratoires ne communiquent pas ou peu sur cet aspect de la fabrication de leurs médicaments et l’étiquettage normalement obligatoire de l’utilisation de nanoparticules dans les aliments ou médicaments n’est pas appliqué en France. L’ANSM a été questionnée et se renseigne sur ce sujet.
Situation bloquée et début d’un problème sanitaire
La « crise du Levothyrox » s’est accentuée hier, le 31 août, avec une alerte de l’ANSM auprès des professionnels de santé interdisant la prescription et la vente de Lévothyroxine en gouttes. Désormais, seuls les enfants de 8 ans ou moins ainsi que les personnes ayant des problèmes de déglutition sont autorisés à se voir prescrire ce médicament sans excipient. Même avec une ordonnance, un malade de la thyroïde ne remplissant pas l’un de ces deux critères ne peut plus l’acheter. Des médecins recevant l’alerte de l’ANSM sur l’ordinateur ont déchiré l’ordonnace de Levothyroxine devant leur patient éberlué, des pharmaciens ont refusé hier en fin de journée de délivrer le médicament à des malades… pourtant munis d’une ordonnance. L’ANSM explique cette interdiction par « la crainte d’une rupture de stock de Levothyroxine qui pénaliserait une catégorie de patients : les enfants de moins de 8 ans et les personnes ayant des problèmes de déglutition. Le laboratoire qui fabrique le Levothyroxine en gouttes ne pourrait pas augmenter sa production ».
Des patients ayant substitué les gouttes de Levothyroxine au nouveau Levothyrox depuis plusieurs semaines témoignent sur Internet de la baisse des effets secondaires et de leur meilleure forme, et soulignent par ce biais la problématique de la nouvelle formule du médicament en cachet. Malgré tout, avec la toute nouvelle interdiction, ils ne pourront pas continuer ce traitement et seront obligés de revenir au Levothyrox… ou d’arrêter tout traitement ? C’est la crainte des médecins, puisque des malades commencent à envisager une grève du médicament « étant trop malades avec la nouvelle formule » et exigent que l’ANSM revienne en arrière, en demandant à Merck de refabriquer le Levothyrox ancienne formule. Un seul et unique médicament pour des dizaines de milliers de patients (1% selon l’ANSM, ce qui correspond à plus de 30 000 personnes) qui déclarent être malades depuis qu’ils le prennent, une interdiction de bénéficier d’une alternative et des patients prêts à arrêter de se soigner : un problème sanitaire est en train de survenir avec une situation qui semble bloquée. L’ANSM, pour l’heure, demande aux patients de consulter leur endocrinologue pour qu’il modifie leur dosage et… d’attendre que les symptômes et effets indésirables disparaissent.
Le club des médecins blogueurs a publié le 24 août dernier le billet d’un médecin intitulé « l’affaire Levothyrox » dans lequel l’auteur pose de nombreuses questions sur les effets notables de la nouvelle formule du médicament, avec entre autre un questionnement sur les problèmes de générication débutés aux Etats-Unis en 2003 :
« Quid des génériques de Levothyrox dont on sait qu’ils posent des problèmes de biodisponibilité depuis la générication aux Etats-unis d’Amérique en 2003 (cf. supra) ? On rappelle que le générique Teva a été en France retiré du marché pour des problèmes de stabilité. »
La question est posée.
L’ANSM indique pour l’instant que dans « l’attente de l’enquête en cours sur la Levothyroxine, qui sera terminée au mois d’octobre, il est demandé aux patients de continuer à prendre leur taitement« . Les malades de la thyroïde affectés par la nouvelle formule du Levothyrox accepteront-ils de suivre cette unique préconisation ? Rien n’est moins sûr : une patiente de 58 ans, ayant subi une ablation de la thyroïde en 2006 annonce avoir porté plainte contre Merck pour « négligence fautive du laboratoire Merck et une faute de celui qui a ordonné le changement de la molécule sans indiquer les conséquences possibles de ce changement », relate l’AFP.